– Recherche-action : en 1986 lors d’un colloque à l’Institut National de Recherche Pédagogique (INRP, Paris), les chercheurs sont partis de la définition suivante : « Il s’agit de recherches dans lesquelles il y a une action délibérée de transformation de la réalité ; recherches ayant un double objectif : transformer la réalité et produire des connaissances concernant ces transformations ».
l’école « ouverte », apports d’une recherche-action longue durée
– L’ouverture de l’école, « transformation de la réalité » qui a permis de considérer le problème éducatif sous un angle systémique, prenant en compte les complexes interactions qui le déterminent. w La recherche-action a « produit des connaissances » portant sur le possible, le souhaitable, les obstacles à surmonter, les conditions à réunir. Elle a révélé son intérêt en tant que démarche formatrice, créative, fructueuse.
Le contexte
Un projet social innovant…
Quelques années avant 68, à Grenoble, l’équipe municipale (G.A.M.) conduite par Hubert Dubedout, confie à l’agence d’urbanisme le projet d’un nouveau quartier qui aurait l’ambition de « transformer les rapports humains dans la cité. L’objectif essentiel (consistant) en la prise en main par les usagers des divers équipements socio-éducatifs et socioculturels qui sont mis à leur disposition ». Projet qui bénéficie d’une politique en faveur des « équipements intégrés ». La ville de Grenoble entend aussi développer la logique de ses efforts en matière d’éducation extra-scolaire et mettre en synergie les différents temps d’éducation. Elle projette d’intégrer les « Maisons de l’Enfance » et l’école, et parallèlement, le collège, la formation continue et les institutions culturelles (médiathèque, théâtre, télévision locale). En 1971, une réflexion ouverte à toutes les personnes ou associations intéressées par le projet s’efforce de définir les bases pour la constitution d’équipes véritablement engagées dans l’expérience et produit à cet effet un projet de charte, sorte d’engagement moral (qui sera réellement opérationnel). Le département de l’INRDP (Institut National de Recherche et de Documentation Pédagogique) travaillant sur le concept de « l’école ouverte », soutient le projet, obtient trois postes pour le pilotage et la coordination, participe à sa préparation puis au recrutement des enseignants… Cinq groupes scolaires (« Maisons des enfants ») et un collège également « ouvert » desservent à partir de 1972 le quartier de l’Arlequin (conçu pour 10 000 habitants).
… projet qui connaît des débuts difficiles
La recherche-action démarre donc dans la foulée des bouleversements de 68, en tire profit mais aussi rencontre l’hostilité qu’ils ont fait naître. Les syndicats SNI et SNES tout comme l’Inspection d’Académie n’apprécient pas que la Municipalité bouscule leurs prérogatives, mais le Recteur s’intéresse au projet et le soutient, notamment dans le cadre des « équipements intégrés ».
L’hostilité politique quasi générale depuis les milieux conservateurs jusqu’au PCF et aux maoïstes… qui finira par se réduire au cours du temps…
Les pesanteurs administratives seront plus persévérantes… Les inspecteurs départementaux ont défilé, deux ou trois seulement s’y sont intéressés. Suite à un conflit opposant les équipes enseignantes et un nouvel IDEN particulièrement normalisateur, une « Inspection générale », conduite par le doyen Géminard en 78-79 formule quelques critiques et apporte clairement ses encouragements. Un seul Inspecteur d’Académie, Jean-Marie Laureau, a été explicitement très favorable (cf. sa préface à la brochure « Apprendre autrement dans les écoles de la Villeneuve » en 1988)
L’École Normale et par la suite l’IUFM, n’ont accordé aucun intérêt à une « expérience » considérable, riche d’enseignements, qui se situait à proximité de ses murs.
…projet qui résistera 30 ans
Sur les 5 Maisons des enfants, 4 sont encore ouvertes au cours des années 90, et deux continueront en 2000 à résister au harcèlement continu du dernier Inspecteur. L’une poursuit sur sa lancée décrite dans une brochure publiée en 97 : « Vivre à l’école en citoyens » (éd. Voies Livres). L’autre poursuit son travail sur l’écrit et fait fonctionner ses « classes-lecture » comme en témoigne un « comité de défense des Classes-lecture » qui interpelle directement la Ministre Ségolène Royal lors de sa visite à Grenoble en 2000… Après cette date la situation du quartier se détériore, on commence à construire des barrières autour de certaines écoles. Les « piliers » prennent leur retraite.
L’abandon de la politique de mixité sociale de l’équipe Dubedout, à partir de 1983, par la municipalité Carignon, contribue à la dégradation sociale du quartier et se traduira par des évènements qui défrayeront la chronique en 2011 et seront exploités en 2012 par le président Sarkozy. Il serait injuste voire malhonnête d’attribuer une quelconque responsabilité au projet éducatif. En réalité, les écoles sont longtemps restées un lieu de dialogue, de maintien du lien social. Sa « normalisation » a sans doute contribué à la dégradation du climat social. La gauche au pouvoir, localement et nationalement (entre 1997 et 2002) ne s’est pas distinguée par sa capacité à s’opposer à la toute puissance administrative de L’Éducation Nationale et à ses excès…