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De retards en reports, l’avant-projet de loi d’orientation et de programmation sur l’École vient d’être rendu public. Sans anticiper sur les débats parlementaires, ni oublier que de nombreux sujets seront traités en dehors du texte de loi, les grandes lignes sont à présent connues. Voici « L’Abécédaire de la Refondation » tel que nous pouvons le rédiger aujourd’hui.
Articles du code de l’Éducation : la loi d’orientation et de programmation modifiera une cinquantaine d’articles du Code de l’Éducation, par des ajouts, des suppressions ou des réécritures.
Absentéisme : pour lutter contre l’absentéisme, et plus globalement contre le décrochage scolaire, un référent sera mis en place dans les établissements les plus concernés.
Brevet, Bac : leur évolution n’est pas évoquée pour l’instant. Pourtant, il faudra bien mettre en évidence la certification à l’issue du socle commun, en rendant cohérent le Brevet des collèges et il faudra garantir le statut de premier grade universitaire du baccalauréat.
Collège unique : il sera réaffirmé dans la loi. L’articulation entre écoles primaires et collège fera également partie des affirmations fortes du texte législatif avec l’inscription dans les projets d’école et d’établissement et la mise en place d’un conseil pédagogique commun.
Droits d’auteurs : afin de permettre l’utilisation à des fins pédagogiques de l’ensemble des ressources intellectuelles, une modification du code de la propriété intellectuelle est prévue ainsi qu’un paiement forfaitaire globalisé et pris en charge par le ministère de l’Éducation nationale.
Enseignement professionnel : les mesures envisagées ne relèveront pas de la loi :
- mise en place de modules de rattrapage avant la fin de la première pro en plus de l’accompagnement personnalisé pour éviter le décrochage ;
- prise en compte des épreuves du CAP/BEP comme un sous-ensemble du bac pro de façon à pouvoir valider le diplôme intermédiaire en cas d’échec au bac pro ;
- réduction des épreuves en CCF en prenant en compte, partiellement, le contrôle continu ;
- parcours en 4 ans, pour les élèves en difficulté, dans le parcours en 3 ans ;
- seconde pro de détermination à côté des 2ndes spécialisées ;
- réduction à 4 semaines des PFMP en 2nde et passer à 20 semaines sur le cycle terminal ;
- réduction de 3 semaines du temps de PFMP pour les élèves ayant échoué au diplôme intermédiaire et ceux souhaitant entrer en BTS, pour leur proposer des modules complémentaires adaptés à leurs besoins ;
- élargissement du droit à l’affectation en BTS aux bacheliers pro avec mention AB ;
- priorité d’accès en BTS aux bacheliers pro.
Les articles visant à clarifier les compétences respectives de l’État et des Régions dans l’élaboration de la carte des formations professionnelles semblent être retirés de la loi pour être rediscutés dans le cadre de l’acte III de la décentralisation.
Formation des enseignants et des personnels de l’Éducation : c’est pour nous un des leviers essentiels de la Refondation de notre système d’Éducation. La création des ESPÉ, dès la rentrée 2013, sera inscrite dans la loi, assurant la formation initiale et continue des enseignants, ainsi que des personnels d’éducation dans des schémas qui sont en cours d’élaboration.
Gouvernance : dans les Conseils d’Administration des EPLE, un rééquilibrage de la place des élus sera réalisé. La loi prévoyant que les maires cèdent des sièges aux Régions et aux départements. Comme nous le demandions, les contrats d’objectifs seront tripartites entre les Établissements, l’État et les collectivités territoriales.
La loi actera la création d’un Conseil supérieur des programmes, composé d’une trentaine de membres, qui s’exprimera sur l’organisation générale du système éducatif, les contenus des épreuves des examens, les épreuves des concours de recrutement.
Un conseil chargé de l’évaluation sera également créé en remplacement de l’actuel HCE (Haut Conseil de l’Éducation). Organisme indépendant, son rôle sera d’élaborer des outils d’évaluation et de définir les méthodologies à expertiser.
Un décret pourrait fixer la création d’un Institut des hautes Études de l’Éducation nationale, appelé à se substituer à l’ESEN (École supérieure de l’Éducation nationale).
Handicap : alors que l’atelier consacré à l’accompagnement et à la prise en charge des élèves handicapés avait proposé plus d’une quarantaine de mesures, aucune ne semble devoir être inscrite dans la loi et le ministre n’a évoqué aucune évolution dans ce domaine.
Individualisation des parcours : puisque rien, ou presque, n’est dit sur le lycée, la notion de parcours modulaires ou individualisés ne sera ni présente dans la loi, ni dans les premiers textes qui en découleront.
Journée : seule l’organisation de la semaine de classe est actuellement prévue dans la réflexion sur les rythmes. Elle a une incidence directe sur le temps de la journée, d’autant plus que le ministre de l’Éducation souhaite que l’amplitude d’accueil des élèves demeure la même. Ainsi donc, les lundi, mardi, jeudi et vendredi lorsque le travail scolaire prendra fin, il devrait être prolongé par des activités éducatives.
Kafkaïen et ubuesque ! La loi va acter l’obligation d’articuler l’école primaire et le collège. Les expériences qui ont déjà existé, et qui vont assez loin pour certaines (échange de service, projets communs…), sont saluées comme innovant dans le bon sens, même si aujourd’hui le cadre légal n’existe pas pour permettre leur réalisation optimale. L’avant-projet de loi devait donc proposer un cadre d’expérimentation afin de permettre, à des équipes volontaires, de mettre en œuvre leur volonté de faire vivre le réseau du socle commun au-delà de la seule concertation entre enseignants. Face aux oppositions de certains syndicats, le ministre a barré d’un trait de plume en quelques minutes, tard dans la nuit, la possibilité de cette expérimentation. Il a ainsi supprimé la possibilité de mettre en œuvre ce qu’il appelle de ses vœux ! Les innovateurs devront donc continuer à bricoler dans le dédale kafkaïen des réglementations administratives à cause d’une frilosité ubuesque d’un ministre certainement fatigué ce soir-là !
Lycée : il est le parent pauvre de cette étape de la Refondation. Pour autant, si la réforme veut aller jusqu’au bout de sa logique, il faudra, dans les années qui viennent, tirer toutes les conséquences de l’instauration et du renforcement du socle commun et concevoir une nouvelle organisation du lycée afin de mieux prendre en compte l’articulation « bac – 3/bac + 3 ». Cette perspective et cet objectif sont explicitement indiqués dans le rapport annexé de la loi.
Loi d’orientation et de programmation : si tous les éléments de la réforme ne seront pas dans la loi car ils ne concernent pas directement la modification des articles du Code de l’Éducation, la loi de programmation permet la rédaction d’un rapport annexé qui donne les axes forts des ambitions politiques et affirme donc, au-delà des aspects techniques du texte législatif, les objectifs que la Nation assigne à son système d’Éducation et les moyens qu’elle lui octroie pour les atteindre. Les 15 pages du présent rapport montrent une réelle ambition pour transformer l’École, la rendre plus juste et permettre la réussite de tous.
Maternelle : dès la rentrée 2013, la scolarisation des moins de 3 ans sera relancée dans les zones difficiles. Une formation à la pédagogie spécifique de la maternelle sera délivrée dans les Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPÉ). Les objectifs de l’école maternelle seront recentrés sur le développement sensoriel, moteur, social et affectif ainsi que sur la préparation progressive aux apprentissages de l’élémentaire ; réaffirmant que la maternelle n’est pas un pré-CP. L’école maternelle constituera désormais un seul cycle.
Numérique : l’importance du numérique, tant comme champ d’apprentissage, que comme outil, sera affirmé dans la loi et donnera lieu à la mise en œuvre d’un plan de développement pour lequel 10 millions d’euros devraient être inscrits dans le budget 2013.
Orientation : comme pour la carte des formations professionnelles, les articles devant organiser le transfert des CIO aux régions seront revus dans le cadre de l’acte 3 de la décentralisation.
Parcours d’Éducation artistique et culturelle : afin d’aller au-delà des seuls enseignements disciplinaires artistiques en musique et arts plastiques, la loi les inscrit dans la construction de parcours artistiques et culturels qui permettront à chaque élève l’acquisition de connaissances, la pratique et la fréquentation des œuvres.
PEL : les projets éducatifs territoriaux seront inscrits, dans la loi, comme des démarches permettant la mise en synergie des différents acteurs, des temps et des actions d’éducation. Au-delà de cette affirmation, ces dispositifs demeurant facultatifs (libre administration des collectivités territoriales oblige), les textes d’application devront venir préciser les modalités de pilotage, d’organisation et la place de chaque acteur. Ainsi, des incertitudes demeurent quant à nos revendications d’implication des personnels techniques et pédagogiques en éducation populaire et en activités physiques et sportives, ainsi que sur la prise en compte des conditions de travail, des formations et des missions des animateurs, des associations et des collectivités.
Quatre jours et demi de classe par semaine : c’est la nouvelle organisation de la semaine scolaire qui sera mise en œuvre à la rentrée 2013 pour les communes volontaires, puis à la rentrée de 2014 pour les autres. Elle interroge, certes, l’organisation des journées et des semaines de classe pour les enfants, mais elle questionne aussi le temps de service des enseignants du premier degré pour lequel une négociation avec le cabinet du ministre est en cours. Au-delà, le calendrier de l’année sera également à réinterroger : ce n’est pas le cas pour l’instant.
Régions : elles revendiquent clairement la reconnaissance de leurs compétences et de leur rôle dans la gouvernance de notre système d’éducation, mettant en avant la proximité et la cohérence du lien entre formation, développement économique et emploi. Malgré certaines divergences de vue, l’ARF (Association des Régions de France) demeure pour nous un partenaire avec lequel un débat constructif est possible.
RASED : le ministre a commandé un rapport à l’IG afin de redéfinir les missions des réseaux d’aide spécialisée.
ocle commun : devenu Socle « de connaissances, de compétences et de culture », il est inscrit et conforté dans la loi. C’était pour nous, avec la formation, le levier indispensable d’une Refondation de l’École.
Santé : l’Éducation à la santé et la promotion de la santé à l’École restent des sujets d’importance. Ils ne seront pas développés davantage dans la loi, mais seront valorisés dans le rapport annexé et devront faire l’objet d’évolutions à venir, prenant en compte les nouveaux besoins et la reconnaissance des différents personnels qui agissent dans ce secteur de la santé scolaire.
Travail personnel des élèves : La suppression des devoirs à la maison, pour les élèves de l’école primaire, n’est pas une nouveauté dans les textes, mais elle est loin d’être une réalité dans les faits. Cette fois, l’organisation du temps scolaire devrait prévoir que les devoirs, s’ils existent, seront faits dans le temps de l’école (pas forcément celui de la classe…). Les modalités de cette prise en compte du travail personnel des élèves restent cependant à définir.
UNSA Éducation : une parole fédérale : la Refondation de l’École de la République aura été l’occasion pour notre Fédération de parler d’une seule voix et d’être entendue sur bien des sujets. Cette cohérence collective est un atout qu’il nous faut renforcer. La réactualisation de notre projet éducatif fédéral qui va débuter en sera une excellente occasion.
Validation des compétences : les principaux opposants au socle commun et tenants du tout disciplinaires se réfugient derrière la difficulté d’évaluer et donc de valider des compétences pour réclamer le maintien des notes et des évaluations des seules connaissances. Il nous faut réaffirmer que les méthodes d’évaluation sont diverses, qu’elles font partie intégrante de la démarche même d’apprentissage, que les apprenants doivent être investis dans les processus d’évaluation et que donc l’évaluation des compétences implique des dispositifs innovants à construire : évaluer des compétences, c’est une compétence ! Elle devra faire partie des apports de la formation professionnelle des enseignants et des personnels d’éducation dans les ESPÉ.
Vacances : À l’exception des deux jours supplémentaires pour les vacances d’automne, rien n’est actuellement envisagé pour modifier les petites et grandes vacances « scolaires » et l’on sait que toute tentative de refonte du calendrier fait polémique. Pour autant, le ministre se dit favorable au raccourcissement des vacances d’été de deux semaines et affirme que ce débat devra avoir lieu dans un temps futur… mais aucun calendrier pour en débattre n’est fixé pour l’instant !
Un Wagon de rencontre pour un train de mesures : Depuis juillet, que de temps passé en réunions, ateliers, rencontres à tous niveaux pour construire le projet de Refondation de l’École. Ce temps n’aura certes pas été inutile. Il aura permis de mettre en évidence l’ensemble des questions, la pluralité des approches, la diversité des positions. Pour autant, il est à présent urgent de passer à la phase de concrétisation, d’affirmation et de propositions d’un projet global. Sinon, le résultat pourrait se limiter à quelques mesures traduisant mal l’ambition dont cette Refondation se veut porteuse.
Une Xème réforme ? En fait, ce sera essentiellement dans le rapport annexé à la loi que l’esprit de la Refondation sera affirmé et explicité. L’ambition est que ce texte fasse date, comme a pu le faire en son temps la loi d’orientation de 1989 portée par Lionel Jospin. Certes, comparaison n’est pas raison, mais il ne faudrait pas que les bonnes intentions ne débouchent pas sur une réelle transformation du système scolaire. Il en va de la réussite de la Refondation. Il en va surtout de la réussite de tous : des enfants et des jeunes confiés à notre système d’Éducation.
Y’aura plus qu’à… Une foi la loi votée, tout ou presque restera à faire ! Après les temps de la concertation et des négociations, après celui du législateur, viendra celui du terrain et des collègues. Car ce sont eux qui seront les réels artisans de la Refondation, par l’investissement qu’ils mettront à faire évoluer leurs pratiques, à construire des projets, à accompagner et faire réussir tous les élèves, à travailler en équipe, à articuler les différents temps, les différents acteurs, les différentes démarches éducatives. Ce temps des personnels devra être accompagné. Syndicalement, nous serons au côté de tous. Mais il est de la responsabilité des ministères de prévoir et d’investir dans la mise en œuvre de la Refondation, dans le « service après-vente » de la loi !
Zep : Il est prévu de sortir du zonage considéré comme stigmatisant, dont les effets de seuils écartent des établissements quasi similaires, et de cibler les moyens sur les établissements qui en ont le plus besoin en pérennisant les équipes et leur donnant les moyens d’améliorer leurs conditions de travail. Si cette évolution peut permettre de sortir de la stigmatisation qui colle à l’Éducation prioritaire, elle n’est pas sans poser quelques questions (comment identifier ces postes lors des mutations? comment ouvrir des droits à indemnité, etc), de même, elle nécessite de trouver des critères objectifs et transparents pour définir les établissements qui pourraient être concernés. Ce travail ne concerne pas la loi mais il devra être rapidement travaillé et inscrit dans les textes d’application.