Le réseau européen sur les compétences clés, KeyCoNet, a tenu sa conférence finale à Bruxelles en novembre dernier. Ainsi se concluait trois ans de travaux intenses comprenant notamment des revues de littérature , des visites d’étude dans plusieurs pays (Espagne, Irlande, Malte), des études de cas et des recommandations en direction des acteurs des politiques éducatives.
Autant le socle commun initial de 2005 en France semblait s’inspirer fortement des compétences clés définies au niveau de l’Union européenne, autant on s’est bien rendu compte dans les débats et les études que le concept de « compétences » tel qu’il est débattu dans le monde francophone n’a pas toujours la même acception théorique et surtout pratique dans d’autres pays qui s’y référent pourtant.
La plupart des pays exprime néanmoins une préoccupation convergente pour se demander ce qui est indispensable à la formation du citoyen du 21° siècle.
Si l’on prend conscience qu’un enfant qui rentre aujourd’hui dans la scolarité élémentaire a toutes les chances de vivre l’ensemble du 21° siècle, cela donne une idée de l’ambition de l’éducation obligatoire : préparer cet enfant à vivre un siècle de bouleversements sociaux et technologiques dont nous n’avons qu’une idée fragmentaire aujourd’hui !
Les compétences clés représentent aujourd’hui l’étendard ou le point de ralliement de tentatives pour éviter le double écueil du mythique retour aux « fondamentaux » ou de la reproduction sans inventaire des connaissances scolaires déjà là. Eviter le rétrécissement du curriculum à d’incertaines connaissances « de base », comme endiguer sa dispersion sans fin dans un encyclopédisme impossible.
Les politiques publiques ne connaissent pas en la matière un cours linéaire. Dans le cours même du projet, certains partenaires de KeyCoNet ont connu des gouvernements engagés dans les compétences qui ont brusquement décrété un retour en arrière (Portugal par exemple) pendant que d’autres oscillaient entre les deux positions. La France, au début du projet, était engluée dans les atermoiements hérités du ministère Darcos et se retrouve, à la fin du projet, dans l’actualité des propositions du C.SP. qui confirment l’objectif des compétences mais avec une liste largement révisée.
Entre réorganisation curriculaire vers des connaissances « en acte », enseignement de compétences transversales, explicitation des compétences partagées entre les disciplines ou simple soulignage de certaines dimensions contenues dans les matières existantes, on a par conséquent constaté que la mise en oeuvre des compétences clés peut prendre bien des visages différents.
Le réseau KeyCoNet a malgré tout réussi à identifier des lignes de force qui justifient une série de recommandations à découvrir sur le site de KeyCoNet en version originale, en version française ou même par vidéo (en anglais).
On peut en retenir que la première recommandation vers les responsables de politiques publiques formulée par le réseau a sans surprise consisté à demander une clarification à tous les niveaux des objectifs comme des concepts et des termes : les décideurs devraient adopter une démarche stratégique et globale qui fasse sens de la plus petite unité scolaire jusqu’à l’autorité ministérielle en charge de l’éducation. Cela implique de développer des cadres cohérents d’évaluation en amont et en aval qui fasse une large part à des modalités d’évaluation formative.
Plus généralement, le besoin d’explicitation du périmètre des compétences et de la façon dont on peut les travailler et les utiliser dans le quotidien de la classe est apparu une priorité pour l’ensemble des acteurs et des parties prenantes de l’éducation, y compris les parents.
Contrairement à une idée répandue dans certains pays, la démarche par compétences dont il est question ici n’est pas une technique pédagogique nouvelle, qui serait l’affaire réservée des professionnels de l’éducation, mais plutôt un objectif mobilisateur de la société autour de son curriculum. Implanter les compétences clés dans l’éducation vise d’abord à donner du sens et des objectifs plus clairs à l’éducation.
Ceci souligné, des évolutions réussies concernant les compétences passent d’abord par un engagement des enseignants et des efforts massifs et réguliers pour les aider dans leur développement professionnel. Cela implique des réformes de la formation initiale et continue qui ont de la peine à se développer, ainsi qu’un soutien aux enseignants au jour le jour.
A ce titre, l’existence de réseaux denses qui aident les enseignants à travailler ensemble, à confronter et échanger sur leurs pratiques, à favoriser les relations entre établissements et au sein des établissements, est apparue particulièrement stratégique.
Dans ce contexte, une attention particulière peut être apportée aux opportunités de collaboration et de dissémination des expériences permises par les technologies numériques, comme aux possibilités de développement des compétences dans des environnements d’apprentissages améliorés par le numérique.
En conclusion de ces trois ans de réflexions et de travaux, un certain nombre d’acteurs français du réseau ont convenu de se retrouver pour envisager le maintien d’un cadre de réflexion et d’actions sur ce type de démarches curriculaires en France.
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