In Centre Alain Savary – Education prioriataire – IFE :
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Journée d’études organisée par le laboratoire RIFT Université de Genève le 6 décembre 2013
- Sommaire
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- Conférence 1 : Compétences et formation sont-elles sœurs ennemies ? Les liens entre travail et formation dans l’apprentissage des métiers de la petite enfance.
- Conférence 2 : Développement professionnel, la place de l’accompagnement dans un système compétent
- Atelier 1 : "Les compétences professionnelles dans la prise en charge des enfants"
- Atelier 2 : « Le travail de partenariat avec les familles »
Conférence 1 : Compétences et formation sont-elles sœurs ennemies ? Les liens entre travail et formation dans l’apprentissage des métiers de la petite enfance.
Intervention de Anne-Lise Ullman et Guy Jobert (CNAM Paris)
Dans une double approche ethnographique et d’analyse de l’activité, les deux conférenciers ont fait état de travaux de recherches concernant trois catégories de professionnels de la petite enfance exerçant dans des structures d’accueil collectif : formateurs, tuteurs et apprentis débutants. Dans ce contexte, ils ont interrogé le couple formation-compétence dans le but de comprendre les liens entre le travail et la formation via la compréhension du travail réel. Un premier état de fait : les manières de voir engendre des manières de faire.
S’agissant de la qualité de l’accueil et des processus de socialisation des tout petits, les observations filmées ont donné accès à des actes professionnels non seulement invisibles a priori mais aussi utiles au travail de confrontation. Il en est ressorti que toutes les activités des professionnels contribuent à la socialisation. Autrement dit, la socialisation « vectorise » toutes les tâches des professionnels.
Dans l’approche formative, une priorité est accordée aux savoirs dans cette profession avide d’une reconnaissance professionnelle. En effet, les perceptions des métiers de la petite enfance oscillent entre un pôle occupationnel, où les femmes sont perçues comme effectuant des tâches de l’ordre de « la suppléance domestique », et un pôle professionnel avec des savoirs hiérarchisés, formalisés, acquis, de haut niveau couplés avec des savoirs universitaires. Il s’agit donc de se déplacer, de progresser d’un pôle à l’autre. Et comme a pu le préciser Guy Jobert en forme de clin d’oeil, la phase finale d’accomplissement des processus de professionnalisation, c’est de convaincre les pouvoirs d’avoir le monopole des savoirs ! (exemple des médecins qui sont les seuls habilités à utiliser les savoirs diffusés).
En référence à Yves Clot, de la qualité et du bien-être au travail il en va de la santé des individus. Dans le cas présent, les résultats attendus des professionnels de la petite enfance restent une question polémique car il est encore difficile de définir en quoi consiste ce travail. La variabilité des façons de travailler dépend du lieu de travail qui produit ses propres normes.
Conférence 2 : Développement professionnel, la place de l’accompagnement dans un système compétent
Florence PIRARD (Université de liège-Département Education et formation)
« Rien n’est jamais gagné ! » C’est par cette phrase que Florence PIRARD commence son intervention.
Même si elle confirme que de nombreuses instances internationales, dont la commission européenne, relève l’importance des compétences et des conditions nécessaires à l’accueil et à l’éducation des jeunes enfants des disparités demeurent et le champ de la formation initiale et continue est encore en friche. En effet, les quelques données collectées par la recherche montrent une réelle diversité de l’accueil de l’enfance de 0 à 12 ans ce qui implique une approche intersectorielle qui prenne en compte la complexité du système.
C’est donc, entre autre, sur la base de travaux récents, soulignant les différents niveaux de responsabilités (individuelles et collectives) et les relations d’interdépendance entre les acteurs et les institutions, que la chercheure aborde la question suivante :
Comment dépasser le niveau individuel du développement professionnel et proposer une formation initiale et continue qui embrasse une dimension collective à l’intérieur même des structures?
En référence aux travaux de Gunilla Dahlberg, Peter Moss et Alan Pence, elle investit le concept de qualité d’accueil en relation avec la reconnaissance de compétences professionnelles complexes et spécifiques afin que ces pratiques, qui s’adressent aux tout-petits, soient rendues visibles et participent à la cohérence de l’action.
La notion de compétence qui n’est pas un concept scientifique est difficile à cerner en particulier dans le domaine de l’éducation.
C’est donc plutôt au cœur d’un système compétent conciliant l’engagement individuel (qui demeure exigeant), le travail d’équipe (qui peut conduire à l’entre- soi et l’auto- confirmation) et la responsabilité institutionnelle que F. PIRARD repositionne l’action éducative en direction des enfants de 0 à 12 ans.
Elle introduit la qualité comme une donnée de co- construction des orientations éducatives dans une démarche participative ne faisant abstraction ni des injonctions paradoxales et ni des tensions propres à l’activité.
Pour contourner une tendance à la normalisation ou un excès d’ajustement, elle invite les professionnels, les institutions et les formateurs à reconnaître la complexité de l’activité, à soutenir le développement professionnel en développant à la fois une culture de la formation (production de nouvelles capacités à transférer) et une culture de la professionnalisation (transformer et se former sur l’analyse de son activité).
L’accompagnement professionnel dépasse largement l’application de processus ou d’injonctions. Ce serait plutôt :
- Être à l’écoute
- Prendre en compte et rendre visible la complexité de l’action
- Rendre conscient les faits et gestes professionnels
- Offrir des possibilités d’agir dans un contexte en évolution
- Mettre à disposition une documentation et une culture de la formation
- Construire une culture de professionnalisation en lien avec les curricula et le projet éducatif
Cet accompagnement conduit le professionnel à être en recherche.
Il intéresse autant l’individu que l’équipe, que le réseau d’équipes, que la gouvernance.
C’est donc bien par une approche multiple qui sollicite l’individu, l’équipe et la structure que la question de la formation, des compétences et de la qualité devrait être abordée.
Par ailleurs, si la relation aux familles n’est jamais exclue du processus, il ne faudrait pas l’amalgamer à l’accompagnement réfléchi des familles. Cette dernière dimension particulière de l’accueil est un axe de soutien à la parentalité qui invite à la prudence et qui implique fortement de mettre à distance de l’enfance les problèmes sociaux.
Atelier 1 : "Les compétences professionnelles dans la prise en charge des enfants"
Quels outils mobilisent les praticiens et chercheurs pour identifier des pratiques spécifiques à la prise en charge de jeunes enfants ?
Les trois interventions ont envisagé différents processus de formation entre démarche individuelle et collective dans l’entre soi ou documentée.
- Sophie Tapparel (Chargée de cours à l’Université de Lausanne – UNIL)
Elle utilise l’observation filmée et l’auto- confrontation pour mettre en évidence ce qui est en jeu dans la gestualité de l’éducatrice et la matérialité des supports qui accompagnent et optimise l’efficacité de la passation et de la compréhension des consignes. Elle confirme ainsi l’importance de ces gestes professionnels souvent implicites et révèle des savoirs faire endogènes, fruit de l’expérience.
- Equipe éducative de La garderie la Madeleine des enfants, Lausanne- Canton de Vaud
Composer des équipes pluridisciplinaires pour développer des compétences professionnelles et favoriser la qualité de l’accueil.
Cette équipe relate le processus collectif qui a contribué à dépasser une situation de déséquilibre affectant l’organisation de la structure. Ce réajustement s’est construit en interne dans le cadre d’un colloque. Le climat de confiance et de dialogue a favorisé l’acceptation des réajustements dans une optique de progression professionnelle, d’encouragement et de revalorisation des compétences individuelles. Les acteurs reconnaissent un premier processus de déplacement professionnel. L’établissement se plaçant progressivement comme lieu de formation et s’engage maintenant dans l’analyse et la régulation de l’action.
- Marianne ZOGMAL, Attachée de recherche à la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education de l’Université de Genève depuis janvier 2012
Sur la base des travaux d’Yves CLOT, elle propose une démarche de formation s’appuyant sur l’analyse filmée de l’activité.
La multiplication des adressages favorise la transformation par et à travers le langage.
La différence d’appréciation de l’activité à chaud ou après analyse du film permet plus de précisions dans l’analyse alors que des thématiques plus variées sont abordées, que plus d’acteurs peuvent être concernés dans différents contextes professionnels.
Il s’agit également de rendre visibles les compétences développées et de valoriser ce qui est construit.
Comment articuler les besoins en formation en établissement et l’utilisation pertinente de ces outils ?
Importance de la documentation
Regarder des traces et sortir d’une logique de reportage
Partir de l’activité sur des choix concrets et précis (une priorité, une problématique) sur la base de critères partagés en établissement par exemple.
Atelier 2 : « Le travail de partenariat avec les familles »
Centré sur la notion d’accueil de l’enfant et de ses parents, cet atelier s’est construit autour des exposés de Christiane Perregaux sur la démarche d’éveil aux langues et de ceux de praticiennes qui ont mis en place des activités relevant de cette démarche dans des lieux d’accueil collectif de tout petits.
Un des principes de l’éveil aux langues est un accueil de la diversité des langues et des cultures, des variétés linguistiques et culturelles présentes au sein de la communauté en question, mais bien au-delà c’est une ouverture sur le monde.
Concrètement les professionnelles ont montré non seulement les effets positifs produits sur la socialisation des enfants et des parents grâce à ce type d’activités au sein d’une crèche : histoires lues, comptines, écoutes de chansons dans plusieurs langues etc. ; pour les parents des prêts de livres en différentes langues. Utiliser les ressources linguistiques des professionnelles pour en faire bénéficier tous les enfants a induit des changements dans l’organisation du travail qui ont engendré une reconnaissance de compétences, ici linguistique et culturelle, pivot de transformation des positionnements professionnels. Du côté des parents, l’accès à une bibliothèque enfantine multilingue a eu des influences bénéfiques sur leurs relations avec les professionnels.
Du côté des tout petits, nous retenons ce témoignage touchant d’une professionnelle expliquant comment un jeune enfant qui ne parlait ni ne communiquait avec les autres, s’est intégré au groupe suite à l’écoute d’une chanson dans sa langue maternelle.
La ville de Genève subventionne la démarche d’Éveil aux langues dans les institutions de la petite enfance. Elle a créé un dispositif entre les bibliothèques municipales les lieux d’accueil : « La malle aux livres ». Ce sont des ouvrages en différentes langues, des livres bilingues et sans texte ainsi que des supports audio et vidéo.
Un Cahier pédagogique « Et si on jouait … avec les langues ? » présente la démarche et des activités à destination des tout petits. (prochainement en ligne sur "les cahiers pédagogiques SDPE- ville de Genève")