In Les Cahiers Pédagogiques :
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Bruno Suchaut, Alice Bougnères et Adrien Bougnen viennent de publier une étude autour du temps effectif que passent des élèves de grande section de maternelle à se préparer à la lecture : « 7 minutes pour apprendre à lire ». Sylvain Connac a commenté pour nous cette étude. Et Bruno Suchaut répond à ses questions.
Télécharger l’étude « 7 minutes pour apprendre à lire »
Qu’est-ce qui, dans l’organisation actuelle de la maternelle, compliquerait une organisation pédagogique ciblée ?
Tout ce qui ne permet d’organiser de manière systématique un enseignement avec des petits groupes d’élèves. Il y a donc potentiellement plusieurs facteurs qui peuvent, au sein d’une école, restreindre cette possibilité d’organisation. Il faut déjà que les enseignants soient convaincus du bien fondé de la démarche, il faut aussi qu’il dispose d’un programme d’activités précis, structuré et progressif pour travailler les compétences ciblées.
Que pensez-vous des pratiques d’individualisation de l’enseignement autour des difficultés des élèves dès la maternelle ? Ne risquent-elles pas d’exacerber le sentiment d’incompétence de ces enfants ?
Non, et sans doute beaucoup moins que d’autres types de prise en charge. L’idée est de constituer des petits groupes de 5 élèves maximum, homogènes sur le plan du niveau des élèves, la composition de ces groupes pouvant évoluer selon le rythme de progression des enfants. Dans les écoles où la difficulté scolaire est concentrée, ce serait une proportion importante d’élèves qui serait concernés par ce travail en petits groupes et puis, on peut aussi envisager des ateliers tournants dans la classe.
Outre la conscience phonémique, à quel niveau situez-vous le travail didactique autour du sens de la lecture et de l’écriture avec les enfants de cet âge ? (la compréhension que l’on lit ce qui a été écrit par quelqu’un et que l’on écrit pour être lu, le travail sur les inférences, la dimension littéraire des textes, …)
Notre travail porte exclusivement sur la conscience phonologique et l’apprentissage du code alphabétique. Les travaux scientifiques sur l’apprentissage de la lecture ont bien mis en évidence l’importance de ces apprentissages pour les élèves fragiles face à l’écrit. Il s’agit d’offrir aux jeunes élèves qui n’ont pas bénéficié d’un environnement suffisamment stimulant la possibilité d’acquérir la conscience phonologique avant l’entrée au CP. Bien sûr, d’autres activités autour de la lecture et de l’écriture sont possibles, notamment dans le rapport que peuvent avoir certains enfants avec le livre et l’écrit, mais il faut bien savoir que la compréhension ne peut être acquise que si l’on maîtrise les compétences en phonologie et en automatisation du code.
Quels effets pourraient induire une organisation coopérative des classes sur le temps d’engagement des élèves ? Qu’est-ce que cela apporterait aux élèves aidant ? Qu’est-ce que cela apporterait aux élèves aidés ? Qu’est-ce que cela apporterait aux élèves s’entraidant ?
Les formes de tutorat entre élèves, les interactions peuvent effectivement être des conditions supplémentaires à la mobilisation cognitive, cela est sans doute plus difficile à mettre en place avec des élèves très jeunes.
Selon vous, que devraient travailler la formation professionnelle pour que les enseignants soient en mesure d’accompagner leurs élèves vers davantage de temps passé à s’engager dans leurs activités d’apprentissages ?
La formation doit vraiment mettre l’accent sur les facteurs d’efficacité pédagogique classiques, ceux qui ont été identifiés par la littérature anglo-saxonne : structuration et planification des activités, gestion du temps d’enseignement. La formation initiale et continue doit aussi permettre aux enseignants de savoir comment travailler avec des petits groupes d’élèves, cela ne va pas de soi.
Que serait-il bon selon vous de modifier dans l’organisation du temps, des activités et la nature de ces activités, pour pallier le manque pointé ?
Les équipes pédagogiques doivent intégrer et prendre en compte le fait que tous les élèves n’ont pas les mêmes besoins en temps d’apprentissage. La priorité est alors de faire en sorte que les élèves les plus faibles bénéficient de beaucoup plus de temps que les autres. Tout consiste alors à organiser la journée de classe, en lien avec les activités périscolaires, de manière à atteindre cet objectif. Des possibilités diverses existent alors dans les écoles selon leurs spécificités et celles de leur public d’élèves.