In Sénat – Séance du 29 avril 2014 :
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Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 710, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Jean-Claude Carle. Madame la ministre, je souhaite vous faire part de mes inquiétudes, qui rejoignent celles de tous les acteurs de la montagne, que vous connaissez bien, quant aux effets induits par le calendrier des vacances scolaires pour la période 2014-2017, tel que l’a défini l’arrêté du 21 janvier dernier.
Si ce texte écarte le principe des demi-semaines pour les congés de Noël, ce qui représente une avancée dont nous ne pouvons que nous réjouir, il entérine toutefois une programmation tardive des vacances de Pâques, lesquelles s’achèveront le week-end du 10 mai pour la dernière zone. Une telle disposition ne manquera pas d’être lourde de conséquences, aussi bien économiques que sociales.
Entre 1994 et 2010, les congés de printemps, lorsqu’ils s’achevaient autour du 2 mai, ont représenté en moyenne 8 % de la saison touristique. Un grand nombre de stations fermant leur domaine skiable à la fin du mois d’avril, une semaine de décalage entraîne une baisse de 50 % de la fréquentation, selon les données constatées et vérifiées de 2011 à 2013. Je pense qu’il en sera malheureusement de même en 2014.
Les stations subissent ainsi une perte importante d’activité, laquelle provoque aussi un manque à gagner considérable pour les collectivités locales et l’État. Pour ce dernier, on peut estimer la perte à 100 millions d’euros.
Bien évidemment, l’incidence de cette diminution se fait directement ressentir, d’une part, sur l’emploi, avec des contrats saisonniers moindres et plus courts fragilisant la situation de nombreux salariés, et, d’autre part, sur les investissements et l’économie de nos territoires.
Or, compte tenu de la période de crise que nous connaissons depuis plusieurs années, nos régions de montagne ont réellement besoin de ces emplois et de ces investissements. Au-delà de ces secteurs, c’est notre pays tout entier qui compte dessus, le tourisme d’hiver représentant un pan important de notre économie.
Enfin, cette programmation des vacances a fait l’objet d’un rejet par le Conseil supérieur de l’éducation qui a ainsi considéré que ce calendrier ne répondait pas au bien-être de nos enfants.
Le ministre de l’éducation nationale a déclaré, lors de sa prise de fonctions, que les spécificités de certains territoires, et notamment des zones de montagne, devaient être prises en compte dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, ce dont je me réjouis.
D’ailleurs, quatre communes du Pays du Mont-Blanc, en plein accord avec les parents et les enseignants, ont sollicité une dérogation afin de sanctuariser les mercredis du deuxième trimestre et d’avancer d’une semaine la rentrée scolaire en septembre. Pouvez-vous me confirmer, madame la ministre, que cette demande a reçu une réponse positive ?
En ce qui concerne le calendrier 2014-2017, je souhaiterais que le Gouvernement revienne sur l’arrêté du 21 janvier dernier et retienne la proposition de l’Association nationale des maires des stations de montagne et des acteurs économiques. Celle-ci consiste, tout en maintenant l’organisation des vacances intermédiaires d’hiver et de Pâques sur une amplitude de quatre semaines, à positionner les congés de printemps plus tôt au mois d’avril.
Elle implique de réduire à six semaines en moyenne – cinq à sept semaines selon les zones – la période comprise entre les vacances de Noël et celles d’hiver, ce qui serait compatible avec les rythmes des enfants, particulièrement fatigués au cœur de l’hiver, comme l’a fait remarquer le Conseil supérieur de l’éducation. Cela permettrait de maintenir une période de sept semaines jusqu’aux congés de printemps et de retrouver ainsi un véritable troisième trimestre.
Je souhaite vivement que soit relancée sur ce sujet une large concertation associant l’ensemble des élus, des personnels de l’éducation et des professionnels de la montagne, afin de faire évoluer le calendrier triennal à venir.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Carle, vous avez souhaité interroger M. Benoit Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence.
Les interrogations des maires et des professionnels du tourisme concernant le calendrier scolaire et son incidence sur la fréquentation des stations de sports d’hiver, bien connues du Gouvernement, ont conduit M. Benoît Hamon à se saisir du sujet.
Votre légitime préoccupation et votre souci de concilier le réaménagement d’un calendrier de vacances scolaires plus conforme au bien-être des élèves ont également été compris, sans que les enjeux économiques liés au tourisme soient pour autant négligés.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, la modification du calendrier scolaire s’est effectuée à partir d’un constat unanimement partagé par les différents acteurs du monde éducatif : le premier trimestre est trop long et le temps de récupération trop court. Nous avons donc souhaité modifier ce calendrier dès la rentrée de 2012 et le rééquilibrer pour les années suivantes.
L’arrêté du 21 janvier 2014 fixe les nouveaux calendriers scolaires pour les années 2014, 2015, 2016 et 2017. Il apparaît comme une réponse équilibrée aux besoins des enfants et des enseignants tout en prenant en compte les demandes exprimées par les professionnels de la montagne : pas de départ en milieu de semaine pour les vacances de Noël et un retour qui ne soit pas trop tardif au printemps.
Il prévoit également la réduction à six semaines en moyenne – cinq à sept semaines selon les zones, comme vous l’avez rappelé – de la période comprise entre les vacances de Noël et celles d’hiver, ainsi que vous le préconisez. En revanche, ce calendrier maintient un équilibre entre les vacances d’hiver et celles de printemps, pour ne pas alourdir de façon démesurée le troisième trimestre.
Il importe en effet avant tout de travailler à un temps scolaire qui soit davantage respectueux des rythmes de l’enfant et ainsi de nature à favoriser ses apprentissages.
Pour tenir compte des préoccupations que vous avez exprimées, M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a déjà fait préparer un décret autorisant les expérimentations relatives aux rythmes scolaires, lequel permettra de prévoir des semaines allégées et un report sur les vacances scolaires des heures non effectuées.
Par ailleurs, je vous rappelle que des adaptations du calendrier scolaire national rendues nécessaires par les circonstances ou la situation particulière d’un établissement scolaire sont possibles dans le cadre des dispositions des articles D 521-1 et suivants du code de l’éducation.
Plus que jamais, nous devons rechercher un nécessaire équilibre entre le bien-être et les apprentissages des élèves, l’organisation de la vie familiale et les impératifs économiques, en particulier dans les zones de montagne, qui sont très importantes pour la bonne santé économique de notre pays et pour lesquelles nous partageons une préoccupation commune, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Madame la ministre, je vous remercie des précisions que vous avez bien voulu apporter, notamment en ce qui concerne les expérimentations qui seront autorisées dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires annoncée par M. le ministre de l’éducation nationale. À cet égard, je souhaite que la possibilité d’expérimentation réclamée par les communes du Pays du Mont-Blanc soit retenue, car elle va tout à fait dans ce sens.
Néanmoins, je regrette que M. Benoît Hamon ne souhaite pas modifier le calendrier des vacances scolaires. En effet, s’il est évident que ce sont bien les rythmes chronobiologiques des enfants et des enseignants qui doivent guider la réforme, ceux-ci ne doivent pas pour autant être déconnectés des rythmes familiaux, économiques voire climatiques.
Dans une région comme la nôtre, le sujet est d’importance : il faut pouvoir permettre aux jeunes soit de faire de la compétition, soit de se préparer à leur futur métier de moniteur, de pisteur, ou à toute autre profession liée à l’activité économique de la montagne, qui, je le répète, représente un pan important de l’économie nationale.