In ToutEduc – le 13 mai 2013 :
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ToutEduc : Pourquoi la ville de Belfort a-t-elle décidé de mettre en place la réforme dès 2013 ?
Etienne Butzbach : Depuis 2009, nous nous battons pour rétablir la semaine de 4jours et demi. Nous nous étions mobilisés lorsque le ministre Darcos avait supprimé le samedi matin travaillé: la semaine de 4 jours a le double inconvénient d’accroître les inégalités et d’aggraver l’échec scolaire. Aussi, lorsque Vincent Peillon a annoncé qu’il souhaitait revenir à l’organisation qui prévalait avant 2009, nous n’avons pas attendu la publication du décret “rythmes scolaires” pour nous organiser et réfléchir aux maquettes qui semblaient intéressantes. Cette réflexion a donné lieu à des débats animés mais nécessaires, au conseil municipal comme dans les établissements scolaires [Bertrand Chevallier, adjoint au maire de Belfort (PC), ainsi que les élus communistes de la ville ont demandé le report à 2014 du passage à 4,5 jours, et se sont dit "inquiets" de sa mise en place en 2013].
De manière générale, j’ai senti que l’ensemble de la communauté éducative était inquiète. Depuis la publication du décret, trois ateliers de discussion publique, les "samedis de l’éducation", ont été mis en place pour débattre des enjeux de la réforme avec les parents d’élèves, les enseignants, les personnels communaux et les représentants du monde associatif concernés. Ces ateliers ont permis d’affiner la maquette de la réforme, notamment le contenu et la durée de la pause méridienne, ainsi que la structure des "parcours éducatifs" des élèves. Ils ont surtout levé un certain nombre d’interrogations en permettant à chacun de s’approprier la nouvelle organisation. Aucune réforme importante n’est possible sans un débat public approfondi et durable qui associe l’ensemble des acteurs.
Il est d’ailleurs indispensable de débattre publiquement de l’éducation de nos enfants, au-delà de la question des rythmes. La ville de Belfort a décidé de pérenniser l’expérience et de mettre en place une réunion régulière de réflexion publique un samedis tous les mois.
ToutEduc : A la rentrée 2013, à quoi ressemblera une semaine de classe dans les écoles de la ville de Belfort ?
Etienne Butzbach : Nous avons opté pour une semaine de 4 jours et demi sans rupture, du lundi au vendredi. Il fallait éviter la coupure de milieu de semaine, qui heurte les enfants les plus fragiles. Le choix du mercredi matin s’est donc fait assez naturellement. C’est aussi l’organisation la plus cohérente avec nos habitudes sociales, et celle qui ressemble le plus à ce qui se fait en Europe et dans le monde.
Au niveau des horaires, le projet retenu par les écoles belfortaines prévoit des matinées de travail assez longues, de 8h30 à 11h45, afin de respecter le rythme naturel des enfants, qui sont plus attentifs le matin [les horaires définitifs seront fixés en juin par le directeur académique des services de l’Education nationale, Patrick Mellon, après consultation du conseil départemental de l’Education nationale, NDLR]. L’après-midi, les enfants travailleront de 14h à 16h.
La pause méridienne est un temps de détente fondamental. Les plus petits doivent disposer d’un temps de sieste sous la responsabilité des ATSEM, tandis que les écoliers ont besoin de se reposer, de se défouler ou d’effectuer des activités calmes, selon leur profil. En étalant cette pause méridienne de 11h45 à 14h, nous donnerons aux enfants le temps de manger à leur rythme et de récupérer.
Toute la difficulté était d’articuler le temps scolaire proprement dit avec les quatre autres temps de la vie educative : le temps d’accueil de certains enfants avant et après les cours, le temps de la pause méridienne, le temps de l’aide personnalisée (qui concernait déjà 50 à 90% des élèves de Belfort avant la réforme) et le temps des animations éducatives périscolaires, qui permettent aux enfants de découvrir d’autres activités.
ToutEduc : Comment s’articuleront ces activités périscolaires avec le travail scolaire ?
Etienne Butzbach : Une fois par semaine, les enfants participeront à des “ateliers découverte”. Au cours d’une séquence d’une heure trois quarts, les enfants découvriront des activités sportives, culturelles ou scientifiques. Des clubs sportifs à l’Association des croqueurs de pomme, tous les acteurs associatifs ont un rôle à jouer car toute activité peut être prétexte à des questions éducatives.
A Belfort, ce type de partenariats existait déjà avant la réforme. Grâce à l’action de 13 animateurs sportifs, tous les enfants des écoles belfortaines savent nager, ont pratiqué le ski, la voile et le patin à glace lorsqu’ils arrivent au collège. Dans un groupe d’écoles pilotes, un atelier expérimental donne la possibilité depuis trois ans à une trentaine d’enfants de s’initier à la pratique instrumentale alors qu’il n’y auraient pas eu accès sans cette intervention. Au terme d’une année, une douzaine d’élèves les plus motivés intègre le conservatoire pour approfondir cet apprentissage.
Nous voulons profiter de la réforme des rythmes pour systématiser ces ateliers découvertes en les intégrant dans un parcours éducatif artistique et culturel qui permette à tous les élèves de bénéficier d’une ouverture sur le patrimoine et les musées, les arts plastiques, la danse, le théatre et le cinéma. Ces parcours doivent être pensés pour ne pas "faire de l’école après l’école" et articuler étroitement projets d’école et projets de territoire avec l’élaboration d’un référentiel éducatif commun entre équipes enseignantes et intervenants périscolaires.
ToutEduc : La réforme des rythmes scolaire implique-t-elle de mettre en place des "plans éducatifs de territoire" (PEDT) ?
Etienne Butzbach : Bien sûr : il faut que les territoires développent un PEDT pour assurer une continuité éducative dans le parcours des enfants. Il ne faut pas limiter ces projets à l’échelle des communes, l’intercommunalité a un rôle à jouer. Les communautés de communes peuvent mutualiser un certain nombre de moyens et s’appuyer sur un tissu associatif plus dense.
Nous devons surtout sortir des projets éducatifs "locaux" et développer des projets éducatifs "globaux" qui articulent mieux l’action des différents acteurs éducatifs : l’Education nationale, les collectivités et les parents d’élèves. Il faut nouer un nouveau pacte éducatif entre ces acteurs.
Dans ce but, je préconise de créer un véritable service public du périscolaire. Les collectivités en seraient les chefs d’orchestre, mais elles s’appuieraient sur les associations complémentaires et serait ouvertes aux parents volontaires. La parentalité est une question essentielle dans l’éducation des enfants : nous devons faire en sorte de les impliquer davantage.
J’ai proposé à Vincent Peillon de mettre en place ce service public du périscolaire. Pour lui, ce projet s’inscrit dans la logique des futures ESPE, qui doivent prendre en charge la formation de tous les acteurs éducatifs. Le ministre m’a assuré que les intervenant périscolaires pourraient être formés avec le même système de référence que les enseignants, tout en respectant leur spécificité. Les enseignants et les animateurs ont la même responsabilité éducative mais ce sont deux acteurs bien distincts.