PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Actualités sur Orange.fr – le 20 novembre 2013 :

Accéder au site source de notre article.


"Les problèmes au Val-Fourré ou dans les quartiers nord de Marseille n’appellent pas les mêmes solutions qu’à Guéret", analyse le sociologue Renaud Epstein, très critique envers le projet de loi en débat cette semaine à l’Assemblée.

Insérer de petites agglomérations en déclin dans la politique de la Ville revient à "neutraliser" la spécificité de celle-ci en occultant le mécanisme de mise à l’écart "ethno-raciale" sévissant dans les banlieues, estime le sociologue Renaud Epstein, par ailleurs maître de conférences en Sciences politiques à l’Université de Nantes.

Question: Quelle est la vision du gouvernement sur les banlieues ?

"Il y a depuis un an et demi un changement de discours sur les quartiers. C’en est fini de la stigmatisation, (le ministre délégué à la Ville) François Lamy passe son temps à dire qu’il y a des ressources et des atouts dans ces quartiers. En même temps, le gouvernement n’a jamais exposé clairement sa lecture du problème des quartiers. François Hollande avait fait une campagne ambiguë sur la question territoriale: il a systématiquement mis dans le même sac tous les territoires qui souffrent: zones sensibles, périurbaines, petites villes qui perdent leurs services publics, etc. C’est une manière de neutraliser la spécificité de la politique de la Ville et d’occulter la spécialisation ethno-raciale des quartiers. Dire, qu’on n’agit pas spécifiquement pour les quartiers – et tout le monde entend quartiers d’Arabes et de Noirs – mais pour tous les territoires qui souffrent, est très ‘Hollandais’, mais laisse dans le flou les diagnostics".

Q: Le projet de loi débattu à l’Assemblée jeudi ou vendredi recentre la politique de la Ville vers les zones de grande pauvreté. Est-on dans cette logique ?

"Oui. Avec ce critère unique de la pauvreté, on fait entrer des petites villes comme Auch ou Guéret dans la politique de la Ville. Mais les problèmes au Val-Fourré ou dans les quartiers nord de Marseille n’appellent pas les mêmes solutions qu’à Guéret. Les petites villes ont un problème de déclin global avec, souvent, un tissu productif qui fout le camp. Ce n’est pas le problème d’un quartier mais de la ville dans son ensemble. Et la solution relève de politiques de développement et d’aménagement du territoire. A l’inverse, les métropoles et les grandes villes vont bien. Elles ne souffrent pas de la crise, sauf dans leurs quartiers sensibles, où se concentre l’intégralité de la hausse du chômage. C’est un mécanisme de mise à l’écart qui est à l’oeuvre, et l’enjeu est de réintégrer ces territoires dans les dynamiques urbaines".

Q: Le projet de loi créé des "Conseils de citoyens". Qu’en pensez-vous ?

"Comme il savait qu’il n’avait pas d’argent, François Lamy a, dès sa nomination, souhaité concentrer les moyens sur un nombre restreint de quartiers. Comme ça ne suffisait pas à faire un message politique, il a mis l’accent sur la participation des habitants. C’est devenu l’inflexion de François Lamy par rapport à ses prédécesseurs. Mais au final, c’est hypersymbolique. Le projet de loi prévoit l’instauration de ‘conseils citoyens’ réunissant des représentants des habitants et des associations. Mais ces conseils sont sans pouvoir et leur garantie d’autonomie est réduite. Les modalités de désignation ouvrent toutes les possibilités de contrôle par les élus locaux. Donc les villes qui développent déjà des pratiques participatives pourront s’appuyer sur ces conseils, mais le plus souvent ça ne va rien changer: il y a aura ces conseils, on les écoutera et ensuite les élus auront tout pouvoir pour choisir ce qu’ils font de ce qui remonte."

Propos recueillis par Charlotte PLANTIVE

Print Friendly
Categories: 4.2 Société

Répondre