Origine: bacca laurea, baie des lauriers. Le mot signifie: le « jeune homme non encore armé chevalier ». Ce sens perdure jusqu’au XVII’ siècle; il est alors complété par le sens actuel: titulaire du premier grade universitaire.
Le baccalauréat vient de l’université médiévale. Il sanctionnait alors la première partie des études universitaires, les « arts libéraux ».
Au sortir de la Révolution, après avoir créé les lycées (1802), puis l’université impériale (1806), Napoléon donne un statut officiel au baccalauréat, (décret impérial du 17 mars 1808) qui établit celui-ci comme premier grade des facultés (article 16). Depuis l’ordonnance portant organisation du baccalauréat (5 juillet 1820), ce diplôme n’a cessé d’évoluer dans sa réglementation. Un baccalauréat-ès-sciences est créé par l’arrêté du 30août 1852, puis, un baccalauréat de l’enseignement secondaire spécial, sans latin, donnant accès aux facultés de science et de médecine (Décret du 28 juillet 1882). En juin 1891, décret et arrêté transforment le baccalauréat secondaire spécial en baccalauréat moderne; il demeure juridiquement inférieur aux baccalauréats « philosophie » et « mathématiques ». Déjà à la fin du XIX’ siècle, des projets visent à transformer (sans succès) le baccalauréat en examen interne de fin d’études secondaires ou à introduire du contrôle continu pour réduire l’examen à n’être qu’une ultime sanction des études secondaires, voire un diplôme délivré à tous ceux qui, au long de leurs études, auront obtenu la moyenne. Le baccalauréat était un moyen de définir le contenu et le niveau des études par leur aboutissement. Il fallait donc qu’il soit prestigieux; premier grade universitaire, il est décerné par les facultés.
Un arrêté du 31 mai 1902 établit la parité entre le baccalauréat moderne et les baccalauréats classiques. Puis on prévoit que l’enseignement secondaire féminin pourra conduire désormais au baccalauréat (décret du 25 mars 1924). Le décret du 7 août 1927 met en conformité le baccalauréat avec la réforme des sections de l’enseignement Secondaire. À la Libération, les plans Durry et Langevin-Wallon (19441947) préconisent la réforme du baccalauréat. Un baccalauréat technique est instauré en 1946. Sous la V’ République, les modifications du baccalauréat vont accompagner les métamorphoses de l’enseignement secondaire. Le diplôme est l’objet d’incessants remaniements: sept décrets l’ont modifié de 1959 à 1967. Le baccalauréat comprenait en 1960 deux parties, une première partie à la fin de la classe de première et une seconde partie à la fin de la terminale. Pour passer en terminale, il fallait avoir obtenu la première partie du bac. Les décrets de 1959, 1960, 1962,1965,1968,1969, portent réforme du baccalauréat de l’enseignement du second degré. La diversification du baccalauréat franchit une nouvelle étape avec l’instauration du baccalauréat professionnel (décret du 27 novembre 1985) et la réforme des baccalauréats général et technique de 1993.
La dynamique du diplôme a connu une progression accélérée au cours de la fin du siècle dernier, en dépit du maintien des inégalités d’accès au diplôme et des disparités dans les poursuites d’études ultérieures, P. Bourdieu, 1979. Le «slogan des 80% » fixe un point de repère. Mot d’ordre exprimé pour la première fois dans le rapport d’A. Prost sur les lycées (1983) où il s’agissait d’« atteindre en 1993 l’objectif de 80 % de jeunes achevant une scolarité de second cycle », (second cycle long et court compris).
J. P. Chevènement, successeur d’A. Savary, au ministère de éducation nationale en 1984, fixe un objectif ambitieux pour un pays dont la ressource essentielle est l’intelligence: le système éducatif devra conduire, d’ici à l’an 2000, 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat (c’est-à-dire passer en quinze ans de 35 à 80 %). Un nouveau baccalauréat est créé à cette fin, le bac professionnel.
Dans le Plan pour l’avenir de l’Éducation nationale, R. Monory (1988) ramène l’objectif à 74% d’une génération au niveau du bac (baccalauréat professionnel compris), considérant l’objectif à la fois souhaitable et réaliste. Cette volonté de conduire environ les trois quarts des jeunes au niveau d’un baccalauréat se maintient. L. Jospin, ministre de l’éducation nationale de 1988 à 1992 réaffirme dans une loi d’orientation du 10 juillet 1989 l’objectif initial des 80 % au niveau du baccalauréat mais en insistant sur l’exigence de qualification pour tous les jeunes, dans un pays qui fait de l’éducation sa première priorité.
F. Bayrou, dernier ministre de l’Éducation nationale du second septennat de F. Mitterrand, s’appuyant sur les études prospectives de la DEP conçoit un nouveau « scénario de développement du système éducatif». 72 % des jeunes au niveau du bac en 2003. La révision emblématique de 80 % d’une génération en classe terminale est envisagée à la faveur d’un recours massif à l’apprentissage et sur davantage de redoublements en collège.
« Le baccalauréat est donc l’aboutissement naturel du second cycle, cet examen est, dès l’entre-deux-guerres l’objet de vives contestations (bachotage, difficultés d’organisation neutralisant une bonne partie du troisième trimestre … ), mais, sauf au lendemain de la tourmente de mai 1968, son existence, caractéristique du système français, ne sera jamais sérieusement remise en cause. On évoque périodiquement le rôle que pourrait jouer dans sa délivrance le contrôle continu, on réforme les modalités de son déroulement, on allègue les difficultés de régulation des flux à l’entrée dans l’enseignement supérieur qui implique le fait que tout bachelier peut s’inscrire en université, mais la double nature de cet examen, examen de fin d’études secondaires valant délivrance du premier grade universitaire, demeure aujourd’hui, et ceci dans le cadre de la spécificité française, qui réserve à l’État le monopole de la collation des grades et des diplômes.» M. Allaire & M. T. Frank, 1995.
Le baccalauréat, examen national, détermine en amont la nature des contenus d’enseignement par les exigences qu’il induit. C’est pourquoi, depuis le XIX’ siècle, pour l’essentiel, les programmes et les contenus d’enseignement sont identiques dans l’enseignement privé à ceux de l’enseignement public. Le baccalauréat a engendré le bachotage, aussi ancien que le bachot, J.B. Piobetta, 1937. Un conflit oppose les enseignants qui ne conçoivent l’enseignement que dans le cadre des disciplines constituées aux partisans d’une formation plus large, qui laisse une place au travail personnel des élèves et au contrôle continu.
À la fois certification de connaissances et droit d’entrée à l’université, formellement le baccalauréat change de nature et devient aussi un parchemin pour la vie professionnelle. Après le baccalauréat, quelles études et quels emplois? À partir des données emplois 1993-1995, la Direction de l’évaluation et de la prospective (DEP-MEN, 1996) observe que la situation des jeunes immédiatement après la fin de leurs études est assez contrastée. Trouver un emploi en rapport avec sa formation peut prendre du temps, et les jeunes occupent dans certains cas des postes moins qualifiés peu de temps après la fin de leurs études. De plus, dans les périodes économiques difficiles, les moins diplômés peuvent subir plusieurs mois de chômage. Enfin les obligations militaires des garçons (désormais supprimées) rendant difficile l’analyse de leur insertion dans l’emploi peu de temps après la fin de leur formation. En conséquence, observer la situation cinq ans après la fin des études permet d’avoir une image à la fois plus stable dans le temps et plus révélatrice de la destinée professionnelle des jeunes.
De par son histoire, le baccalauréat, est en France plus qu’ailleurs peut-être, selon A. Legrand, 1995, tout autant un rite social qu’un diplôme scolaire et universitaire. Symbole d’appartenance à l’élite, le baccalauréat a été décrit par certains auteurs comme un « mal français», (A. Prost), qui modèle les études secondaires et prétexte au maintien des conservatismes dans le système d’enseignement. Dès 1925, E. Goblot dans La Barrière et le Niveau, essai sociologique sur la bourgeoisie française moderne avait analysé la fonction sociale de ce diplôme, en développant la thèse selon laquelle la distance entre la bourgeoisie et l’ensemble des autres classes sociales serait d’ordre culturel et scolaire: elle serait marquée par l’obtention du baccalauréat et la poursuite d’études supérieures: « Le baccalauréat, voilà la barrière officielle et garantie par l’État, qui défend contre l’invasion. On devient bourgeois, c’est vrai; mais pour cela, il faut d’abord devenir bachelier. Comme le rappelait J. M. Berthelot, 1993: « De brevet d’entrée dans la bourgeoisie au seuil de la III’ République, il est devenu le viatique commun des classes moyennes salariées et tend à se constituer en diplôme de base des générations à venir.» D’une certaine manière, le baccalauréat est devenu un indicateur du niveau de développement des systèmes éducatifs dans le monde et dans notre pays, les différences de réussite entre les lycées témoignent du positionnement relatif des académies ou des régions par référence à une moyenne nationale. C’est dire son impact médiatique et l’enjeu politique pour le ministère en place, G. Solaux, 1995.
Le baccalauréat est ainsi un bon analyseur pour prendre en compte la mesure de l’évolution de la scolarisation de masse dans le cadre d’une école moyenne prolongée: si 85 % des élèves entrés dans le secondaire en 1880 décrochèrent leur bac, l’obtention d’un bac d’enseignement général n’est plus aujourd’hui le fait que de 35 % d’une génération (entrée en sixième dans sa quasi-totalité), J. P. Terrail, 1997. Cependant en un siècle, le nombre de bacheliers a été multiplié par 85, passant de 5647 en 1900-1901 à 481798 en 1996-1997. Depuis 1985, la proportion de bacheliers par génération a plus que doublé en gagnant plus de trente points de 29,4 % à 61,5 %. Pour un tiers environ, ce gain est dû à la création du baccalauréat professionnel, l’amélioration des taux de réussite (% d’admis sur présentés) tant au baccalauréat général que technologique n’en expliquant quant à elle qu’environ un cinquième.
En fait, près de la moitié de la hausse de la proportion d’une génération titulaire du baccalauréat provient du nombre d’élèves qui accèdent en classe terminale ou technologique. Pour être plus précis, la hausse de la proportion de bacheliers dans les générations les plus récentes, serait imputable pour 15 points au baccalauréat général, pour 12 points au technologique et pour 11 points à la série professionnelle. Quant à la croissance régulière du taux de réussite, elle ne compterait que pour un cinquième dans l’explication de la hausse, (N. Robin, DPD,
2003).
Il ne faut pas confondre: taux de réussite au baccalauréat; proportion d’une classe d’âge titulaire du baccalauréat et proportion d’une classe d’âge qui accède au niveau du baccalauréat. La proportion de bacheliers dans une génération (elle était de 61, 8 % en 2002) est obtenue en calculant, pour chaque âge, le rapport du nombre de lauréats à la population totale de cet âge, et en faisant la somme de ces taux par âge. On obtient ainsi la proportion de bacheliers dans une génération fictive de personnes qui auraient à chaque âge les taux de candidature et de réussite observés l’année considérée (DPD, 2003). En 2003, un bachelier sur trois l’obtenait avec mention (AB, B, TB).
Le baccalauréat est un repère, le dernier rite républicain offert à la jeunesse. Sociologiquement, P. Bourdieu, 1979, le baccalauréat cache des inégalités d’accès en termes de réussite et de poursuite d’études dans l’enseignement supérieur. La multiplication des séries, spécialités et options permet de maintenir une hiérarchisation forte dans l’organisation des études, conformément au principe de la « distillation fractionnée» (A. Prost).
Le diplôme d’accès aux études universitaires, DAEU, préparé par 13 100 personnes en 2004 est un équivalent du baccalauréat. Créé par arrêté ministériel du 3 août 1994, le DAEU a succédé à l’examen spécial d’accès aux études universitaires, ES EU , créé en 1969. Environ 4000 personnes par an intègrent le supérieur grâce au diplôme d’accès aux études supérieures