In ATD Quart Monde – le 25 septembre 2013 :
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Faux. Ils ont plus de difficultés au départ mais il n’y a pas de fatalité.
Dans son Avis Les inégalités à l’École [1], le Conseil économique, social et environnemental (CESE) écrit en 2011 : « Les difficultés de départ des élèves à l’école élémentaire restent étroitement corrélées à la situation sociale de leurs familles… Les résultats aux évaluations à l’entrée au Cours préparatoire sont déjà très différenciés socialement et les enfants de milieux sociaux favorisés et/ou dont les parents sont très diplômés progressent davantage pendant leur scolarité primaire. Seulement 24% des enfants d’ouvriers et d’inactifs parviennent en 6e sans redoublement alors que c’est le cas de 65% des enfants de cadres, d’enseignants et de chefs d’entreprise… Le collège aggrave encore ces inégalités liées à l’origine sociale des élèves et, surtout, il les révèle au grand jour, au moment où les élèves entrent dans l’adolescence et se rapprochent des premiers choix d’orientation. »
- Merci à Georges Million pour son dessin
Dans son rapport du même nom [2], le CESE explique que « les enfants originaires des milieux sociaux les plus favorisés ou ceux dont les parents sont les plus diplômés progressent davantage, si bien que les inégalités sociales se creusent au fur et à mesure de l’avancée de la scolarité élémentaire. Le niveau de diplôme des parents (particulièrement celui de la mère) et, de manière plus globale, les possibilités d’encadrement de la scolarité par les familles revêtent une importance au moins aussi grande que leur situation socio-économique stricto sensu. »
Mais le lien entre pauvreté et échec scolaire n’est pas fatal : dans la plupart des autres pays développés, il est moins élevé qu’en France, en particulier au Canada, en Finlande, au Japon, au Portugal ou en Chine [3].
Pour casser ce lien, il faut agir au plus tôt, dès la maternelle, car les acquis et les retards scolaires présentent un caractère fortement cumulatif, et mettre en oeuvre des pédagogies participatives et coopératives qui permettent à tous les élèves de mieux réussir.
Récit. Des rencontres qui font tomber les idées fausses. Alors que je préparais un doctorat d’ingénieur, j’ai voulu me rendre utile dans un quartier défavorisé de Créteil en animant une bibliothèque de rue. J’y rencontre Eric Viney, neuf ans, dont le père est cantonnier municipal et ne sait ni lire, ni écrire. Eric non plus ne sait ni lire, ni ecrire. Il est déja dans une filiere spéciale. Il fréquente un club d’échecs créé par une habitante du quartier, Maud Desandre, et, à ma grande stupéfaction, il me bat trois fois de suite ! Jusque-la, je pensais que si quelqu’un ne réussissait pas à l’école, c’est qu’il n’était pas intelligent. Moi qui me croyais intelligent, me faire battre aux échecs par un enfant qui échoue a l’ecole !… Ca ne collait pas du tout ! Je croyais que ceux qui reussissaient a l’ecole le faisaient grace à leurs capacités et que ceux qui échouaient n’en avaient pas. Du coup, si Eric et ses parents vivaient dans une cité de transit, c’était dû à leurs manques de capacités intellectuelles. Tout s’expliquait. Et beaucoup de travaux prétendument sérieux renforcaient cette conviction [4]. Mais ma défaite aux échecs face à Eric taillait en pièce cette théorie. À l’epoque, Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde, avait lancé un défi pour que dans dix ans « il n’y ait plus aucun illettré dans nos cites. » Le père d’Eric le releva en tentant d’apprendre à lire et à écrire à raison d’une séance par semaine. Il echoua, mais Eric réussit à le faire en deux mois. Il avait onze ans. Je découvrais d’autres raisons à l’échec scolaire. Quand il a su que mon père était médecin, il a voulu le devenir aussi. Il n’a pu accéder a son reve, mais il a un emploi stable dans une ecole. On aurait pourtant besoin de médecins ayant sa sensibilite ! Ma rencontre avec Eric et sa famille m’a decidé à quitter un parcours de chercheur pour m’engager dans le volontariat permanent du mouvement ATD Quart Monde et être chercheur autrement. Et trente ans apres, il continue à me piler aux échecs et mon fils subit le même sort ! Bruno Tardieu, Délégué national d’ATD Quart Monde en France |
Extraits du livre "En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté" 5€-200 p.- éditions Quart Monde et éditions de l’Atelier.
Disponible dans les meilleures librairies et sur www.editionsquartmonde.org
Voir aussi :
« On ne vit pas trop mal avec le RSA. »
« Avec la CMU, tout le monde a accès aux soins. »
« Les Roms ne veulent pas travailler »
« En France, il y a moins de pauvreté et d’inégalités qu’ailleurs en Europe. »
« Les pauvres coûtent cher. »
« Les pauvres ne veulent pas travailler »
« Pour lutter contre la pauvreté, il faut de la croissance économique »
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[1] Téléchargeable sur www.lecese.fr/travaux-publie… (consulté en mai 2013).
[2] Également téléchargeable sur www.lecese.fr/travaux-publie… (consulté en mai 2013).
[3] Source étude PISA 2009. Les études PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) sont publiées par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
[4] Voir par exemple Bell Curve : intelligence and class structure in american life, Richard Herrnstein and Charles Murray, Free Press, 1994, qui tente de prouver que les pauvres sont moins intelligents que les autres. Ses statistiques ont été formellement refutées depuis, en particulier par Christopher Winship à l’université d’Harvard.