In Education et Territoires – le 28 novembre 2013 :
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Le contrat tripartite signé entre l’EPLE, le rectorat et « si elle le souhaite » la collectivité de rattachement est « un outil de démocratie », déclare la rectrice de Créteil, Florence Robine, lors du colloque « Vers un contrat tripartite » organisé par la société de conseil en politique éducative « Éducation et territoires » (1) mardi 26 novembre 2013 à Paris (AEF n°188977). « Cette contractualisation doit être précédée d’un diagnostic et d’un dialogue approfondi » fait-elle valoir. Pour Florence Robine, « il est indispensable de positionner cette contractualisation dans les nouveaux schémas de gouvernance qui s’installent dans l’Éducation nationale ». François Bonneau, vice-président de l’ARF en charge de l’éducation la rejoint : « la notion de sous-traitance pour les collectivités et de priorités définies par l’État ne peut plus tenir. » Il appelle à la « co-construction » des politiques publiques.
Florence Robine, rectrice de l’académie de Créteil, souligne ce mardi lors d’une journée débat consacrée au contrat tripartite (2), que dans une région comme l’Île-de-France, qui rassemble trois académies (Versailles, Créteil, Paris), « il est indispensable que [la contractualisation] soit précédée d’une vraie réflexion stratégique » entre les académies et la collectivité.
Signature en Île-de-France d’une convention cadre Région-Académies
« C’est ce que nous allons faire », annonce la rectrice, qui va signer vendredi 29 novembre 2013 « avec la région Île-de-France, une convention cadre en présence du ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon qui va décrire les axes prioritaires dans lesquels s’engager avec la région » (AEF n°188019).
Selon Florence Robine, cette convention cadre porte notamment sur le numérique, les internats et la mixité sociale, la démocratie lycéenne, l’égalité filles-garçons, la lutte contre le décrochage scolaire. « Et cela sans jamais renoncer à nos compétences. Sur le décrochage par exemple, c’est d’abord de la responsabilité [de l’Éducation nationale] tous les jours, dans les classes, de le prévenir ». La rectrice rappelle également avoir signé en septembre 2013 avec la Seine-Saint-Denis un projet éducatif territorial qui « définit des axes prioritaires sur l’éducation artistique et culturelle, le travail effectué en direction des familles, des chefs d’établissement » (AEF n°187629).
Les collectivités influencent les conditions de réussite des élèves (F. Robine)
« A l’heure actuelle, les collectivités territoriales ont des interventions qui influencent de plus en plus les conditions de la réussite des élèves dans les établissements », affirme Florence Robine. La rectrice cite notamment le numérique, les conditions d’exercice des personnels et des élèves, la question de l’architecture scolaire, qui impacte la manière de travailler, le rôle du wifi, la place des CDI ou de l’espace parents, « qui engagent plus que des aspects techniques » et sont « liés à la politique éducative ». Les collectivités exercent ainsi des « missions de confort stratégiques ».
Florence Robine regrette que pour certains enseignants, ce contrat soit ressenti comme une frontière entre ce qui relèverait d’une part de l’administratif et de l’autre du pédagogique. « Je revendique que le travail effectué dans les services administratifs est un travail à haute valeur pédagogique. Réfléchir au budget attribué, au type de personnel que l’on affecte dans les établissements – quel taux de professeurs contractuels ? d’emplois d’avenir professeur – c’est réfléchir à la pédagogie appliquée », assure la rectrice, pour qui « cette rupture n’a pas de sens ».
Mais elle relève également le fait que « les collectivités ne sont pas un front uni, il y a les communes, les communautés de communes, les départements, les régions. » Quelle « cohérence » doit ainsi voir le jour pour le parcours éducatif de l’élève ? questionne-t-elle.
Co-construire les politiques publiques pour optimiser la dépense (F. Bonneau)
François Bonneau, vice-président de l’ARF chargé des lycées replace ce débat dans celui de la nouvelle loi de décentralisation, qui prévoit la création d’une conférence de l’action publique territoriale « mise en place pour faire progresser le travail en commun des différents niveaux de collectivités dans des domaines différents ». Il souligne également « dans le domaine de la santé l’émergence de projets de santé territoriaux. » « Ce n’est pas un hasard. Nous sommes parvenus à un tel niveau de complexité, où les moyens publics sont à ce point comptés qu’il faut optimiser la dépense et définir de nouvelles convergences. »
« Peut-être que se dessine enfin une évidence », se réjouit François Bonneau. « Le service public n’est pas exclusivement la responsabilité de l’État, il se décline au niveau des collectivités territoriales avec les mêmes exigences de qualité », décrit-il. Car « la notion de sous-traitance pour les collectivités et de priorités définies par l’État ne peut plus tenir. »
François Bonneau souligne que pour les collectivités, il existe des « inquiétudes » face au contrat tripartite : « s’il s’agissait de traduire le contrat d’objectifs reliant l’EPLE à l’académie et d’en faire une obligation pour la collectivité, cela ne fonctionnerait pas. Les collectivités n’iraient pas. » Au contraire, François Bonneau veut mettre en avant qu’il s’agit de « tripartite », « de co-construction en matière de politique publique. »
« La France en matière de numérique est 4e sur 28 en matière d’équipement mais 25e sur 28 pour les usages. On ne peut avoir des collectivités financeuses, qui remplacent tous les 5 ans des équipements restés dans les armoires ! » Il ne peut y avoir de politiques publiques que partagées ! » De même pour la carte des formation, l’orientation ainsi que l’édition et les manuels numériques. François Bonneau prévient : « on ne va pas financer à l’aveugle », mais seulement si les régions sont « associées ».
Ce contrat doit devenir « un outil de dialogue de gestion » (DGESCO)
Pour Roger Vrand, sous-directeur de la vie scolaire, des établissements, des actions socio-éducatives de la Dgesco, « le contrat tripartite ne se substitue pas à la convention signée entre la collectivité et l’EPLE. Il s’agit d’une démarche proposée à la collectivité de s’associer au contrat d’objectifs signé entre le rectorat et l’EPLE. » Le sous-directeur repère quatre intérêts à ce nouveau contrat : « la part importante donnée et prise par les collectivités territoriales, qui représentent 25 % de la dépense intérieure d’éducation, le besoin de laisser davantage de marge de manœuvre aux établissements, la nécessité d’impliquer plus largement les équipes des établissements -enseignantes, éducatives, administratives et techniques. » Enfin, cela doit permettre de « mettre en œuvre les pistes ouvertes par la loi en créant des convergences d’objectifs partagés sur le territoire.»
Pour lui, ce contrat « ne doit pas ajouter une strate supplémentaire, mais permettre de traduire les liens et l’articulation entre les politiques de l’État et des collectivités », et devenir « un véritable outil de dialogue de gestion, de dialogue stratégique ».
Emilie Legendre – 26/11/2013
Photos : Gilles Bassignac pour Education & Territoires