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À quelques semaines de la présentation du projet de loi de décentralisation, prévue en mars, Acteurs publics revient en 6 points sur les principaux enjeux de ce texte pour les collectivités. Aujourd’hui : clarification des rôles et fin des doublons.
1. La clarification des rôles
2. La fin des doublons
Trancher dans le mille-feuille territorial et supprimer tel ou tel échelon administratif aurait constitué une solution audacieuse, que n’a pas retenue le gouvernement. Convaincu que chaque collectivité est utile – et parce qu’il ne faut froisser personne –, il a choisi une autre voie. Celle qui consiste à aller au bout de la logique contenue dans les premières lois de décentralisation et ainsi à déléguer aux collectivités territoriales – communes, groupements de communes, départements et régions – des “blocs de compétences”.
Dans l’avant-projet de loi dévoilé en décembre, cela conduit à confier aux 26 conseils régionaux l’ensemble des attributions en matière de formation professionnelle, d’orientation et de mise en cohérence des politiques de l’emploi. De leur côté, les conseils généraux auront compétence sur toute la sphère des politiques sociales et relatives au handicap. Autant de domaines qui, jusque-là partagés avec l’État, ne relèveront plus que d’un seul niveau de collectivité, qualifié du nom de “chef de file”.
À cette réserve près qu’une collectivité pourra déléguer l’exercice d’une compétence à une autre, mieux à même de l’exercer. Explication : une région pourra confier une partie de la mise en œuvre de sa politique économique à une intercommunalité, pour l’aménagement de zones d’activités par exemple, comme un département pourra le faire pour l’indemnisation et l’insertion des bénéficiaires du RSA. La loi ne fixe pas de liste précise de compétences, collectivité par collectivité, en déterminant “qui fait quoi ?” de manière définitive, mais laisse la main aux collectivités pour s’entendre entre elles, par voie de convention, et sans remettre en cause l’interdiction de tutelle d’une collectivité sur une autre.
Un système à double tranchant. “La délégation de compétences peut servir à la clarification… comme à la poursuite de la complexification du système”, juge Romain Pasquier, chercheur à l’université de Nantes. Le transfert par blocs de compétences, déjà imaginé dans la loi de 1983 n’a jamais tenu ses promesses, les collectivités ne cessant de jouer avec la clause de compétence générale pour intervenir dans tous les domaines. Avec le rétablissement de cette clause au bénéfice des départements et des régions, pas sûr que l’on aboutisse au « désenchevêtrement » des compétences tant souhaité.
Confier de nouvelles compétences aux collectivités, “c’est le seul moyen de reconnaître la pleine responsabilité des élus et de mettre un terme aux doublons”, avait dit François Hollande à la Sorbonne le 5 octobre, déplorant que l’État intervienne encore dans des domaines ayant été transférés, ajoutant ainsi “confusion, contradiction et incompréhension”. Néanmoins, les réels doublons, c’est-à-dire le fait que deux agents en poste dans une collectivité et dans un service déconcentré de l’État exécutent une tâche similaire, sont rarissimes. “Ni l’État ni les collectivités ne font exactement la même chose”, a souligné la ministre de la Réforme de l’État, Marylise Lebranchu, lors du Congrès des régions de France le 19 octobre. Un diagnostic d’autant plus juste lorsqu’il s’agit de cadres et non de fonctionnaires d’exécution. “Je constate en revanche une répartition des rôles de chacun qui reste perfectible”, avait-elle aussitôt nuancé.
Premiers visés, les fonctionnaires de l’État en poste dans les Direccte chargées de la formation, puis dans une moindre mesure ceux chargés en préfecture de gérer les fonds européens ou encore ceux qui suivent les dossiers “handicap” dans les directions de la cohésion sociale. Soient grosso modo quelque 3 000 fonctionnaires au total. Sans oublier une poignée de psychologues en poste dans les centres d’information et d’orientation et les gestionnaires de collèges, rattachés à l’éducation nationale, qui pourraient aussi être concernés.
Ainsi additionnés, ils seront, pour ceux d’entre eux qui auront choisi de quitter l’État en faisant jouer le droit d’option qui leur est traditionnellement accordé, bien moins nombreux qu’entre 2004 et 2011, période durant laquelle près de 130 000 agents de l’État ont migré vers la fonction publique territoriale. Et s’ils ne sont pas transférés, les fonctionnaires voyant leurs missions confiées aux collectivités pourront toujours se recentrer sur d’autres tâches au sein de l’appareil d’État, par voie de reclassement ou de mutation.