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La peur du chacun pour soi
La cohésion sociale évoque, dans l’esprit de la population, des relations empreintes de respect, qui reposent beaucoup sur l’attitude de chacun. Les individus se sentent au premier chef responsables et acteurs de la cohésion sociale. En particulier, le respect de l’autre et la tolérance sont, pour la population, bien plus indispensable au vivre ensemble qu’un éventuel consensus autour de « valeurs communes » ou d’un « projet commun ». Mais, pour l’opinion, les comportements individuels peuvent tout aussi bien servir la cohésion sociale que lui nuire : l’individualisme apparaît ainsi comme la première menace du vivre ensemble (33%, +2 points cette année). La crise ravive cette année la peur du « chacun pour soi » et le sentiment de ne pouvoir compter que sur soi-même se diffuse. Le contraste est saisissant entre d’un côté la vision d’une société peu unie (8 personnes sur dix déplorent une cohésion sociale faible) et un fort sentiment personnel d’intégration (88% de la population ont le sentiment d’être bien intégrés dans la société française, 51% disent même être « très bien » intégrés). Cet apparent paradoxe tient beaucoup à une grande disparité d’intégration selon les catégories sociales et au sentiment que la situation des uns et des autres a finalement peu à voir avec le mérite. Pour renforcer la cohésion sociale, la population s’en remet aux initiatives individuelles pour maintenir le lien social, et attend des pouvoirs publics qu’ils offrent à chacun des conditions de vie minimales (un emploi, un logement, une éducation de qualité), tremplins vers un vivre ensemble apaisé.
Tableau 1 – Typologie des dimensions de la cohésion sociale selon Paul Bernard
Sphères d’activité |
Caractère de la relation Formel Substantiel (qui résulte d’un engagement plus profond) |
Economique |
Insertion-exclusion (notamment par Egalité-Inégalité (équité, rapport au marché du travail) justice sociale) |
Politique |
Légitimité- illégitimité (Légitimité des institutions publiques et privées Participation-passivité qui agissent comme médiateurs de (implication des individus) conflit) |
Socioculturelle |
Appartenance-isolement Reconnaissance-rejet (tolérance des (sentiment de faire partie d’une différences) communauté, de partager des valeurs) |
Source : Paul Bernard, La cohésion sociale : critique dialectique d’un quasi-concept, Lien social et Politiques, n°41, 1999