In Médiapart – le 9 septembre 2013 :
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J’étais, ces derniers jours, dans mon Limousin natal, où une belle fête a été organisée pour les 70 ans du Musée fondé par mon père, à Châteauponsac. Et là, qu’est-ce que j’apprends ? Qu’une Charte de la Laïcité va être affichée dans les établissements scolaires, mais que, en transitant de la rue de Grenelle aux différents rectorats, le texte a été tronqué, sous prétexte que les élèves ne peuvent pas lire les textes « interdits aux moins de 18 ans »… alors que, justement, avec Internet, ce sont ceux-là qui les intéressent… d’ailleurs moi-même quand j’avais 12 ans… Mais, bref, j’ai contacté aussitôt la NSA qui, dans les millions de mails que stockent ses agents, m’a trouvé le texte initial. J’en réserve l’exclusivité à Mediapart, en soulignant les passages perdus entre la rue de Grenelle et les différents rectorats.
1 La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi, sur l’ensemble de son territoire, de tous les citoyens. Elle respecte toutes les croyances. C’est le rappel de la Constitution. En conséquence la laïcité doit être indivisible, et le Concordat est immédiatement aboli en Alsace-Moselle, la laïcité doit être démocratique et la présente Charte est soumise aux remarques critique des élèves, la laïcité doit être sociale et on ne pourra parler des éventuelles « atteintes à la laïcité » qu’après avoir abordé de front toutes les atteintes à l’égalité.
2 La République laïque organise la séparation des religions et de l’Etat. L’Etat est neutre à l’égard des convictions religieuses ou spirituelles. Il n’y a pas de religion d’Etat. En conséquence il n’y aura plus d’enterrement officiel d’une personnalité politique dans une cathédrale. L’enterrement religieux de tout représentant de la puissance publique sera une cérémonie privée, c’est-à-dire libre et non officielle.
3 La laïcité garantit la liberté de conscience à tous. Chacun est libre de croire ou de ne pas croire. Elle permet la libre expression des convictions, dans le respect de celles d’autrui et dans les limites d’un ordre public démocratique. En conséquence si la puissance publique doit être neutre, pour assurer la liberté de conscience de tous, l’espace public n’a pas à être neutre. C’est au contraire un lieu de libre débat des différentes convictions. Il n’a pas à être monopolisé par la publicité et autres bêtises.
4 La laïcité permet l’exercice de la citoyenneté en conciliant la liberté de chacun avec l’égalité et la fraternité de tous dans le souci de l’intérêt général. En conséquence l’apprentissage de la citoyenneté doit s’effectuer grâce à la création « du groupe scolaire à structure démocratique auquel l’enfant participe comme futur citoyen et où peuvent se former en lui, non par des cours et des discours, mais par la vie et l’expérience, les vertus civiques fondamentale » comme le proposait la Commission Langevin-Wallon en 2047, euh pardon en 1947.
5 La République assure dans les établissements scolaires le respect de chacun de ces principes. En conséquence, à partir de la rentrée scolaire 2013 cette égalité et cette fraternité seront concrétisées par un échange de professeurs : les enseignants des lycées Henri-IV, Janson-de-Sailly et Louis-Le-Grand iront enseigner en ZEP et vice-versa.
6 La laïcité de l’école offre aux élèves les conditions pour forger leur responsabilité, créer leur libre arbitre et faire l’apprentissage de la citoyenneté. Elle les protège de tout prosélytisme et de toute pression qui les empêcheraient faire leur propre choix. En conséquence, elle les rend vigilants contre tous ceux qui les considèrent comme « des espaces de cerveaux disponibles ».
7 La laïcité assure aux élèves l’accès à une culture commune et partagée. Et cela rend d’autant plus nécessaire la disposition prise à l’Article 5 et la République cesse, dès aujourd’hui, de consacrer plus d’argent à un élève de milieu favorisé qu’à un élève de milieu défavorisé.
8 La laïcité permet l’exercice de la liberté d’expression des élèves dans les limites du bon fonctionnement de l’Ecole comme du respect des valeurs républicaines et du pluralisme des convictions. Et elle n’oublie pas que l’Article 10 de la Déclaration des Droits de l’homme de 1789 parle de la liberté des « opinions, mêmes religieuses ». La liberté d’expression religieuse fait partie intégrante de la liberté d’expression, dans le contexte où l’école apprend à chacun la distinction entre savoirs et convictions (cf. Article 12).
9 La laïcité implique le rejet de toutes les violences et de toutes les discriminations, garantit l’égalité entre les filles et les garçons et repose sur une culture du respect et de la compréhension de l’autre. En conséquence la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations (HALDE), normalisée puis supprimée par Nicolas Sarkozy est solennellement rétablie avec l’indépendance qu’elle avait sous Jacques Chirac et davantage de moyens. D’autre part, les blagues sexistes sont interdites au Parlement (haut lieu « d’infantilisation des femmes » selon S. Mazellier, députée PS) et l’égalité des salaires entre les femmes est les hommes est décrétée dès maintenant par Ordonnance.
10 Il appartient à tous les personnels de transmettre aux élèves le sens et la valeur de la laïcité, ainsi que les autres principes de la République. Ils veillent à leur application dans le cadre scolaire. Il leur revient de porter la présente charte à la connaissance des parents d’élèves. En conséquence le ministre de l’Education nationale veillera soigneusement à ce que son collègue, Ministre de l’Intérieur, n’instrumentalise pas la laïcité, à des fins suspectes, en prétendant s’interroger sur la « compatibilité » d’une religion (et d’une seule !) avec la laïcité.
11 Les personnels ont un devoir de stricte neutralité : ils ne doivent pas manifester leurs convictions politiques ou religieuses dans l’exercice de leurs fonctions. Ce devoir de neutralité concerne les agents publics, en conséquence il ne saurait s’appliquer aux parents d’élèves. Si une mère d’élève peut préparer des gâteaux pour la fête de l’école, revêtue d’un foulard, elle doit pouvoir faire traverser les clous avec la même tenue. Certes, le tribunal de Montreuil a prétendu que l’interdire ne serait pas une « atteinte excessive » à la liberté de conscience. Mais cela reconnait implicitement qu’il y a atteinte à cette liberté, alors que, comme le dit si bien l’Article 3 de la Charte (et la loi de 1905) : « La laïcité garantit la liberté de conscience ».
12 Les enseignements sont laïques. Afin de garantir aux élèves l’ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde ainsi qu’à l’étendue et à la précision des savoirs, aucun sujet n’est a priori exclu du questionnement scientifique et pédagogique. Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question du programme. Bien sûr, et le Conseil d’Etat l’avait indiqué dès 1989 ; cependant : « La précision des savoirs » est-il écrit : En conséquence, constatant des erreurs dans certains manuels et dans des documents officiels à propos de la laïcité, une formation sera donnée par des gens compétents (et non par les auteurs de ces erreurs !!!) pour apprendre aux enseignants à être capable de distinguer entre savoirs et convictions.
13 Nul ne peut se prévaloir de son appartenance religieuse pour refuser de se conformer aux règles applicables dans l’Ecole de la République. Bien sûr ; de même nul ne peut se prévaloir de son appartenance idéologique.
14 Dans les établissements scolaire publics les règles de vie des différents espaces, précisées dans le règlement intérieur sont respectueuses de la laïcité. Le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. « Etablissements scolaire publics » est-il écrit. Il convient donc d’expliquer, de façon rationnelle et laïque, en quoi deux laïcités différentes sont appliquées dans des établissements publics et des établissements sous contrats et financés à plus de 80% sur fonds publics. Il conviendra également d’expliquer, de façon rationnelle et laïque, pourquoi il existe des cours de religion dans les établissements scolaire publics de trois départements français, en toute laïcité sans doute.
15 Par leurs réflexions et leurs activités les élèves contribuent à faire vivre la laïcité au sein de leur établissement. En conséquence la critique, par les élèves, des incohérences de la laïcité dominante, son instrumentalisation par certains politiques… sera fort bienvenue.
Et oui, l’institution scolaire (et la République dont elle devrait être le fleuron) a vraiment beaucoup de progrès à faire pour être laïque : je propose donc que la Charte (dans sa version intégrale, bien sûr !) soit, pour le moment, affichée dans tous les bureaux du Ministère, de l’Administration et dans les Rectorats. Ultérieurement, on pourra étendre l’affichage aux Etablissements scolaires.