In Médiapart – le 13 juin 2013 :
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Il y avait eu, à l’automne, la parution des trois volumes de l’EHESS, Faire des sciences sociales, qui espéraient « provoquer des discussions politiques qui n’ont pas lieu actuellement et nourrir l’imagination politique collective ». Il y avait eu, au printemps, le lancement de la revue Socio, sous l’égide du sociologue Michel Wieviorka affirmant que « pour se penser elles-mêmes et, dans le monde actuel, pour transformer la crise en débats et en conflits institutionnalisables d’où sortiront les réponses nécessaires, nos sociétés ont en réalité le plus grand besoin de l’apport des sciences sociales ».
Bien que l’EHESS ait choisi la voie de la démonstration méthodologique et épistémologique, que Socio parie sur le dispositif plus classique de la revue et que le petit ouvrage émanant de l’association champ libre aux sciences sociales s’inscrive plutôt dans une forme d’interpellation située entre analyse, manifeste et pétition, ces différentes publications partagent un constat et un but.
Ces ouvrages alertent tous sur un sentiment de crise profonde dans la manière dont les sciences humaines et sociales (SHS) sont aujourd’hui reçues et perçues dans les espaces public et politique. Et constituent, en retour, un désir de fabriquer des intellectuels collectifs pour fournir des réponses et des contre-attaques au désintérêt, voire à la mise au pas, dont seraient victimes les SHS, même si ces trois projets éditoriaux, en forme de « sciences sociales pride », ont sans doute comme limite commune de s’inscrire dans un registre situé entre le plaidoyer pro domo et l’auto-persuasion.
Le manifeste intitulé La connaissance libère, qui paraît ce jeudi 13 juin, est le plus alarmiste sur la situation et le plus engagé et vindicatif sur les mesures à entreprendre pour y remédier. Pour les auteurs, en effet, « lorsqu’elles ne servent pas d’expertise aux pouvoirs, les sciences sociales sont rendues invisibles, interdites d’usage ».
Pour cela, écrivent-ils, « nous retisserons les affinités et les réseaux qui permettront de faire progressivement dépérir les hiérarchies entre savants et profanes, de même que la division sexuée du travail, la précarisation du travail de la pensée, les monopoles dans la production et la diffusion des idées. Nous mettrons au centre de nos activités l’enquête de terrain et l’exigence d’apporter des preuves empiriques aux arguments avancés (…). Nous ferons de nos laboratoires des salles d’armes, de nos concepts et de nos enquêtes des instruments de vérité ».
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