RESUME
Le projet Lecture est un projet de suivi de cohorte, tout au long du cycle d’apprentissage de la lecture : de la grande section de maternelle au CE1. Son objectif est de réduire de moitié le nombre d’élèves en grande difficulté à l’issue du CE1.
Le projet consiste à systématiser le recours des enseignants aux pratiques pédagogiques efficaces préconisées par la recherche, notamment l’entraînement structuré des compétences fondamentales de la lecture, en petits groupes, et à focaliser leur attention sur les élèves les plus faibles. La valeur ajoutée réside dans le recours aux enseignements de la recherche, en psychologie cognitive, notamment, au service de l’objectif de réduction des inégalités d’accès à l’apprentissage de la lecture constatées. Le protocole préconise donc la mise en oeuvre d’interventions précoces dans la scolarité des élèves. Cette expérimentation se situe dans la continuité du programme PARLER qui a été conduit de 2005 à 2008 dans plusieurs écoles de REP de l’agglomération grenobloise et qui avait montré des effets positifs. Le protocole expérimental propose un guide à l’enseignant pour mettre en oeuvre en grande section et au CP un enseignement structuré des compétences identifiées comme nécessaires à l’apprentissage de la lecture : conscience phonologique, compréhension orale et code alphabétique. Les conseillers pédagogiques de circonscription assurent le suivi, la formation et l’accompagnement des enseignants engagés dans le dispositif. La méthode promeut le travail des élèves en petits groupes de niveau homogène, chaque séance d’entrainement durant 30 minutes. La fréquence des entrainements est augmentée pour les élèves les plus faibles.
L’évaluation du dispositif expérimental est sous la responsabilité de la DEPP, du laboratoire EMC de l’Université de Lyon 2 et de l’IREDU. Sur les deux années de l’expérimentation, quatre évaluations, deux en grande section et deux en CP, ont été mises en oeuvre.
Sur les deux années, l’analyse des effets fait ressortir des résultats positifs sur les dimensions travaillées spécifiquement dans le dispositif, ces effets étant plus importants pour les élèves les plus faibles.
Si la littérature scientifique américaine abonde en recherches concordantes sur les effets positifs d’une intervention précoce en phonologie, il n’existe pas en France d’études empiriques d’envergure sur le sujet. De ce point de vue, l’expérimentation fournit des éléments utiles en termes de recherche et d’action pédagogique. Il y aura en effet un enjeu à observer si les résultats positifs observés en cycle 2 (GS- CP- CE1) sont durables et transposables dans l’apprentissage de la lecture chez ces élèves.
NOTE DE SYNTHESE
La lutte contre les difficultés scolaires constitue un important enjeu social. Environ 15% d’élèves éprouvent des difficultés en lecture-écriture à l’entrée en 6ème dont 4 % sont en très grandes difficultés de lecture.
L’école est face à une extrême diversité de profils de lecteurs en difficultés et l’enjeu est d’y faire face dans les meilleures conditions. L’une d’elles est de connaître de façon la plus précise possible les processus cognitifs et langagiers déficitaires et menant à des difficultés lors de l’apprentissage de la lecture.
Le protocole de l’expérimentation Lecture est conçu à partir du principe d’enseignement explicite. Il préconise la mise en oeuvre d’interventions précoces dans la scolarité des élèves afin de lutter efficacement contre l’échec scolaire.
Les grands principes de cette expérimentation sont des adaptations au contexte français d’un rapport de 2000 rédigé par le National Reading Panel qui identifiait les interventions efficaces favorisant l’apprentissage de la lecture : connaissances des lettres, phonologie, connaissance du principe alphabétique.
L’expérimentation Lecture se situe dans la continuité du programme PARLER (M. Bianco, P. Bressoux, C. Lequette, G. Pouget, Laboratoire des Sciences de l’Éducation, Université Pierre-Mendès-France de Grenoble, étude menée par Michel Zorman) qui a été conduit de 2005 à 2008 dans plusieurs écoles de REP de Grenoble et de l’agglomération grenobloise et qui a montré des effets positifs.
L’évaluation du projet « Lecture », porté par l’association Agir pour l’école, a pour objectif de mesurer l’efficacité de la diffusion de pratiques pédagogiques préconisées par la recherche pour trouver des solutions contre la difficulté scolaire et en particulier l’illettrisme.
Dans les circonscriptions identifiées, des classes participent à l’expérimentation sur la base du volontariat. Le protocole propose un guide à l’enseignant pour mettre en oeuvre en grande section et au CP un enseignement structuré des compétences identifiées comme nécessaires à l’apprentissage de la lecture : la conscience phonologique, la compréhension orale et le code alphabétique. Des documents d’accompagnement pour la mise en oeuvre précisent les exigences du protocole quant au cadre des séances, à la conduite de chaque séance et à la progression annuelle des séances à respecter. Le matériel pédagogique est fourni aux enseignants via une plateforme d’échanges. Les conseillers pédagogiques de circonscription et des maitres formateurs assurent le suivi, la formation et l’accompagnement des enseignants engagés dans le dispositif. La méthode promeut le travail des élèves en petits groupes de niveau homogène, chaque séance d’entrainement durant 30 minutes. La fréquence des entrainements est augmentée pour les élèves les plus faibles.
Le dispositif expérimental est évalué conjointement par la DEPP, le laboratoire EMC de l’Université de Lyon 2 (Jean Ecalle) et l’IREDU (Bruno Suchaut). Cette collaboration fait l’objet d’une convention quadripartite entre la DEPP, l’université de Lyon 2, l’IREDU et l’association Agir pour l’école.
L’expérimentation du projet « Lecture » s’est tenue dans les départements du Nord, du Pas-de-Calais, des Hauts-de-Seine et de la Seine-Saint-Denis lors de l’année scolaire 2011-2012, auprès d’élèves de Grande Section de maternelle (GS), et lors de l’année scolaire 2012-2013 auprès d’élèves de Classe Préparatoire (CP).
Pour l’année de GS ; 59 écoles ont pris part à l’expérimentation. Cette première année, sur environ 6000 élèves visés – 3000 issus de classes expérimentales et environ 3000 de classes témoin – 3569 élèves ont participé aux deux moments d’évaluation (début et fin d’année scolaire). La non-réponse a plus particulièrement affecté l’échantillon témoin.
Pour l’année de CP, 28 écoles ont été concernées par l’expérimentation, 1 113 élèves ont participé aux évaluations de début de CP et de fin de CP. Parmi eux, 728 élèves ont suivi le protocole expérimental en GS et en CP, et 369 élèves l’ont suivi en CP mais pas en GS. Parmi les 91 écoles tirées pour l’échantillon témoin, 78 écoles ont finalement participé aux deux moments de mesure soit 3 534 élèves.
Afin de comparer les progressions des élèves selon les différentes épreuves, les scores ont été standardisés afin de tenir compte de leur dispersion, mesurée par l’écart-type. Ainsi, les progrès sont mesurés en les rapportant à l’écart-type des scores des élèves du groupe témoin.
Sur la première année de l’expérimentation qui a porté sur l’année de grande section de maternelle, deux modélisations ont été engagées pour estimer les effets moyens du dispositif : la première procède par régression linéaire, la seconde par matching. Le modèle de régression porte sur chacun des scores observés au deuxième temps de mesure, en fonction des scores observés au premier temps ainsi que du sexe et de l’âge des élèves. Les élèves des classes expérimentales progressent davantage sur les dimensions Lettres (+ 17 %), Phonologie (+ 22 %), Lecture voie non lexicale (+ 41 %) et Mathématiques (+ 23 %).
Pour ces domaines, les progrès sont importants et statistiquement significatifs. En revanche, pour les dimensions Vocabulaire et Lecture voie lexicale, les effets ne sont pas significatifs. En compréhension, l’effet est légèrement significatif. Étant donné les différences de performance observées entre les deux groupes lors du premier temps de mesure, une approche procédant par matching (appariement) est théoriquement plus adaptée. La méthode employée ici et consistant à apparier sur les scores de la première session d’évaluation donne des résultats très proches de ceux de la régression : Lettres (+ 16 %), Phonologie (+ 25 %), Lecture voie non lexicale (+ 41 %) et Mathématiques (+ 31 %). En outre, la Compréhension ressort de manière significative dans ce cas (+ 15 %).
Une analyse complémentaire, selon les déciles et non plus en moyenne, montre des effets différents selon le niveau du score observé au deuxième temps de mesure. En phonologie, ces effets sont plus importants pour les élèves les plus faibles et en
compréhension, ils ne sont significatifs que pour les élèves les plus faibles.
Sur la deuxième année de l’expérimentation, au CP, les résultats des deux analyses (régression et matching) sont proches et montrent un effet positif et significatif dans la dimension habiletés phonologiques, aussi bien pour les élèves ayant expérimenté en GS et en CP que pour ceux ayant expérimenté en CP uniquement. En lecture voie non lexicale, on observe également un effet positif et significatif mais uniquement pour les élèves n’ayant expérimenté qu’en CP. Ce résultat ne s’observe pas pour les élèves ayant expérimenté en GS et en CP. Mais cette absence d’effet significatif en moyenne est à compléter par une analyse selon le niveau des élèves puisque le dispositif cible les plus faibles.
L’analyse complémentaire, selon les déciles et non plus en moyenne, précise des effets différents selon le niveau du score observé en fin de CP et notamment, en phonologie et en lecture voie non lexicale où les effets sont plus importants pour les élèves les plus faibles tandis qu’en compréhension orale, les effets négatifs concernent plus particulièrement les élèves de niveau moyen.
Enfin, une comparaison des scores moyens des élèves des groupes témoins du temps 2 et du temps 3, calculés sur les items communs à ces deux temps, montre que les élèves du groupe témoin de début de CP ont des scores supérieurs aux élèves du groupe témoin de fin de GS, de + 10 % en vocabulaire à + 84 % en phonologie. Cette différence pourrait s’expliquer par le fait que, l’évaluation ayant eu lieu au mois de novembre, toutes ces dimensions aient donc été travaillées par les élèves de CP : cette évolution correspondrait à une progression ordinaire entre fin de GS et début de CP.
De fait, selon l’hypothèse que les deux échantillons témoins (GS et CP) sont comparables et qu’on n’observe pas d’évolution différentielle de la dispersion, l’effet global du dispositif sur deux années serait caractérisé par une progression significative en phonologie (+ 51 %), en lecture voie non lexicale (+ 48 %) avec des effets importants pour les élèves les plus faibles, une absence d’effet sur les dimensions compréhension et lecture voie lexicale.
Des analyses complémentaires, statistiques et pédagogiques, viendront compléter ces résultats. Une évaluation menée en CE1 durant l’année 2013-2014 devrait permettre de déterminer si les effets observés en grande section et en CP sont transférés ou non en CE1. À plus long terme, une évaluation des mêmes élèves en fin de cours moyen deuxième année pourrait être menée afin de mesurer le transfert sur des compétences de plus haut niveau.
PLAN DU RAPPORT
INTRODUCTION GENERALE
1. L’EXPÉRIMENTATION
1.1. OBJECTIFS DU PROJET ET NATURE DE L’ACTION EXPÉRIMENTÉE
1.1.1. Objectifs du projet
1.1.2. L’action expérimentée
1.2. OBJECTIFS ET MODALITÉS DE L’ÉVALUATION
1.2.1. Problématique et méthodologie mise en oeuvre
Communications scientifiques
1.2.2. Validité interne
2. ENSEIGNEMENTS DE POLITIQUE PUBLIQUE
2.1. RÉSULTATS DE L’ÉVALUATION
2.1.1. Les publics touchés par l’expérimentation
2.1.2. Les effets du dispositif expérimenté
2.2. VALIDITÉ EXTERNE DES RÉSULTATS ET PERSPECTIVES DE GÉNÉRALISATION/ESSAIMAGE : CARACTÈRE TRANSFÉRABLE DU DISPOSITIF ET CHANGEMENT D’ÉCHELLE
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE CONSTRUCTION DES EPREUVES T1
OUVRAGES
EPREUVE LETTRES
EPREUVE HABILETÉS PHONOLOGIQUES
EPREUVE COMPRÉHENSION DE RÉCIT
EPREUVE VOCABULAIRE
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE