PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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Le projet de loi que le gouvernement s’apprête à soumettre au Parlement fait la part belle au numérique. L’Etat se fixe un objectif ambitieux : faire entrer l’école dans l’ère du numérique.
L’une des dispositions du projet était très attendue : celle précisant le périmètre des responsabilités des départements et des régions. La solution apportée par la loi tient en deux phrases et en trois articles.
→ L’article 13 décrit les dépenses que l’Etat prend à sa charge : celles relatives aux « services et ressources numériques à caractère pédagogique ».
→ Les articles 14 et 15 décrivent, dans des termes équivalents, les dépenses à la charge des départements pour les collèges et des régions pour les lycées : « l’acquisition et la maintenance des infrastructures et des équipements, dont les matériels informatiques et les logiciels prévus pour leur mise en service, nécessaires à l’enseignement et aux échanges entre les membres de la communauté éducative ».
La frontière ainsi tracée est-elle enfin claire ? En première approche, la réponse est positive.
La responsabilité de la maintenance, principale zone grise des compétences partagées entre l’Etat et les collectivités, est explicitement attribuée aux collectivités. La loi se contente ici de reconnaître que celui qui achète est le mieux à même d’assurer le maintien en fonctionnement de son acquisition. La logique économique et l’exigence de qualité de service commandent que l’acquisition et la maintenance soient conçues et exécutées par un unique opérateur qui les intègre dans un même processus.
Maintenance, certes, mais maintenance de quoi ? C’est la deuxième partie de la question.
La maintenance porte bien entendu sur l’infrastructure et les équipements, c’est-à-dire, sur tout ce que l’on appelle en informatique le « hardware », le matériel, la quincaillerie : tous les éléments passifs et actifs du câblage des bâtiments, les serveurs, les postes de travail (ordinateurs fixes et mobiles, terminaux) et les périphériques (imprimantes, TNI, etc.). Toutes choses dont la collectivité était l’acquéreur et dont elle devra assurer à présent et en toute logique le maintien et le renouvellement, ce qui aura en retour un impact sur sa politique d’achat.
Mais la maintenance porte également sur certains logiciels (software). Cette précision est importante, elle n’était pas forcément attendue et c’est elle qui fera sans doute l’objet de discussions. Elle l’est d’autant plus que la responsabilité de la collectivité englobe, comme pour l’infrastructure et les équipements, l’acquisition tout autant que la maintenance.
Les logiciels visés sont de deux types :

→ Les logiciels prévus pour la mise en service des infrastructures et des équipements : ce sont ce que l’on appelle aussi les logiciels systèmes, ils sont généralement embarqués dans le matériel (comme par exemple le système d’exploitation pour un ordinateur) et ce ne sont pas eux qui seront le plus discutés ;

→ Les logiciels nécessaires à l’enseignement et aux échanges entre les membres de la communauté éducative : cette définition très large permet d’englober les ENT (espaces numériques de travail) mais également les logiciels de gestion des réseaux locaux ainsi que les passerelles locales vers Internet via les réseaux des opérateurs de télécommunications.
L’intention sous-jacente est de confier la charge de l’informatique de l’EPLE dans sa totalité, matériel et logiciel, à la collectivité territoriale de rattachement, l’Etat conservant la responsabilité des services et des ressources pédagogiques, liées à ses compétences régaliennes. Elle concrétise une « vision patrimoniale » de l’informatique de l’EPLE, pour reprendre l’expression d’Eric Mazo (région PACA).
Cette première lecture du projet de loi laisse de côté de nombreuses questions qui mériteront que l’on y revienne. Nous en évoquons rapidement quatre.

→ Services et ressources numériques à caractère pédagogique
Le périmètre des services et ressources à caractère pédagogique que l’Etat s’engage à prendre à sa charge devra être précisé. La fourniture de tels services pourra se faire, soit de façon directe, soit par un financement des EPLE pour l’acquisition de droits d’usage. On imagine mal que l’Etat assume seul cette charge. Les familles, les établissements, les collectivités y contribuent déjà et continueront de le faire. Là encore, une frontière devra être tracée.

→ Maintenance et assistance
L’informatique est aussi un service : le maintien en bon fonctionnement des infrastructures et des équipements ne suffit pas à garantir sa qualité. Il faut y ajouter un service d’assistance de l’utilisateur. Cette charge pourrait se révéler lourde pour les collectivités puisque les utilisateurs de services tels que les ENT sont très nombreux. De plus, la frontière entre l’assistance à l’utilisation du service et l’assistance dite « métier » qui porte, pour les enseignants par exemple, sur des questions pédagogiques ne relevant pas à l’évidence de la collectivité, pourrait se révéler difficile à tracer.

→ Domaine administratif et domaine pédagogique
L’informatique de l’EPLE est classiquement partagée en deux domaines, l’un administratif, l’autre pédagogique, conçus et administrés indépendamment l’un de l’autre. Le texte ne les distingue pas et c’est une bonne chose. Mais ce faisant, la loi place sous le contrôle de la collectivité une composante de l’informatique administrative qui appartient à l’Etat. Dans cette zone dont il faudra veiller à ce qu’elle ne devienne pas, à son tour, une zone grise, la collectivité de rattachement de l’EPLE et les services académiques devront se concerter pour spécifier les responsabilités de chacun.

→ Reprise des logiciels de l’éducation nationale
On ne maintient bien que ce que l’on a spécifié, choisi et acquis. Ce principe que les collectivités appliqueront sans difficulté aux infrastructures et aux équipements, sera plus difficile à mettre en oeuvre dans le cas des logiciels, et en particulier des logiciels de gestion des réseaux locaux qui sont aujourd’hui, presque partout, des solutions développées et gérées par des services et des personnels de l’Education nationale. La prudence commandera aux collectivités de les conserver dans un premier temps et de trouver des accords avec les services académiques pour en assurer conjointement la maintenance et distinguer ce qui relève de la maintenance et ce qui relève de l’administration et de l’usage de ces logiciels. Mais cette solution ne pourra être que transitoire. Elle obligera en tous cas les collectivités à envisager, à terme, une solution alternative.

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