Numéro spécial : Les politiques d’évaluation dans le domaine de l’éducation
Rédacteur invité :
Dany Laveault, Université d’Ottawa
À la suite de la parution du numéro du printemps 2011 sur la réussite scolaire, le comité de rédaction a reçu plusieurs demandes pour produire rapidement un numéro répondant aux préoccupations spécifiques du milieu sur la question des politiques d’évaluation dans le contexte canadien. Le calendrier de production étant déjà complet et pour ne pas retarder indûment ce numéro demandé par nos lecteurs, nous avons choisi d’en faire un numéro spécial.
Ce numéro spécial veut donc faire la lumière sur les politiques actuelles d’évaluation dans le monde de l’éducation afin de voir comment elles influencent les systèmes d’éducation et contribuent à améliorer les apprentissages des élèves. Il a donc pour objet non seulement de présenter les politiques d’évaluation, mais aussi d’engager une réflexion sur la valeur éducative de ces politiques. Il serait d’abord utile de connaître la genèse et l’historique de ces politiques d’évaluation afin de bien comprendre leurs raisons d’être. Qui les a voulues et à quelles fins? Les résultats obtenus ont-ils transformé les systèmes d’éducation? Les évaluations ont-elles contribué à améliorer les niveaux d’apprentissage?
Dans le passé, l’évaluation en éducation était centrée sur les savoirs. Les enseignants faisaient passer des examens de fin d’année pour décider si un élève connaissait suffisamment la matière qui lui avait été enseignée au cours de l’année pour passer au niveau suivant. Un échec dans une ou deux matières amenait le plus souvent l’élève à reprendre l’année complète. Aux cycles plus avancés, les examens étaient souvent préparés par des autorités provinciales. Il s’agissait principalement d’évaluations sommatives dont on assumait trop souvent que les conséquences étaient claires et précises et les raisons d’être bien établies et comprises.
Les réformes scolaires des vingt dernières années ont remis en cause des pratiques d’évaluation qui mesuraient davantage la mémorisation des connaissances que leur mobilisation dans le cadre de situations authentiques et complexes. De plus, l’avancement dans le domaine de l’apprentissage a conduit à de nouvelles approches pédagogiques centrées sur l’apprenant. L’évaluation des apprentissages s’est diversifiée dans sa méthodologie et a été progressivement appelée à jouer plusieurs rôles. Il existe par exemple une variété de stratégies d’évaluation formative qui permettent tant à l’élève qu’à l’enseignant de procéder aux ajustements nécessaires pour soutenir l’apprentissage. Aujourd’hui, l’évaluation va bien au-delà des résultats de l’apprenant. Elle touche aussi bien les pratiques pédagogiques que les établissements, les systèmes éducatifs et les politiques en éducation. Les évaluations à grande échelle sont également de plus en plus employées pour renseigner sur l’efficacité des systèmes d’éducation et développer des plans d’amélioration à tous les niveaux.
On peut en conclure que l’évaluation permet de renseigner et d’éclairer les décisions et qu’on doit l’accepter comme une composante naturelle du processus éducatif. Il faut cependant reconnaître qu’elle soulève encore un certain nombre de questions. Pourquoi évaluer? En quoi l’évaluation est-elle essentielle ou au moins utile pour assurer l’apprentissage? Que doit-on évaluer? Comment doit-on procéder? Qui devrait utiliser les résultats? À quelles fins? Devrait-on publier les résultats? Est-ce que les politiques actuelles d’évaluation contribuent à l’amélioration des systèmes éducatifs? Est-ce que les ressources humaines et financières consacrées aux différentes évaluations sont justifiables? Sans s’y restreindre, ce sont là quelques exemples de questions à aborder dans ce numéro spécial.
Ce numéro spécial s’inscrit donc comme une réflexion critique sur l’évaluation afin d’alimenter le débat qui a cours actuellement sur le sujet dans le domaine de l’éducation, principalement au Canada et dans la francophonie internationale. Il a pour objectif de traiter des différents rôles, formatif et sommatif, que peut jouer l’évaluation à tous les niveaux des systèmes d’éducation, de la salle de classe, en passant par les établissements scolaires jusqu’aux juridictions scolaires locales et nationales. Une attention particulière sera accordée à l’évaluation des apprentissages dans le cadre de la scolarité obligatoire, soit aux niveaux primaire et secondaire. Pour ce qui concerne la composante canadienne, une attention spéciale devrait être accordée à la problématique de l’évaluation scolaire en milieu minoritaire et à la façon dont celle-ci est prise en compte dans les différentes juridictions provinciales. Enfin, ce numéro cherchera également à sensibiliser et à introduire les lecteurs de la revue Éducation et francophonie aux concepts importants de l’évaluation en prenant en considération que ceux-ci ne sont pas forcément des spécialistes de l’évaluation.