In Le Monde – le 14 novembre 2013 :
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Affaibli, Vincent Peillon ? C’est un ministre de l’éducation très en verve qui est venu conclure, jeudi 14 novembre, le colloque organisé à Paris par La Gazette des communes. "Réforme scolaire : trouver le bon rythme" : tel était le titre – un rien provocateur – donné à cette journée de débats, alors même qu’un enseignant parisien sur deux (un sur quatre au niveau national) s’était déclaré en grève contre le retour à la semaine de quatre jours et demi.
Une journée également marquée par la divulgation d’un sondage CSA selon lequel 54 % des Français préféreraient voir la réforme abandonnée. Et par les tirs nourris d’élus de droite et du centre réclamant la "suspension" du décret, le FN exigeant son "annulation", l’UDI son "abrogation".
Dans ce contexte difficile, le ministre a rappelé sa détermination. "Nous allons amener la réforme à son terme", a-t-il répété. L’ouverture imminente du 96e congrès des maires, du 18 au 21 octobre, a fait espérer – ou redouter – à certains que le premier ministre vienne y annoncer un nouveau report de la réforme, comme l’avait fait, il y a tout juste un an, le chef de l’Etat. "Je sais qu’il nous faut améliorer la réforme au plan national comme local, progresser pour que cette révolution douce puisse se faire, a affirmé M. Peillon, jouant la prudence plutôt que la véhémence. J’écouterai tous ceux qui feront des propositions allant dans le sens de l’intérêt des élèves. Mais ce n’est pas eux que j’entends aujourd’hui." Première "pique" à l’adresse des opposants.
"LE MESSAGE N’EST PAS PASSÉ"
A tous – parents, enseignants, élus – Vincent Peillon a réservé un laïus plus ou moins inspiré, plus ou moins bienveillant. "Les parents ne pensent pas qu’avoir cinq matinées d’école par semaine est un facteur de réussite scolaire. Le message n’est pas passé, d’où cette confusion absolue… Nous n’avons pas à les juger, nous avons à les convaincre", a-t-il ajouté. Au fondement de son argumentaire, l’exception que constitue la France en matière d’organisation du temps scolaire, avec six heures d’école par jour, quatre jours par semaine, quand la quasi-totalité des pays occidentaux, de la Finlande à l’Italie en passant par le Danemark ou le Royaume-Uni, ont adopté la semaine de cinq jours.
Lire : Rythmes scolaires : tout comprendre de la réforme
Bienveillant, le ministre l’a été beaucoup moins à l’évocation des élus qui, dans la lignée du président de l’UMP, Jean-François Copé, et du "Collectif des maires contre la réforme des rythmes scolaires", appellent depuis plusieurs jours au boycott de la réforme. Après la cinquantaine d’édiles regroupés autour de Jean-Michel Fourgous, le maire d’Elancourt (Yvelines), ce sont une vingtaine de maires du Val-de-Marne et une quarantaine de la métropole Nice-Côte d’Azur – présidée par l’UMP Christian Estrosi – qui ont affiché leur opposition.
"Je les invite, dès que les cours de morale laïque seront mis en place, à venir s’inscrire en cours préparatoire, a ironisé le ministre. Le temps scolaire, c’est l’Etat qui décide, les maires doivent alors ouvrir leurs locaux, sinon ils sont illégaux. L’école aura lieu cinq matinées par semaine. M. Estrosi peut bien s’enchaîner aux grilles, nous appellerons les forces de l’ordre. S’il veut faire des orphelins de 15 h 45, là, en revanche, je n’y pourrai rien. A lui d’assumer de mettre les enfants dehors tout en touchant les aides de l’Etat." Une référence au fameux fonds d’amorçage dont Matignon a déjà annoncé la "pérennisation".
"GAUDIN A SACRIFIÉ L’ÉCOLE, C’EST [SON] CHOIX"
Sa "pique" la plus acerbe, M. Peillon l’a réservée à Jean-Claude Gaudin, le maire de Marseille qui, lui aussi, s’est dit hostile au changement de rythmes. Chiffres à l’appui, c’est toute la politique éducative de la cité phocéenne qu’il a mise à mal, avec "un Atsem [agent territorial spécialisé des écoles maternelles] pour 30 élèves quand la moyenne est de un pour 15", ou "une personne à la cantine pour 60 enfants contre une pour 30 ailleurs"… "J’ai créé des postes à Marseille pour scolariser les moins de 3 ans, M. Gaudin n’a pas créé les classes qui vont avec… Il a déjà sacrifié l’école, c’est le choix qui est le sien", a-t-il asséné.
L’enquête divulguée ce même jour par La Gazette des communes, portant sur 288 collectivités (dont 9 % seulement ayant déjà testé les nouveaux rythmes), s’est elle aussi concentrée sur les questions de coûts. Plus de la moitié des répondants (51 %) ont évalué un surcoût de la réforme oscillant entre 10 et 30 %. La question promet de rebondir lors du congrès des maires.
Mattea Battaglia