Pour assurer davantage de mixité sociale, la carte scolaire suffit-elle ? La question est posée à un des ateliers du colloque organisé par le Cnesco sur la mixité sociale le 3 juin. Pour y répondre, une belle assemblée de décideurs, chercheurs et acteurs. En discussion la mise en place des cartes scolaires, le report de l’Etat vers les collectivités locales des questions de mixité sociale. En privilège, des exemples précis portés par leurs acteurs…
Choukri Ben Ayed : La question n´est pas de savoir s´il faut une sectorisation ou pas, mais laquelle et pourquoi ?
Si la mixité sociale est énoncée comme une volonté politique forte, un enjeu pour la République et la Nation, alors il faut que celle-ci se dote des outils nécessaires à sa réalisation et en particulier un vrai cadre législatif, absent pour le moment selon lui.
Il y a une première contradiction : parler de sectorisation et de libre choix. C´est un débat clivé voire maladroit. C´est quoi au juste la sectorisation ? Il n´y a pas plusieurs types de sectorisations ? C´est un problème compliqué car l´Éducation Nationale l´annonce comme une priorité de la société. Quid du cadre juridique et quid opérationnel.
On parle peu de la sectorisation du premier degré. Il n´y a pas de texte juridique, à ce jour, faisant de la sectorisation dans le premier degré une obligation institutionnelle et juridique. Elle est laissée à l´appréciation des municipalités en fonction donc de leurs intérêts locaux. Cela a un effet catastrophique car les gens ne comprennent pas pourquoi ils font ce qu´ils veulent en primaire et, ensuite, à partir du collège sont affectés en fonction de leur secteur. Alors, si la mixité sociale est un enjeu pour la nation, pourquoi on ne pensera pas à ce que l´État prenne la main pour sectoriser les villes ? L´État n´a pas de prise sur le premier degré. On est dans un cadre décentralisé. Que fera-t-on, de surcroît, quand on aura des municipalités Front National pour les convaincre de faire une politique qui défend les plus faibles? On ne pas vouloir la décentralisation et ne pas assumer les alternances politiques.
Concernant le second degré, depuis 2004, la compétence de la sectorisation a été transférée aux conseils généraux, donc l ´État n´a pas la main non plus. À ce moment-là, on n´est pas dans une mixité sociale, on est dans une autre logique. On parle seulement d´équilibre démographique, pas de mixité sociale.
La décentralisation est-elle une fin ou un moyen ? Si on estime qu´on a perdu la main, soit on renonce à l´objectif de mixité sociale, soit on ne renonce pas et remet les choses dans le bon ordre. En 2013, les inspecteurs généraux ont remis un rapport sur l´assouplissement de la carte scolaire. La moitié des conseillers généraux ne savaient pas que cette compétence avait été transférée en 2004, l´autre moitié n´avait pas jugé bon de prendre une délibération qui modifiait les secteurs, pensant que ça allait risquer de froisser l´Éducation Nationale. Et une toute petite partie s´est emparée de cette compétence pour modifier des secteurs.
Alors, on fait comment ? Qui fait quoi ? La mixité sociale comme enjeu de la Nation et de la République, tout le monde est d´accord. Mais quels moyens se donne la République pour administrer cette politique et pouvoir la contrôler et être à la hauteur ? La question se pose encore aujourd´hui sur l´adéquation du cadre juridique, réglementaire et administratif. […]
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