In Réseau d’Information pour la Réussite Educative (RIRE) – le 31 octobre 2013 :
Accéder au site source de notre article.
Il est bien connu que la réussite éducative est souvent associée à l’origine socioéconomique des élèves (1), mais des études ont aussi montré que des écoles de milieux défavorisés peuvent obtenir des taux de réussite comparables à celles de milieux plus favorisés (2). En fait, la défavorisation sociale constituerait davantage un facteur de risque, qui peut être rééquilibré par les pratiques en vigueur dans l’école (3).
Il est clair que les pratiques des enseignants sont particulièrement importantes pour faire la différence (4), mais la contribution de la direction de l’école serait loin d’être négligeable, notamment par son influence sur les enseignants (5).
Introduction
Par Pierre Collerette, professeur associé à l’Université du Québec en Outaouais, Daniel Pelletier, professeur à l’Université du Québec en Outaouais et Gilles Turcotte, consultant.
Selon certaines études, les directions d’écoles pourraient avoir une influence déterminante sur la réussite des élèves. Pour voir si ces observations s’appliquent au contexte québécois, nous avons réalisé entre 2009 et 2012 une étude dans six écoles secondaires des Commissions scolaires de la Région-de-Sherbrooke et des Hauts-Cantons. Les résultats en français et en mathématiques des élèves de même que leur décrochage et leur absentéisme ont été mis en relation avec une variété de perceptions des élèves, des directions, et des professionnels des services complémentaires en vue d’identifier des pratiques associées à une plus grande réussite.
[Visiter la page]
L’étude en Estrie
Les pratiques associées à la réussite des élèves
Une cinquantaine de pratiques, attitudes ou de caractéristiques d’écoles se sont révélées significativement reliées à une meilleure réussite des élèves. Les 25 de la liste suivante sont celles montrant un lien plus prononcé.
- La direction met beaucoup d’énergie à instaurer un milieu de vie agréable pour les élèves.
- Elle fait le nécessaire pour instaurer un environnement calme, ordonné et sécuritaire.
- Elle s’efforce de contrer les préjugés et attitudes discriminatoires à l’endroit des élèves.
- Elle communique efficacement avec les élèves.
- Elle se montre attentive aux préoccupations des élèves.
- Elle fait preuve de cohérence dans la gestion des comportements des élèves.
- Les règles concernant le comportement des élèves dans l’école sont claires.
- Les règles concernant le comportement des élèves sont adéquates.
- L’ordre et la discipline sont maintenus de façon satisfaisante dans l’école.
- Dans l’école, on agit efficacement sur les problèmes de comportement ou de discipline.
- La plupart des enseignants travaillent ensemble à améliorer leur pédagogie.
- La direction fait des visites de classe
- Elle établit des mesures concrètes en vue d’atteindre le plan de réussite de l’école.
- Elle met beaucoup d’énergie à suivre les résultats des élèves.
- Elle affiche des attentes élevées à l’endroit de la qualité de l’enseignement dans l’école.
- Elle encourage le développement professionnel en lien avec les problématiques vécues.
- Elle s’assure que le personnel nouveau ou temporaire applique les exigences de l’école.
- Elle s’assure que la réussite et la persévérance des élèves soient au centre des priorités.
- La direction affiche des comportements cohérents avec ses valeurs et ses croyances.
- Elle s’affirme dans son rôle de direction d’école.
- Elle établit des relations constructives avec le personnel.
- Elle évalue avec réalisme la capacité de l’équipe-école à intégrer des changements.
- Elle agit rapidement sur les problèmes dans l’école.
- Elle intervient de façon efficace lors de tensions entre des membres du personnel.
- Elle fait la promotion et prend la défense des intérêts de l’école.
Quelques constats
On observe que plusieurs de ces pratiques portent sur le fonctionnement de l’école, entre autres sur l’encadrement des élèves et du personnel. On remarque aussi l’importance d’un milieu de vie propice à l’apprentissage pour les élèves, un aspect qui ressort plus encore, que l’implication de la direction au niveau pédagogique. Les variables ont été regroupées en sept catégories et leur analyse a mis en relief les constats suivants (voir Figure 1) :
– Les deux pratiques des directions qui ont l’impact positif le plus important sur les résultats scolaires des élèves sont une centration sur l’encadrement des comportements ainsi qu’un effort pour favoriser de bonnes relations et de bonnes communications avec les élèves dans l’école. Ainsi, l’instauration d’un milieu perçu par les élèves comme sécuritaire et respectueux contribuerait à des résultats scolaires plus élevés.
– Les pratiques qui ont l’impact le plus important sur la réduction des échecs sont celles axées sur la performance des élèves (suivi des résultats). Ainsi un suivi et un encadrement rigoureux des élèves profiteront plus spécialement aux élèves à risque d’échec.
– Les pratiques ayant le plus d’impact positif sur l’absentéisme sont une centration sur l’encadrement des comportements ainsi qu’un effort pour favoriser de bonnes relations et communications avec les élèves. Encore une fois, la présence d’un milieu où l’élève se sent respecté et accueilli, mais aussi encadré, tendrait à réduire l’absentéisme.
Ainsi, mettre l’accent sur l’encadrement des comportements dans l’école et sur la relation avec les élèves produit un effet marqué à la fois sur les résultats scolaires, sur la réduction des échecs et sur la diminution de l’absentéisme. Par ailleurs, mettre un accent important sur la performance des élèves a surtout pour effet de contribuer à la réduction des échecs et de l’absentéisme. Il faut noter par ailleurs que cela influence négativement la perception du milieu par les élèves (qui perçoivent peut-être alors le milieu comme trop sérieux).
Faut-il mettre l’accent sur le milieu de travail du personnel enseignant?
Nous avons voulu voir si le fait de mettre un accent plus important sur le cadre de travail du personnel enseignant avait une incidence particulière sur la réussite des élèves. L’étude n’a pas révélé de lien particulier avec la réussite des élèves lorsque la direction met un accent prononcé sur le cadre de travail du personnel enseignant. Par contre, quand elle met un accent prononcé sur l’instauration dans l’école d’un climat harmonieux et teinté de respect pour les élèves, c’est là que l’on observe l’effet le plus important sur les résultats académiques des élèves. En outre, lorsqu’elle met un accent prononcé sur la pédagogie et sur le suivi des résultats des élèves, on observe un lien significativement positif avec les résultats scolaires et avec la réduction de l’échec scolaire.
Il est intéressant de noter que lorsque le personnel enseignant semble accorder davantage d’attention à ses pratiques pédagogiques et au suivi des résultats des élèves, plutôt qu’à son cadre de travail (selon la perception des directions et du personnel des services complémentaires), on observe un lien positif avec les résultats scolaires et moins d’échecs.
L’impact des attitudes de la direction
Les attitudes de la direction semblent avoir une incidence nettement moins marquée sur la réussite des élèves que leurs comportements. Et si elles ne sont pas jumelées à des pratiques concrètes, leur influence est somme toute marginale. L’affirmation dans son rôle de direction figure parmi les attitudes les plus influentes, sous réserve qu’elle soit accompagnée d’une implication du personnel.
Conclusion
La liste des pratiques, attitudes et caractéristiques décrites plus haut ne constitue pas une formule standardisée à suivre pas à pas. Il s’agit plutôt d’une série de façons de faire souhaitables dont une direction d’école peut s’inspirer pour élaborer l’approche convenant le mieux à son école. S’il est illusoire de penser qu’il existe une formule unique applicable partout, il serait en revanche imprudent de se cantonner dans l’improvisation ou l’essai et erreur. On a plutôt avantage à s’inspirer de façons de faire qui ont fait leurs preuves. On se souviendra aussi que prises de façon isolées, chacune des pratiques ayant fait leurs preuves n’ont qu’un effet marginal. C’est leur cumul qui peut faire la différence.
Les directions qui souhaitent prendre du recul et examiner leurs pratiques trouveront sur le web un Recueil de pratiques des directions d’écoles secondaires favorisant la réussite des élèves qui contient un questionnaire à cet effet.
[Visiter la page]
Références
(1) Coleman, J.S., Campbell, E., Hobson, C., McPartland, J., Mood, A., Weinfeld, R. et al.. (1966). Equality of educational opportunity. Washington, DC: Government Printing Office.
(2) Waits M.J. Campbell H.E. Gau R., Jacobs E., Rex T., Hess R.K. (2006). Why Some Schools with Latino Children Beat The Odds Ans Others Don’t. Center for the future of Arizona. Morrison Institute for Public Policy.
(3) Teddlie C., Stringfield S. (2007). A History of School Effectiveness and Improvement Research in the USA focusing on the Past Quarter Century. In Townsend T. (ed), International Handbook of School Effectiveness and Improvement, 131-166, Springer.
(4) Scheerens, J. (1992). Effective Schooling: Research, theory and practice. London: Cassell.
(5) Schaffer, E., Devlin-Scherer, R. et Stringfield, S. (2007). The Evolving Role of Teachers in Effective Schools. In Townsend, T.(ed)., The International Handbook on School Effectiveness and Improvement. 727 – 750. Springer.
*L’étude a bénéficié d’un financement de la Fondation Lucie et André Chagnon dans le cadre de la Chaire de recherche de la Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke sur la réussite et la persévérance des élèves.