In France Culture – le 5 juillet 2013 :
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Ce constat n’est pas fait par des représentants des parents d’élèves ou des syndicats d’enseignants, mais par le directeur général de l’enseignement scolaire, Jean-Paul Delahaye. Sur un ton très franc, celui qui est chargé, au sein de l’éducation nationale, d’élaborer la politique éducative et pédagogique ainsi que les programmes d’enseignement, n’hésite pas à parler de "bombe à retardement".
Non pas sur le niveau général des élèves, car il y a toujours de très bons élèves, en revanche les élèves en difficulté sont de plus en plus nombreux, notamment dans les zones socio économiquement défavorisées. Jean-Paul Delahaye confirme : "en éducation prioritaire, la baisse est beaucoup plus importante qu’ailleurs, c’est pour cela que l’on dit que les écarts sont en train de se creuser".
Avant même de se poser la question du niveau des élèves, celui des bacheliers par exemple, Jean-Paul Delahaye pose d’abord la question de l’accès au baccalauréat. Selon une étude dévoilée par le ministère de l’éducation nationale, parmi les élèves entrés en sixième, 71,7% des enfants d’enseignants et 68,2% d’enfants de cadres supérieurs, ont décroché un bac général à la fin du lycée. Contre, 20,1% des enfants d’ouvriers qualifiés, 13% des enfants d’ouvriers non qualifiés et 9,2% des enfants d’inactifs.
Mais effectivement, le niveau moyen est en baisse chez les élèves qui arrivent en fin de scolarité obligatoire. Un "signe inquiétant" qu’il faut prendre le temps d’analyser, et de regarder, notamment en prenant en compte l’origine sociale des élèves. Mais "il n’ y aucune fatalité à ce que les élèves issus de milieux populaires réussissent moins bien que les autres" explique Jean-Paul Delahaye, pour qui l’enseignement en France connaît encore des lacunes, au niveau pédagogiques, et a donc une marge de manœuvre encore importante pour améliorer la situation :
"La qualité d’un maître a finalement un impact plus fort sur la scolarité d’un élève, que son origine sociale" dit le directeur général de l’enseignement scolaire. La question est de savoir comment faire en sorte que les enfants les plus socialement défavorisés, souvent scolarisés dans des établissements difficiles situés en zones d’éducation prioritaire, profitent des cours de professeurs expérimentés, et motivés. Car la double peine réside dans l’important taux de roulement des enseignants dans ces établissements. Les professeurs n’ont clairement pas envie d’y rester. Ce que reconnaît Jean-Paul Delahaye :
Le constat est partagé par les enseignants. Il reconnaissent que les zones d’éducation prioritaires sont peu enviées par les enseignants, car les conditions de travail n’y sont pas assez sereines, face à des classes de "25 ou 30".
"Des élèves très attachants mais qui demandent énormément d’énergie" témoigne Catherine Pugin, professeur de mathématiques à Orléans et qui a commencé sa carrière en Seine-Saint-Denis. Elle est également secrétaire académique du syndicat SE-UNSA :
Dans les zones dites les plus difficiles, les parents d’élèves ont vu la situation se dégrader : le non remplacement des enseignants malades, l’inexpérience des professeurs depuis la réforme des IUFM. Le représentant de la Fédération des Conseils de Parents d’Élèves (FCPE) en Seine-Saint-Denis en veut énormément à l’éducation nationale qui ne donne pas les moyens pour améliorer les conditions d’enseignement. En parlant des élèves, Michel Hervieu est persuadé qu’ils sont "tous capables de réussir, c’est une question de moyens". Mais selon lui, l’école crée les inégalités : "aujourd’hui les enseignants posent problème, je ne dis pas qu’ils sont mauvais mais…" :
A côté des chiffres et tendances cités plus haut, la polémique survenue au moment du bac de Français dans l’académie d’Orléans-Tours paraît donc en décalage avec le sujet, mais révèle un autre sujet plus important : que représente le bac aujourd’hui ? Pour rappel, le Figaro publiait le 18 juin dernier un article sur un soupçon de surnotation. Averti par un syndicat, le journal expliquait que les correcteurs de l’épreuve de Français disposaient d’une grille d’évaluation sur 24 points, alors que la note est sur 20.
Pour répondre aux indignations du moment, les proviseurs répondent qu’il n’y a rien de nouveau. Serge Cimolino est chef d’établissement au lycée Charles Péguy d’Orléans. Il se dit "désolé de cette polémique injuste et malhonnête". Que ce soit dans cette académie ou ailleurs, il explique que les correcteurs sont appelés à avoir une approche positive lors de l’examen. Le but est de récompenser le candidat pour les connaissances exprimées plutôt que de le sanctionner sur ses lacunes.
La seule différence ici est que les correcteurs de l’examen ont reçu un document sur lequel ces consignes nationales étaient formalisées :
Cette polémique a eu un un écho particulier chez les enseignants car l’académie d’Orléans-Tours est classée 22e sur 26 au niveau national. Mais Serge Cimolino se méfie de ce genre de classement dont le détail est parfois incohérent. Une autre étude a beaucoup été commentée ces derniers jours, c’est celle du niveau des élèves en fin de collège sur les questions d’histoire-géographie. Il est en baisse depuis six ans. Ce qui fait dire là encore à certains que c’est une preuve de la baisse du niveau des élèves, qui ont moins de connaissances.
"Il y a quand même des choses étranges" dans ces études tempère Serge Cimolino, le proviseur de lycée orléanais. Il avance un début d’explication sur certaines incohérences dans les données, en parlant des disparités dans la notation.
"Rénover les pratiques", "revoir les modalités du bac", ces solutions prônées par ce proviseur ont déjà été évoquées par le passé, mais le sujet est délicat. Il est très difficile de débattre sereinement de la question des examens, et du bac sans déchainer les passions, des parents d’élèves, des enseignants. Serge Cimolino en est conscient :
"Aujourd’hui, toucher au bac c’est faire preuve d’esprit sacrilège, c’est inconcevable. Il y a une sensibilité extrême autour de cette question, les gens démarrent au quart de tour. Je ne sais pas franchement après toutes ces années en tant que proviseur, si on pourra un jour discuter sereinement du bac, j’en suis vraiment à me poser des questions".
Au delà de la question du baccalauréat, les responsables politiques sont conscients de la nécessité de réformer le système éducatif. Pour la rentrée prochaine des postes d’enseignants seront, créés. Et pour mieux les former, le ministère de l’éducation nationale lance à la rentrée les Ecoles Supérieures du Professorat et de l’Education (ESPE) en lieu et place des IUFM, réformés par le précédent gouvernement. Mais le temps perdu est irrattrapable. L’objectif est désormais de stopper la dégradation de l’enseignement, et de l’apprentissage.