In L’Express – le 10 octobre 2013 :
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La réforme des rythmes scolaires bouscule le rapport au temps. Mais, plus encore, le rapport à l’espace, en installant l’diée que l’éducation ne relève pas des seuls enseignants. L’analyse d’Emmanuel Davidenkoff.
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La réforme des rythmes scolaires bouscule le rapport au temps. Mais, plus encore, le rapport à l’espace, en installant l’diée que l’éducation ne relève pas des seuls enseignants. L’analyse d’Emmanuel Davidenkoff.
Et si la querelle des rythmes scolaires touchait à une question d’espace et non de temps? A lire et écouter les réactions de nombre d’enseignants, la question se pose. Bien sûr, il faut entendre les témoignages faisant état, notamment en maternelle, d’une fatigue accrue des enfants; considérer aussi les réelles difficultés de mise en place d’emplois du temps fluides et cohérents. Mais enfin ces difficultés ne semblent pas insurmontables – la semaine de quatre jours généralisée ne date que de 2008 et l’on savait faire classe avant. Quant à la fatigue de l’enfant, elle se traite autant à la maison, à travers la régularité des horaires, le temps dévolu au sommeil, l’usage raisonnable et raisonné des écrans…
La question de l’espace, elle, ébranle plus profondément les habitudes. L’idée que l’école, voire la salle de classe, ne soient pas seulement lieux d’apprentissage mais aussi de détente et de divertissement, hors le cadre, bien ritualisé, de la "récré". La gymnastique requise, du côté des enfants, pour changer de peau, à plusieurs reprises, au cours de la journée, pour endosser alternativement le costume de l’enfant et celui de l’élève, selon les heures et les intervenants. Du côté des parents : comprendre que l’unité de lieu ne recoupe pas une unité de responsabilité, que les enseignants n’ont plus la main sur l’intégralité du temps passé à l’école. Au fond, pour tous, comprendre que l’école n’est plus seulement le lieu où l’on enseigne, où l’on instruit et s’instruit. Le vocabulaire aggrave ce désordre, qui qualifie de "périscolaires" des activités qui se déroulent, au moins en partie désormais, non pas "autour" mais dans l’espace scolaire. Tout cela renvoie à l’idée d’un continuum, invite à considérer que l’éducation ne relève pas des seuls enseignants, encore moins des seuls temps dédiés aux apprentissages scolaires.
Une refondation plus profonde que la loi
La réforme met en scène une seconde dimension spatiale, celle du territoire, terme volontairement vague tant il recouvre des échelles différentes selon que l’on parle d’une école rurale, urbaine ou périurbaine. Là aussi, l’articulation entre l’intérieur et l’extérieur est déterminante, et l’on a bien vu, au printemps dernier, lors des Assises de l’éducation partagée, à quel point il était difficile de mobiliser, pour ce qui n’était pourtant qu’une réflexion commune n’engageant à rien, les associations dites "complémentaires" de l’école, les collectivités territoriales, les cadres de l’Education nationale, les parents et les enseignants. Les deux premières sont venues, en masse, les deux derniers étaient généralement aux abonnés absents, au mieux représentés par leurs élus. Les cadres ont fait le service minimum.
Dit autrement: pour que la réforme fonctionne, il faut que "l’institution scolaire, garante de ses propres projets, ne décrète pas seule de l’ordre du jour éducatif d’un territoire et de son organisation", comme le suggérait en février dernier la Ligue de l’enseignement, co-initiatrice de ces Assises, ce qui implique, de la part de l’école, une perception nouvelle de ses espaces physique et mental. En ce sens, la réforme des rythmes porte un projet de "refondation" peut-être bien plus profond que la loi spécifiquement dédiée à ladite "refondation".