In Ministère de l’Education nationale – le 18 novembre 2013 :
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George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative, s’est exprimée lors de l’assise inter-académique de l’éducation prioritaire (Rennes, Nantes, Orléans-Tours, Caen) qui s’est déroulée à Rennes le lundi 18 novembre.
Seul le prononcé fait foi,
Monsieur le Préfet (ou son représentant),
Messieurs les Recteurs d’Académies,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs du monde de l’éducation nationale,
Mesdames, Messieurs,
L’école de la République : offrir à tous un destin commun
Ernest Renan, dans un cours qu’il prononça en 1882, distinguait les quatre attributs qui soudaient une nation : le consentement présent, le désir de vivre ensemble, la possession commune d’un vaste héritage et la volonté d’exploiter solidairement l’héritage que l’on a reçu.
Ces quatre attributs sont ceux de notre école républicaine.
L’école de notre République renforce et raffermit partout où elle se trouve ce contrat social qui fait de notre pays une nation une.
Ernest Renan, Jules Ferry, Georges Clémenceau, Victor Hugo, Léon Gambetta : les grandes œuvres, les grands textes et les grands discours des pères fondateurs de notre République se tiennent toujours à nos côtés comme des amis inquiets.
Ils nous rappellent que l’éducation, pour être républicaine, doit constamment restée vigilante à ce qu’aucune fraction de sa jeunesse ne soit laissée en déshérence.
L’éducation n’est républicaine que lorsqu’elle unifie toutes les composantes de notre territoire, et chacun des membres de notre communauté nationale.
Veiller à ce que notre jeunesse puisse, sans exception, bénéficier sur l’ensemble du territoire d’une éducation d’égale qualité, c’est à la fois pour nous prendre acte d’une prérogative qui nous honore en même temps que d’une charge dont il est de notre devoir d’être à la hauteur. La refondation républicaine de l’école est une opération de redressement national.
C’est fort de ce sentiment de responsabilité qu’il y a maintenant près d’une année et demie, le Président de la République, François Hollande, annonçait qu’il ferait de la refondation de l’école de la République et de la priorité accordée à la jeunesse, la pierre de touche de son quinquennat.
L’éducation est l’une des activités les plus nécessaires à une société. Les jeunes sont à la fois de nouveaux citoyens en même temps qu’ils sont entrain de devenir des citoyens. La génération des nouveaux venus aura la tâche, après nous, de renouveler le monde commun.
Elle constitue ce moment où s’élabore l’avenir. C’est la raison pour laquelle accorder à l’éducation prioritaire la priorité de notre action, c’est contribuer à façonner la génération des bâtisseurs de demain.
L’éducation prioritaire : de l’égalité légale à l’égalité réelle
Lorsque Alain Savary, ce grand homme d’Etat et compagnon de la Libération, décida, en 1981, de créer par une circulaire interministérielle, les Zones d’Education Prioritaire, il entendait, selon la formule consacrée, "donner plus à ceux qui en ont le plus besoin."
Alain Savary en dotant de moyens supplémentaires et d’une plus grande autonomie les établissements scolaires qui faisaient face à des difficultés d’ordre scolaire et social ne fut pas effrayé de rompre avec l’égalité légale pour faire advenir l’égalité réelle.
L’éducation prioritaire : une politique amenée à se repenser
Alain Savary ne souhaitait pas une vie si longue à l’éducation prioritaire. La politique d’éducation prioritaire n’avait pas vocation à durer.
La politique d’éducation prioritaire devait constituer un moment.
Malheureusement, ce moment n’a cessé de s’étirer.
Ce moment s’est installé dans le temps.
Ce moment s’est éternisé.
Nous le savons, et ne cherchons pas à nous le dissimuler, les tentatives de réforme de l’éducation prioritaire ont échoué pour la plupart, n’ont abouti qu’à un élargissement de sa carte et n’ont pas eu, sur le plan pédagogique, les effets escomptés.
20% des établissements sont aujourd’hui en éducation prioritaire. Comment mener une politique prioritaire lorsqu’elle concerne un quart de nos établissements ?
A mesure que s’élargit la circonférence de notre cible, son efficacité et sa pertinence s’affaiblissent.
Et de fait, la politique d’éducation prioritaire n’a pas permis d’accomplir la mission qu’elle se promettait. Elle n’a pas permis de réduire les écarts de résultats scolaires entre les établissements en éducation prioritaire et ceux qui ne le sont pas. Ces écarts se sont maintenus, lorsqu’ils ne se sont pas creusés.
C’est la raison pour laquelle la réforme de l’éducation prioritaire fait actuellement l’objet d’études, dans le cadre de la modernisation de l’action publique.
C’est la raison pour laquelle cette journée qui nous rassemble tous ici aujourd’hui est si importante et si cruciale.
Les assises : le serment d’un chemin à parcourir ensemble
La situation appelle une action forte de la part du ministère de l’éducation national et de la part du ministère de la Réussite éducative. Une action forte pour relever le défi de la réussite de tous les enfants.
Les difficultés que rencontre la politique d’éducation prioritaire se font le reflet des difficultés de notre système scolaire dans son ensemble : difficultés sociales, difficultés scolaires, décrochage, etc.
Cette réforme ne peut être menée sans les acteurs de l’éducation prioritaire. C’est la raison pour laquelle une demi-journée de concertation a été consacrée à la question. Afin que les équipes qui travaillent en éducation prioritaire puissent nous faire part de leurs témoignages, de leurs analyses et de leurs savoirs. Qu’ils nous permettent d’identifier avec eux les leviers les plus susceptibles d’être porteur de changement.
C’est à cet effet, que se déroulent au cours du mois de novembre, sur l’ensemble du territoire national, trois sessions académiques et neuf sessions inter-académiques. Elles regroupent tous les partenaires en vue d’échanger sur le bilan et les pistes d’action à mener.
C’est d’une nouvelle alliance que nous avons besoin pour nos enfants.
L’éducation prioritaire, c’est la cause des enfants les plus démunis dans les territoires les plus en difficultés.
Cette cause nécessite de sceller une alliance toujours plus resserrée entre tous les partenaires de l’école. Il nous faut fédérer tous les membres de la communauté éducative pour intervenir là où nos enfants en ont le plus besoin et agir avec le plus d’efficacité et de pertinence possible.
C’est la raison pour laquelle ces assises ont pour objectifs de partager les diagnostics, de les analyser, et de les compléter en fonction de la diversité des situations académiques et des remontées de terrains élaborées.
Cette concertation permettra d’étudier les conditions de faisabilité des réformes à entreprendre.
Nous avons besoin de recueillir vos réflexions et vos suggestions pour que la politique menée dans les mois à venir soit la plus efficace. C’est à cet effet que nous vous avons invité à discuter et à formuler des propositions à partir des six thématiques suivante : les pratiques pédagogiques et éducatives, l’accompagnement et la formation des personnels, les modalité du travail en équipe et en partenariat, le pilotage et l’évaluation, l’allocation des moyens, la carte de l’éducation prioritaire.
Forts des propositions qui seront remontées du terrain au cours de ces assises locales, Vincent Peillon et moi-même proposerons des premières orientations pour l’évolution de la politique de l’éducation prioritaire dès le début de l’année prochaine. Les mesures qui en procèderont seront progressivement testées en 2014 et mises en œuvre au cours des prochaines rentrée.
La réforme à venir
La réforme que nous voulons mettre en place se veut tout à la fois pédagogique et éducative.
Pédagogique et éducative, parce que l’enjeu est bien de trouver les voies et les moyens d’enseigner en éducation prioritaire. Il y a, nous pouvons en faire le constat, des établissements qui, à situation égale, réussissent mieux que d’autres. Il nous faut en comprendre les raisons et en connaître les motifs pour pouvoir nous en inspirer.
Pédagogique et éducative, parce que dans ces établissements où les enfants sont les plus en difficulté, il est capital que l’approche soit la bonne. Une approche bienveillante, qui vise au bien-être, voilà qui permet d’encourager et de stimuler ceux qui connaissent des situations de désarrois.
Pour venir en aide et pour stimuler l’effort des plus démunis, il nous faut dispenser une éducation qui ne laisse pas l’anxiété ou le manque de confiance en soi ronger nos enfants, mais leur permette, au contraire, dans les moments difficiles, de trouver en eux-mêmes la force de se relever et de se remettre en marche.
Une école bienveillante, c’est une école qui fait sienne le geste du don, qui permette à l’élève de se rallier à lui-même, et de puiser en lui-même et chez ceux qui l’entourent les exigences et le soutien indispensables.
C’est faire en sorte que celui qui se croit déjà au bout de ses possibilités, voit accourir des forces neuves.
Il nous faut pour cela construire ensemble une école ouverte qui développe l’action avec ses partenaires, qui recherche l’implication des parents, qui prépare au mieux l’orientation des élèves, qui prenne en compte l’environnement familial, social et territorial des élèves.
Vous l’aurez compris, la loi pour la refondation de l’école au travers des réformes qui sont les siennes : dispositif plus de maîtres que de classes, scolarisation de moins de trois ans, mise en place des ESPE, mise en œuvre des rythmes scolaires, implication des collectivités dans la mise en œuvre des projets éducatifs de territoire sont autant d’orientations que viendra renforcer la réforme de l’éducation prioritaire.
Conclusion
Nous savons qu’il ne suffit pas de consulter une image satellite, de jeter un œil sur des colonnes de chiffres ou de consulter des rapports d’experts pour avoir la connaissance intime des situations dans lesquels se trouvent nos établissements scolaires, et celles de nos enfants les plus en difficulté.
La France n’est pas une carte, elle est un alliage de territoires divers, variés et complexes. Prendre en considération nos élèves exige de notre part de prêter toute l’attention nécessaire à leur singularité d’enfant.
Depuis la Troisième République, la mission de l’école a toujours consisté et consistera toujours à raffermir chaque jour le pacte républicain qui nous unit et qui fait de notre pays une nation.
La présence d’une école qui assure sa mission auprès de chaque enfant, dans tous les territoires et qui garantit à tous son égal accès est ce qui soude la communauté de destin de tous les membres de notre nation.
Je voudrai maintenant terminer sur la parole d’une femme. D’une femme pour qui la pensée politique était indissociable d’une réflexion sur l’éducation et sur les enfants. Cette femme, c’est Hannah Arendt. Et sa parole, la voici :
" L’éducation est le point où se décide si nous aimons assez le monde pour en assumer la responsabilité. C’est également avec l’éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants pour ne pas les rejeter de notre monde, ni les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever la chance d’entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n’avions pas prévu, mais les préparer d’avance à la tâche de renouveler un monde commun."
Tâchons d’être, tous ensemble, à la hauteur de cette lucidité.
Merci à vous.