In IFE Centre Alain SAVARY – Séminaire 2012-2013 :
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Cette première séance a permis de poser le cadre du séminaire, de porter un regard historique sur l’enchevêtrement des dispositifs éducatifs, et d’échanger sur les freins et leviers du partenariat éducatif sur les territoires prioritaires.
On trouvera également dans ce chapitre la synthèse des réponses au questionnaire rempli par les participants avant le début du séminaire.
Introduction
Pour commencer le séminaire, son cadre général a été rappelé par Mme Anne-Marie Benhayoun du Centre Alain Savary. Il s’agissait à l’origine de travailler les questions partenariales sous forme d’analyse des pratiques autour des Programmes de Réussite Educative développées tant en interne qu’en externe à l’Education Nationale dans le but de coproduire de nouvelles expertises ou de les faire se rencontrer. C’est la raison pour laquelle ce séminaire est préparé de manière partenariale par différentes institutions : Centre Alain Savary (Institut Français de l’Education), Direction Départementale des Services de l’Education Nationale de l’Isère, Centre de Ressources pour le Développement Social Urbain Rhône-Alpes, Centres de Ressources Enfants Familles Ecoles Ain-Rhône et Isère, Collège Coopératif Rhône-Alpes, avec le soutien de la Direction Régionale de la Jeunesse et des Sports et de la Cohésion Sociale.
Stéphane Kus du Centre Alain Savary a ensuite insisté sur l’enchevêtrement des dispositifs auxquels les acteurs de terrain sont souvent confrontés. De nombreux lieux existent pour déposer une parole dans différentes réunions sans que néanmoins les incompréhensions entre tous les acteurs concernés ne puissent être facilement levées. L’objectif du séminaire est de proposer un autre lieu dans un autre cadre pour réfléchir collectivement à partir d’un challenge, demander à des territoires de venir dans un doublon minimal représenté par une personne d’une collectivité et une personne de l’Education Nationale par territoire.
Le «millefeuille» des dispositifs éducatifs Jean-Marc Berthet, sociologue, a ensuite fait un exposé introductif sur l’accumulation des dispositifs ces dernières années et leurs évolutions pour montrer l’actualité des projets éducatifs partagés aujourd’hui. Ces questions ne datent pas d’aujourd’hui mais s’inscrivent dans la suite de différentes expérimentions locales menées dès les années 1970 tant à Saint-Fons qu’à Hérouville Saint-Clair, puis encore à Epinal dans les années 1980 ou ensuite par l’expérimentation de la semaine de 4 jours dans différentes communes, à Lyon par exemple à la fin des années 1980. Tout au long des années 80 et 90 se sont multipliés les dispositifs relatifs aux rythmes de vie de l’enfant (ARVEJ, Contrats bleus, CATE, …). C’est l’arrivée du Contrat Educatif Local en 1998 qui institutionnalise la notion de projet éducatif local et voit différentes collectivités s’engager dans des démarches de Projet Educatif Local. Cette démarche portée par 4 ministères (Ville, Education Nationale, Culture, Jeunesse et Sports) arrive quelques mois après le lancement par la CNAF d’un dispositif (le Contrat Temps Libre) qui visait le développement de nouvelles activités de loisirs en direction des enfants et des jeunes. L’arrivée de la réussite éducative en 2005 va sans doute amener temporairement une éclipse relative de la notion non pas de partenariat mais de projet éducatif global, d’autant plus qu’elle est suivie très vite par une transformation de la manière dont l’Education Nationale va internaliser des accompagnements éducatifs qu’elle externalisait jusqu’à alors (Programme Personnalisé de Réussite Educative en 2006, Accompagnements éducatifs en 2008). La nouvelle actualité des partenariats éducatifs s’inscrit dans un triple mouvement : celui de l’Appel de Bobigny lancé en 2010 qui souhaite voir inscrit la notion de PEL dans la loi, le lobbying du réseau français des villes éducatrices qui souhaite, en lien avec l’Institut français d’Education, lancer un observatoire des PEL et enfin les discussions relatives à la refondation de l’école en amont d’une future loi. Echanges : quels freins, quels leviers ?
Suite à ce premier cadrage, un premier échange a montré que certains participants avaient le sentiment que le partenariat reculait sur une période de quinze ans. « Le partenariat se crispe aujourd’hui. » D’une certaine façon, de nombreuses institutions se replieraient sur leur gestion stricte sans arriver à créer des espaces d’échanges sur les questions éducatives de façon interinstitutionnelle. Inversement, certains estiment que justement, c’est au moment où les moyens manquent que le partenariat n’a sans doute jamais été autant nécessaire. Et pourtant, des interrogations demeurent. Certains territoires voient des partenaires (en particulier associatifs) disparaître car ils n’ont plus de moyens. La limite de l’exercice est alors trouvée : comment continuer à faire face à des besoins croissants lorsque les moyens baissent et que les collectivités sont de plus en plus sollicitées en dernier recours ? A contrario, certains participants ont fait remarquer que de nouveaux professionnels qui arrivaient sur les territoires en difficulté et classés comme tel par les différentes géographies prioritaires étaient bien heureux justement de trouver des partenaires qu’ils ne trouvaient pas ailleurs … et que les relations avec d’autres partenaires permettaient de sortir de face à face entre enfants et enseignants qui lorsqu’ils ne sont plus opérants peuvent se reconstruire différemment dans d’autres espaces éducatifs.
Du côté de l’Education Nationale et de l’évolution de ses dispositifs d’éducation prioritaire, force est de constater comme l’ont dit certains qu’elle s’est recentrée sur les apprentissages fondamentaux plus que sur l’ouverture aux partenaires. Parallèlement, les collectivités investies dans les questions éducatives sont beaucoup plus demandeuses de comptes au regard des moyens qu’elles investissent. Pourtant, les questions de frontières d’intervention des différents éducateurs sur un territoire restent entières. Sur un autre registre, il a été constaté qu’en définitive, après la réussite éducative, il n’y a pas eu d’autres dispositifs spécifiques sur les questions éducatives au regard d’une histoire chargée, et que c’était plutôt satisfaisant dans la mesure où cela a permis d’inscrire la réussite éducative dans la durée et donc de lui donner une plus grande légitimité et pérennité. Ainsi, pour sortir des imbrications de nombreux dispositifs sur un territoire (CLAS, REAP, PRE, etc, …), certaines collectivités ont mis en place un lieu unique pour coordonner l’ensemble des interventions même si des tensions existent encore entre les accompagnements internes et les accompagnements externes à l’Education Nationale. Pour d’autres, la question des accompagnements reste entière tant elle demande de travailler les complémentarités des différents intervenants sur un même territoire.
Mais c’est la notion même de territoire qui a été interrogée. Ainsi, un lycée professionnel a un territoire d’intervention très vaste, du coup de quel territoire parle-t-on ? Du territoire d’où les jeunes sont originaires ou du territoire sur lequel le lycée est basé ? Si c’est le territoire d’origine des élèves, que proposer aux élèves et comment l’afficher pour ceux qui ne pourraient en bénéficier ?
Pour d’autres, c’est le partenariat même aujourd’hui qui est paradoxal. On peut constater des formes de repli gestionnaire et pourtant la réussite éducative a fortement fait bouger les lignes de ce partenariat en associant de nouveaux acteurs aux questions éducatives qui étaient peu présents dans les instances partenariales. L’une des difficultés justement serait la multiplication de ces instances, des comités techniques ou des comités de pilotage où l’on retrouve souvent les mêmes acteurs sans que les mêmes contenus soient évoqués. D’autres encore ont évoqué les problèmes institutionnels que posait le partenariat à ses différents niveaux (terrain ou hiérarchie ou niveau politique). Localement, pour avancer, certains mettent en place des coordinations d’acteurs clandestines de façon à ne pas froisser les susceptibilités institutionnelles …
Pour poursuivre les échanges, une réflexion collective sur les freins et leviers au partenariat a été faite.
Sur la liste des freins, on relève :
? Les incertitudes et le flou quant au contexte actuel : les différents partenaires attendent devoir quelles vont être les décisions, que ce soit sur la refondation de l’école, le devenir des géographies prioritaires (de la politique de la ville et de l’Education Nationale) ou encore du dispositif même de réussite éducative.
? La variation même du terme de partenariat suivant les interlocuteurs et le sentiment chez certains d’être pris pour des prestataires de service de l’Education Nationale plus que comme des partenaires avec qui les projets seraient co-construits.
? Le monde enseignant lui-même avec ses acteurs de terrain qui ne comprennent pas toujours la dimension partenariale potentielle de leur travail. Ainsi du terme de coéducation souvent évoqué dans les instances partenariales mais qui fait peu de sens pour les enseignants de terrain, ce qui pose la capacité des hiérarchies enseignantes à faire bouger leurs pratiques.
Du côté des leviers, la réussite éducative a été évoquée comme levier tout comme les APS (assistant chargé de prévention et de sécurité ) qui vont arriver dans les établissements scolaires ou encore l’accès à la culture et enfin la place des parents et leur reconnaissance comme acteurs éducatifs.