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Propositions
1. Faire vivre les principes constitutionnels
Notre république, décentralisée dans son organisation, s’est dotée de principes constitutionnels : tant qu’ils demeurent, nous devons les rappeler, les faire vivre : pour cela, le législateur doit s’y référer et veiller continuellement à donner corps à leur contenu :
– principe de décentralisation (art. 1er) ;
– principe de libre administration (art. 34 et 72), sans oublier l’une de ses implications consacrée par le Conseil constitutionnel : l’exigence d’attributions effectives ;
– principe d’existence (art. 72) ;
– principe d’autonomie financière (art. 72-2) ;
– principe de non tutelle (art. 72, alinéa 5) ;
– principe d’expérimentation (art. 72, alinéa 4) ;
– principe de subsidiarité (art. 72, alinéa 2) ;
– droit au pouvoir réglementaire (art. 72, alinéa 3) ;
– principe de libre-disposition des ressources (art. 72-2, alinéa 1) ;
– exigence d’un niveau suffisant de ressources propres (art. 72-2, alinéa 3) ;
– accompagnement financier des transferts de compétences en provenance de l’État et des créations ou extensions de compétences (art. 72-2, alinéa 4) ;
– objectif de péréquation (art. 72-2, dernier alinéa).
2. Créer un Institut des collectivités territoriales
Dans le souci de favoriser la modernisation et la cohérence de la décentralisation, le bon fonctionnement des services publics locaux et de la démocratie locale, l’excellence d’un dialogue des collectivités territoriales entre elles et avec l’État, il est proposé, dans le respect de la vie associative, de mettre en oeuvre l’article 53 de la loi ATR du 6 février 1992 prévoyant la création d’un Institut des collectivités territoriales et des services publics locaux.
Ce besoin a souvent été exprimé tout au long de ces trente dernières années :
– rapport Claude Martinand (janvier 1986) ;
– rapport Michel Bernard (juillet 1988) ;
– rapport Jean-Louis Langlais (avril 1989) ;
– rapport Humbert Battist (juillet 1983) ;
– rapport Edmond Hervé (octobre 1990).
L’idée est de faire en sorte que les acteurs de la décentralisation (représentants des élus, du Gouvernement,…) disposent d’un lieu de rencontre et d’échanges leur permettant de s’accorder sur les éléments de base d’un dialogue apaisé et constructif : se mettre d’accord sur les définitions des concepts, sur des méthodes de calcul (par exemple pour l’investissement des collectivités territoriales), sur les chiffres (l’observateur ne pouvant qu’être frappé de constater que, par exemple, les statistiques sur le contrôle budgétaire de la DGCL et de la Cour des comptes ne coïncident pas ou que le montant des investissements des collectivités calculé par l’Observatoire des Finances locales n’est pas le même que celui calculé par la Cour des comptes) sur des propositions.
Dans le même esprit, il a été proposé de créer une « Agence de la décentralisation », un « Haut Conseil des territoires »… Peu importe le titre, ce sont les fonctions qui comptent. Au service de tous et notamment des associations d’élus (très nombreuses) le travail de cette organisation devrait faciliter leur coopération avec l’État.
3. Renforcer le dialogue entre l’État et les collectivités territoriales ainsi qu’entre les collectivités territoriales elles-mêmes
Comme l’a mis en avant le récent rapport de nos collègues Jacqueline Gourault et Didier Guillaume, de nombreuses instances existent, parmi lesquelles :
– la conférence nationale des exécutifs ;
– le comité des finances locales et, en son sein, la commission consultative d’évaluation des charges (CCEC) et la commission consultative d’évaluation des normes (CCEN) ;
– la conférence nationale des finances publiques ;
– le conseil d’orientation des finances publiques.
Il convient de s’interroger sur le nombre de ces commissions et sur leurs missions.
Les exigences du jeu démocratique, la complémentarité des politiques nationales territoriales dans désormais toutes les sphères de l’action publique ainsi que contraintes budgétaires et financières obligent au dialogue, à la concertation et à la contractualisation.
Dans un souci d’efficacité et de coordination, on pourrait imaginer que ces commissions deviennent, à l’instar de la CCEC et de la CCEN, des instances spécialisées du Comité des Finances locales.
Afin de relayer ce dialogue au niveau local, la conférence des exécutifs régionaux et départementaux doit être obligatoire et effective.
4. Affirmer la priorité de la relation contractuelle
a) entre l’État et les collectivités territoriales
La loi du 13 août 2004 a fait de la région l’interlocuteur privilégié de la DATAR en charge de la cohésion et de l’équité territoriales, elles-mêmes dépendantes de l’Union Européenne. Les contrats opérationnels européens viennent en effet appuyer les contrats de projets État-région (CPER). Ceux-ci, dont la campagne 2014-2020 se prépare actuellement, lient l’État et la région, parfois les inter-régions, les départements, les grandes métropoles et les pays.
Ces contrats constituent des instruments essentiels s’ils sont – comme le souhaitent les associations d’élus – synthétiques, réunissant l’ensemble de l’action gouvernementale.
Sur ce point, regrettons que la ville ne soit pas incluse dans cette démarche.
Cette unité contractuelle ne doit pas empêcher l’existence de documents plus conjoncturels ou plus spécifiques dès lors qu’ils s’inscrivent dans l’économie générale du contrat de projets. Citons à titre d’exemple « les contrats de site » qui accompagnent les territoires en difficulté.
Les schémas de services collectifs doivent également avoir une nature contractuelle (ex : dans le cadre du Grenelle de l’environnement, a été retenu « le schéma de transport horizon 2030 » qui doit favoriser l’accessibilité des territoires aujourd’hui enclavés).
L’élaboration et la réussite de ces contrats de projets reposent sur l’implication des régions et des préfets de région. Il faut souhaiter que la diversité des agences ne soit pas un frein à ce processus qui ne peut que favoriser le travail communautaire ou intercommunautaire.
Tout ceci ne peut vivre qu’avec le retour d’un « État stratège ».
b) entre les collectivités territoriales et leurs établissements
Sur ce point, les formes et les sujets ne manquent pas : « contrat de territoire », « convention d’aménagement du territoire », « convention de bassin »… Il est évident que la réussite des schémas départementaux demande de la contractualisation.
Tous ces contrats territoriaux, amplifiant le contrat État-région, véritable contrat de développement, doivent devenir des « contrats de mandature » entre la région, les départements et les communautés.
5. Moderniser le département
Le département, s’il veut demeurer, doit se moderniser :
– en réunissant des élus émanant de circonscriptions communautaires ;
– en assumant une double mission de solidarité sociale et territoriale.
Au titre de cette dernière, il faut tirer les conséquences de la RGPP. Le département, en tant que collectivité territoriale, doit pouvoir mettre à disposition des communes et communautés qui le souhaitent une capacité d’expertise et de conseil en lien avec l’État, les collectivités décentralisées et leurs établissements, la chambre régionale des comptes, le tribunal administratif et les organismes privés compétents.
En tout état de cause, il y a place au niveau départemental ou régional, pour un organisme « conseil-expert-service » auprès des collectivités et de leurs établissements. Il pourrait prendre la forme d’une « Agence territoriale ». Si les fonctions sont évidentes, l’organisation, ou encore le statut restent à délibérer. Plusieurs solutions pouvant être retenues.
6. Reconnaître la fonction économique et redistributive des collectivités territoriales
La fonction économique et redistributive des collectivités territoriales et de leurs établissements doit être reconnue. Cette question fera prochainement l’objet d’une analyse spécifique de votre délégation, qui a chargé notre collègue Pierre-Yves Collombat d’un rapport sur le rôle économique des collectivités territoriales.
7. Moderniser la fiscalité locale
Tout d’abord, la libre administration des collectivités suppose qu’une partie des ressources de celles-ci repose sur le respect du principe de l’autonomie fiscale. Aux côtés des financements d’État et européens, des dotations péréquatrices, les collectivités territoriales doivent donc conserver le pouvoir de fixer les taux de certains de leurs impôts, taxes et versements.
Il doit en être ainsi pour les impôts ménages, (taxe d’habitation, taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâtie), le versement transport, la cotisation foncière des entreprises.
Ensuite, la justice fiscale commande la révision des valeurs cadastrales ; celle-ci doit se faire à un niveau cohérent (territoire communautaire). La taxe d’habitation devrait avoir une assiette incluant les revenus et retrouver une progressivité tenant compte de la capacité contributive des intéressés.
8. Rendre à la région une véritable autonomie fiscale
La région doit retrouver une autonomie fiscale : autorité organisatrice des transports, il serait logique qu’elle puisse percevoir une part de versement transport, le montant total de celui-ci étant encadré. Dans ce même souci d’autonomie fiscale, la région pourrait percevoir une part de la TVA.
9. Instaurer un dispositif de financement national des allocations de solidarité
Le département est en charge d’une mission de solidarité sociale qu’il n’est pas question de remettre en cause. Néanmoins, force est de constater que les allocations de solidarité individuelle, définies par la loi, obéissent à des critères sur lesquels il n’a – et ne peut, compte tenu de la nécessaire égalité entre les citoyens – aucune prise. Aussi serait-il cohérent que leur financement relève de l’impôt national, avec un ticket modérateur à la charge du département.
10. Rapprocher le citoyen et le contribuable
Crise politique et crise fiscale étant liées, il est proposé, tout en respectant le principe de la capacité contributive des personnes, de limiter au maximum les exonérations fiscales. Le divorce citoyen-contribuable fait en effet courir des dangers à notre société et à la démocratie.
11. Créer des dispositifs de péréquation adaptés
Aucune péréquation digne de cet objectif constitutionnel n’est concevable sans un juste calcul de la richesse des collectivités territoriales (ce qui, une nouvelle fois, pose la question de l’actualisation des valeurs cadastrales). C’est un point auquel s’est opportunément attelée votre commission des Finances dans le cadre d’un groupe de travail sur la mise en oeuvre de la péréquation qui, lui aussi, conclut à une clarification et à une redéfinition des instruments de mesure de la richesse des collectivités comme préalable au débat.
12. Valoriser les atouts de la coopération entre collectivités
A cette fin, il importe de favoriser l’application du titre III de la loi du 16 décembre 2010 relatif au développement et à la simplification de l’intercommunalité, de veiller à la cohérence entre les différents schémas, projets, plans, chartres…
Il convient également de prendre en considération le « Pays » et le Bassin de vie » et, plus généralement, de favoriser la coopération entre collectivités et la constitution de réseaux.
Cette ligne de conduite ne doit pas oublier la coopération transfrontalière, qui pourrait être développée en désignant une autorité déconcentrée unique.
Parlementaires et préfets ont à développer une pédagogie liant périmètre, projet, compétence et institution. Il est utile de rappeler que la gouvernance d’une intercommunalité et d’un conseil municipal différent.
13. Conjuguer critère quantitatifs et qualitatifs pour définir les métropoles
La loi du 16 décembre 2010 a retenu des critères quantitatifs (seuils de population) pour la constitution de métropoles. Cette logique purement arithmétique doit être complétée par la prise en compte de paramètres qualitatifs (recherche, développement technologique…), de nature à donner du sens à une initiative tendant à créer une métropole.
14. Renforcer la fonction stratégique de la région
Pour ce faire, il convient de réfléchir à la possibilité de donner un caractère réglementaire à ses différents schémas, qui deviendraient ainsi opposables. Éminemment souhaitable en soi, cette opposabilité doit être envisagée de manière à ne pas conduire à une forme de tutelle de la région sur les collectivités infrarégionales.
15. Valoriser et renforcer la fonction publique territoriale et le service public local
Cet objectif pourrait notamment être poursuivi :
– en sensibilisant les jeunes diplômés au service public territorial ;
– en favorisant la préparation aux concours de la FPT ;
– en maintenant le financement du CNFPT ;
– en favorisant la fluidité entre les filières de la FPT, entre les trois fonctions publiques ;
– en développant les collaborations INET-ENA pour la formation initiale et continue des hauts fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales. Les efforts déjà accomplis sur ce point ne doivent cependant pas être négligés ;
– en ouvrant l’Enseignement supérieur aux cadres territoriaux ;
– en enrichissant la maîtrise d’ouvrage publique.
16. Assurer une stabilité aux autorités déconcentrées de l’État
Assurer les autorités déconcentrées (tout spécialement l’autorité préfectorale) d’une certaine stabilité utile, à la représentation de l’État, à la connaissance, au dialogue et à l’action.
17. Développer la mission pédagogique des responsables locaux auprès des citoyens
Il appartient aux responsables administratifs et politiques, dans le respect de leur statut, de s’investir dans une pédagogie civique fondée sur la proximité.
18. Impliquer davantage tous les acteurs dans la vie publique locale
Faire vivre pleinement les politiques d’informations de consultation, de participation et d’orientation pour redonner du dynamisme à la société civique.
19. Faire participer les tribunaux administratifs et les chambres régionales des comptes à une fonction conseil dans le champ de la décentralisation
20. Ouvrir plus largement les corps d’inspection générale aux administrations territoriales et leur donner des missions de conseil aux collectivités territoriales
21. Reprendre l’initiative législative parlementaire pour des textes à thème unique
En matière de décentralisation (comme d’ailleurs dans d’autres domaines), le législateur a souvent tendance à adopter des lois « fourre-tout », régissant de multiples aspects de ce vaste sujet. La clarté de la loi impose des textes autant que possibles spécifiques, régissant des questions bien identifiées et permettant des adaptation en fonction des particularités de l’action territoriale : pour la formation professionnelle, pour la santé…