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Quelques éléments pour situer l’affaire.
Comment peut-on changer l’école en gardant les mêmes personnels d’encadrement qui ont été « élevés » dans le culte du système tel qu’il existe jusqu’à maintenant ? Faut-il faire tomber des têtes ? Toutes les têtes ? Bref, faut-il s’engager dans une épuration idéologique ? Mais alors sur quelle base idéologique ? Et jusqu’à quel niveau faudrait-il descendre dans la hiérarchie de l’encadrement pédagogique ?
À l’évidence, cette manière de gérer l’affaire génèrerait beaucoup plus d’indignation, de tensions et d’inquiétude qu’elle ne règlerait de problèmes. Mais si l’on ne prend pas cette question dans son fondement, toute cette histoire de refondation ne serait-elle pas qu’un simple jeu d’apparences sans portée réelle sur la vie du système ?
C’est donc pour cela que quelques observateurs avertis demandent une refondation de l’encadrement pédagogique de l’école pour assurer une chance de réussite à la refondation réelle de l’école.
Ce texte est donc une contribution en ce sens. Il ne s’engage pas dans la pente de la chasse aux sorcières que dénoncent certains alors que d’autres tendraient à la réclamer. Il ne prétend pas non plus embrasser l’intégralité de la problématique, mais il cherche à mettre en évidence quelques éléments pouvant concourir utilement à cette entreprise de refondation. Il s’agit d’abord et avant tout de redonner du sens à des choses qui n’en ont plus pour beaucoup trop d’acteurs. C’est en effet sur ce sens que peut s’envisager une refondation digne de ce nom.
Accessoirement, cette réflexion convoque aussi une méthode de travail politique. Elle ne s’appuie pas sur les concepts économiques ou les doctrines idéologiques classiques. Elle se fonde sur une approche éducative de la société et sur la dimension éducative du rapport à la citoyenneté.
Quelle hiérarchie dans une société démocratique et progressiste du XXIe siècle ?
Évidemment, pour l’immense majorité des enseignants, voire pour les autres acteurs que sont les parents et les élus, la première question à régler pourrait être celle de l’inspection des enseignants. Certains hérauts de l’UMP l’affirment d’ailleurs depuis longtemps comme l’un des éléments préalables à toute véritable refondation de l’école (des voix souhaitent même que l’inspection-évaluation des enseignants soit effectuée par des entreprises privées, pour éviter la solidarité (qui serait évidemment obligatoire et pernicieuse) entre fonctionnaires). Parallèlement, une large majorité de l’opinion semble aussi penser qu’il faut changer l’évaluation des enseignants et l’inspection, sans d’ailleurs qu’on élucide clairement les liens entre l’une et l’autre, comme si elles se confondaient inévitablement.
Mais derrière ces deux notions, s’en cache une autre, sans doute plus fondamentale, car tout le système s’y appuie. Il s’agit de la notion de hiérarchie. En France, on fait comme s’il n’y avait d’autre débat sur cette notion que de la prendre comme telle sans l’interroger, ou bien de la rejeter sans autre forme de procès.
Et pourtant, est-on condamné à cette dichotomie : pour ou contre la hiérarchie ? Pas forcément. On peut même avancer qu’il est possible d’en sortir avant de s’interroger sur l’inspection dans l’Éducation nationale et sur l’évaluation des enseignants.
Il existe de fait une première conception de ce qu’est la hiérarchie dans notre société, dans notre administration publique, et donc dans l’Éducation nationale. Dans cette conception, la hiérarchie est un système de pouvoir pyramidal descendant. Un système très échelonné, avec des grands chefs, des chefs, des petits chefs, des sous-chefs, des contremaîtres et enfin, à la base, des exécutants soumis.
Porté à son meilleur niveau de gestion, ce type de système se rapproche de l’organisation sociale féodale, avec ses liens personnalisés de vassalité, habillés aujourd’hui d’une petite touche technocratique pour mieux les rationaliser, et les légitimer au nom de la raison. Dans ce genre de conception, on a affaire à une hiérarchie qui tend à engager les rapports sociaux entre agents d’échelon différents dans une norme morale devenue omniprésente : celle de la loyauté que doivent les subordonnés à leurs supérieurs hiérarchiques. Il est entendu que cette loyauté à sens unique est posée comme un axiome intangible qui ne peut être transgressé par le subordonné sous peine de faute professionnelle inacceptable. Plus on monte dans les échelons de la hiérarchie, plus ce type de loyauté est mobilisé et brandi par les supérieurs hiérarchiques.
Mais ce faisant, ce type de hiérarchie génère la déresponsabilisation des agents à tous les niveaux. Chacun se couvre d’un échelon à l’autre. C’est la hiérarchie utilisée comme parapluie pour se dégager des responsabilités. On sait que ce genre de hiérarchie peut aboutir à des dérives terribles dans des systèmes idéologiques douteux. C’était le cas sous le régime de l’État français pétainiste. Lors des procès qui eurent lieu à la Libération, combien furent-ils à se défendre en prétendant qu’ils n’avaient fait que suivre les ordres et qu’ils ne pouvaient être tenus comme moralement responsables des effets de ces ordres ? C’est contre ce type de dérive que fut introduit dans le statut général de la fonction publique cet article introduisant, non pas le devoir d’obéissance, mais le devoir de désobéissance et la responsabilité de chacun à tous les échelons : « Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Il n’est dégagé d’aucune des responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de ses subordonnés. » (aujourd’hui, article 28 du Titre I du Statut général de la Fonction publique).
Mais le modèle de la hiérarchie pyramidale descendante tend aussi à développer le sentiment général de suspicion dans les relations humaines. Chacun soupçonne l’autre de ne pas être loyal ou bien d’être incompétent, ou pas assez engagé. Parallèlement, dans ce système, l’individualisme s’épanouit sans vergogne, à bas bruit. Et surtout, tout l’appareil de gouvernance s’appuie de fait sur la menace de la culpabilisation individuelle.
Au final, quels résultats peut-on attendre d’un tel système ? En premier lieu, on ne peut qu’y constater une atmosphère humaine délétère qui corrompt l’engagement des uns des autres dans l’action collective. Quelques individus ressortent du lot, soit parce qu’ils en sont les plus brillants, soit parce qu’ils en sont les plus exécrables. La masse se noie dans la grisaille de ceux qui fonctionnent, sans se faire remarquer dans un sens ou dans l’autre. Un phénomène prédomine : l’action collective apparaît singulièrement inefficace, parce que dans ce système, elle n’a pas vraiment de sens. La somme des agents ne fait pas une dynamique. Ce n’est qu’une juxtaposition sans âme.
On peut néanmoins refuser de se résoudre à ce tableau. On peut même prétendre – et j’ai ici la volonté de le faire – que la notion de hiérarchie n’est pas obligatoirement réductible à ce genre de conception, même si cette conception tend à prédominer spontanément dans la société humaine.
Ainsi, on peut vouloir affirmer que la hiérarchie peut et doit être comprise comme un système organisé de partage des tâches et des compétences en vue d’une cause commune au groupe social. Ici, « compétence » est à prendre dans son acception de « Aptitude reconnue par le groupe social à traiter d’une question, à en juger, à accomplir un acte, selon des modalités déterminées ». Dans ce type de hiérarchie, chaque échelon est considéré sur le même plan d’égalité en matière de dignité. Cette égalité de dignité est même fondamentale. Dans le même état d’esprit, chacun est considéré comme responsable à son niveau, et cette responsabilité est respectée parce qu’elle s’inscrit dans une action collective pour une cause partagée par les acteurs du système. S’il est question ici de loyauté, celle-ci s’exerce d’abord et avant tout envers la cause qui est partagée, et non exclusivement envers un chef. Il y a solidarité entre tous les échelons. Et la loyauté morale qui peut s’épanouir entre acteurs est ici une dynamique humaine réciproque fondée sur le respect et l’estime mutuels. La réciprocité concerne aussi la communication entre les acteurs qui cherchent l’interactivité dialectique et la volonté de construire ensemble, sans perturber outre mesure le champ de compétences des uns et des autres, mais sans négliger non plus les vertus d’une transgression humainement respectueuse qui enrichit l’action partagée. Ce qui inspire à tout moment les acteurs de ce type de hiérarchie orientée vers l’action collective, ce sont les principes de soutien, d’aide, de coopération, d’accompagnement et de progrès. Cet état d’esprit génère et entretient une socialisation du respect mutuel. La solidarité entre les acteurs, à tous les échelons et par-delà les échelons, se fonde sur le sens de l’action qui est identifié clairement et qui est partagé tout au long du processus.
Une autre dimension doit être interrogée dans toute organisation collective hiérarchisée. Il s’agit de celle du contrôle. Car il y a forcément du contrôle dans une action humaine partagée et organisée pour une cause commune. Ne serait-ce que pour vérifier et ajuster l’action et ses effets. Là encore, on peut distinguer selon leur inspiration et leur expression, deux variantes, deux types presque antagonistes.
Spontanément, l’être humain aura tendance à s’engager dans un contrôle fondé sur la suspicion. Dans ce type de contrôle, le contrôleur cherche à piéger celui qui est contrôlé. Le contrôle fonctionne sur le mode de la crainte : « vous avez intérêt à être bon, car vous allez être contrôlé, et gare… ». Mais ce faisant, chez l’être humain, ce genre de logique tend à diminuer les facultés de celui qui vit sous la menace du contrôle, en particulier pour ce qui concerne les tâches de haut niveau qui exigent une maîtrise de paramètres complexes et nombreux. La menace du contrôle peut même conduire le « contrôlé » à devenir étranger à lui-même, dans la mesure où il cherchera à se protéger d’avance par l’adoption d’une posture censée le rendre invisible, par crainte d’être repéré comme agent hétérogène, impropre à se confondre avec le modèle implicite auquel il devrait ressembler. Au lieu de maîtriser la tâche dont il est chargé, il va essayer de se soumettre à ce qu’il croit être l’attente du système, de manière superficielle.
Là encore, il existe une conception alternative du contrôle. Celui-ci s’éloigne des effets aliénants, et cherche au contraire à générer une dynamique émancipatrice. Ce contrôle émancipateur cherche non pas à piéger, mais à valider, à certifier. Il mise d’emblée sur la reconnaissance du pouvoir créatif de celui qui est contrôlé. Sa finalité est de lui fournir à lui aussi une information qui lui sera utile. Et enfin, par sa finalité de validation, il vise à libérer celui qui est contrôlé des pressions environnantes qui peuvent parasiter son action, voire le détourner de ses finalités telles qu’elles ont été validées à l’origine dans le cadre d’un projet collectif partagé.
Par parenthèse, on remarquera que c’est en partie dans cet état d’esprit que François Guizot, le ministre de l’Instruction publique de la Monarchie de Juillet, fonda le corps des inspecteurs spéciaux de l’instruction primaire en février 1835. Il voulait généraliser l’évaluation de l’école primaire par la mobilisation d’un corps d’État expert, et ce faisant, il permettait aux instituteurs de s’extraire de l’influence pesante des notables locaux. Dans ses mémoires, il écrivit « l’inspection périodique des écoles primaires a pris place dans l’administration de l’instruction publique comme l’une des plus efficaces garanties de leurs mérites et de leurs progrès. » Dans sa circulaire de 1835, il demandait à ces inspecteurs de contrôler et de surveiller, mais aussi de conseiller et de guider.
Quoi qu’il en soit, tout système hiérarchique se fonde sur un système de valeurs implicites ou explicites, imposées ou partagées. Ce sont elles qui donnent du sens à l’action et conduisent à atteindre les finalités en cohérence les unes avec les autres. Mais dans certains cas, ces valeurs peuvent prendre la pas sur l’action et les finalités de départ. Notamment, si les valeurs dominantes sont celles de l’obéissance, de l’inégalité de dignité des acteurs. Leur prédominance conduit à diminuer l’efficacité de l’action du système par rapport à ses prétendues visées.
Or, aujourd’hui, pour ce qui concerne notre système scolaire, cette question des valeurs n’a rien d’évident. Y a-t-il vraiment consensus en France sur cette question ?
Récemment, il semble qu’on ait orienté tout le système dans un étrange panachage de valeurs libérales croisées avec les bonnes vieilles valeurs autoritaires. Quelque chose qui oscillait entre la valorisation de l’autonomie, certes, mais une autonomie soumise au culte du résultat chiffré, avec une liberté pédagogique clairement contrainte et encadrée par les programmes et par la nostalgie des critères sociaux d’antan en matière de respect de l’autorité « autoritaire ».
Tout au long de ces dernières années, au nom de la modernité, on a vanté à l’envi une certaine conception du pilotage dynamisé par l’attrait des primes individuelles à part variable et concurrentielle. Mais au final, on a pu constater que notre système scolaire noyait ses réalités sous les nombres, les indicateurs, les statistiques et les tableaux informatiques savants désormais appelés pompeusement « applications ». Cette administration-là s’est donné l’illusion de l’efficacité pour se perdre dans une spirale délétère où chacun s’est senti intimement remis en cause, de l’enseignant au recteur, sous le regard d’une administration centrale digne d’une machinerie administrative de l’ère soviétique, avec l’énorme DGESCO devenue l’alpha et l’oméga de toute vie dans le monde de l’éducation.
Or, un autre système de valeurs est possible, plus en phase avec la nature même du projet éducatif. Ainsi, on pourrait affirmer et chercher à faire vivre à tous les échelons une conception humaniste de l’éducation nationale clairement fondée sur le principe d’éducabilité et non sur celui de sélection par élimination. On pourrait crânement défendre et investir les dynamiques de coopération et de solidarité dans la marche des affaires scolaires. Dans le même esprit, on pourrait s’attacher à privilégier les fonctionnements inspirés par les idéaux démocratiques contre les vieilles habitudes autocratiques qui s’épanouissent trop souvent à chaque échelon du système. On pourrait s’accorder sur l’ambition résolue de travailler ensemble pour l’accès de tous au statut de citoyen instruit, éclairé, cultivé et responsable au terme d’un parcours tout au long de la vie qui commence dès la petite enfance, mais qui ne s’arrête pas implacablement pour les plus démunis au sortir de la période d’instruction obligatoire. Enfin, on pourrait s’obliger à refuser sans concession le primat des effets des inégalités sociales sur les progrès des enfants au lieu de se soumettre à l’odieuse croyance en une naturalisation irrépressible et intangible des inégalités morales et intellectuelles.
Tout cela serait possible si l’on acceptait de référer explicitement notre système scolaire et sa hiérarchie à une éthique éducative partagée sans laquelle aucun système social organisé ne peut fonctionner durablement dans l’intérêt de tous. Sans le partage très majoritaire de cette éthique, le meilleur système finit par dépérir au fil des crises.
Mais quelle éthique éducative ? Celle qui prévalait au XIXe siècle ? C’est-à-dire cette éthique qui constitua en son temps un énorme progrès, celle de l’élitisme républicain qui permettait l’accès aux postes supérieurs de la société en s’affranchissant de la naissance noble ou roturière. Mais cette éthique était aussi celle de l’obéissance et de la soumission aux cadres établis d’une hiérarchie sociale, économique et culturelle assimilée au fruit du seul mérite individuel, négligeant complètement le poids des contraintes économiques, culturelles et sociales sur les enfants. Cela peut-il suffire comme viatique au XXIe siècle ? Non, à l’évidence. Une autre éthique est possible. Celle-là se donnerait comme finalité la diminution des inégalités sociales, économiques et culturelles, par le soutien au développement personnel et à l’harmonie sociale inspirée par l’idée du progrès pour tous. Ce n’est pas grand-chose. Mais c’est essentiel. C’est la finalité fondamentale. L’est-ce vraiment pour tout le monde ? Que chacun s’interroge en son for intérieur.
Dès lors, comment pourrait-on prétendre refonder l’école sans refonder, c’est-à-dire sans appuyer sur une base solide et sans restructurer la cohérence de l’éthique de l’encadrement du système scolaire français ?
Quelle inspection pour quelle évaluation des enseignants ?
L’inspection pédagogique est une institution très française. Elle fait partie de l’histoire contemporaine du système scolaire national. C’est d’ailleurs à ce titre que de nombreux observateurs la dénoncent comme une anomalie française dont il faudrait se débarrasser. Pour les uns, il suffit de la supprimer purement et simplement comme on supprime un parasite sans intérêt. Pour d’autre, il faudrait la remplacer par une évaluation externe commanditée auprès d’opérateurs publics ou bien auprès d’entreprises privées estimées plus fiables par nature que les contrôleurs publics a priori complices des enseignants, et donc forcément complaisants à leur égard. Toujours cette culture de la suspicion et de la culpabilisation…
Pour ma part, je me rattache à un courant qui prétend qu’une inspection pédagogique a sa place dans le système scolaire si elle s’inscrit dans une ambition progressiste et humaniste au service d’idéaux démocratiques, sociaux et laïcs. Je m’honore à cet égard, dans le cadre des responsabilités syndicales qui furent les miennes de 2008 à 2010 à la tête du SNPI-FSU, d’avoir impulsé la création d’une charte pour une éthique des inspecteurs. Celle-ci s’inscrivait dans la filiation d’une pensée professionnelle déjà bien initiée et structurée par quelques inspecteurs passionnés et néanmoins lucides sur les dérives détestable comme sur les enjeux positifs de leur métier : Dominique Sénore, Pierre Frackowiak, Georges Gauzente, Jean-Pol Rocquet, Rémy Bobichon, et même Jean Ferrier. Cette charte a été le fruit d’un travail collectif passionné de 2009 à 2010 au sein d’une équipe militante de vingt inspecteurs, avec le soutien de plusieurs dizaines de collègues qui ont bien voulu apporter leur regard.
Cette charte est le fruit d’un travail syndical, mais ses auteurs visaient une portée universelle, au-delà des seuls adhérents. Ils l’ont conçue comme une contribution au métier d’inspecteur et, par delà, au système éducatif. Elle décline en une vingtaine de principes trois dimensions inhérentes au métier d’inspecteur qui ne se limite pas à la seule inspection/évaluation, comme on le verra plus loin.
La première de ces dimensions consiste à cultiver en toute conscience et à tout moment une déontologie dans l’exercice de sa profession. Cette déontologie est fondée sur la loyauté envers l’intérêt général tel que défini par la république, sur l’indépendance et la distance intellectuelles indispensables à la fiabilité de l’expertise, sur le sérieux des observations hors de toute pression, sur la conscience de leur relativité, sur le nécessaire perfectionnement de ses connaissances professionnelles, et enfin sur le respect des droits des agents avec lesquels on travaille.
La deuxième de ces dimensions concerne les échanges engagés dans l’exercice du métier de l’inspecteur. Elle mobilise sept principes, dont la pratique du dialogue, l’écoute et la compréhension de ses interlocuteurs, la mise en évidence des qualités professionnelles et l’encouragement des enseignants ou agents inspectés, le discernement et la retenue dans l’identification des défaillances constatées, et la distinction entre la présentation des instructions officielles et son point de vue personnel.
La troisième dimension consiste à mobiliser des principes d’action qui tendront à améliorer l’efficacité du système éducatif pris en tant que première finalité des inspecteurs. On y trouve, par exemple la valorisation de toute action concourant aux progrès des élèves, la volonté de favoriser la coopération, les initiatives et les synergies entre les acteurs du système éducatif à tous les échelons.
Cela étant posé, il n’en demeure pas moins que la plupart des gens ne savent pas vraiment ce que font les inspecteurs. Pour beaucoup, y compris pour certains ministres et certains hauts fonctionnaires du système, les inspecteurs sont cantonnés à des tâches de contrôleurs des travaux finis, parfois augmentées des tâches propres aux contremaîtres et aux VRP, et cela par rapport aux instructions de leurs supérieurs ou aux réformes ministérielles en vogue. Pour certains enseignants, y compris universitaires, les inspecteurs ne sont que d’anciens enseignants douteux qui ont dû quitter le professorat qu’ils ne supportaient plus, ou bien encore des doctrinaires irresponsables et sans colonne vertébrale, à ranger dans la catégorie des « Khmers pédagogistes », assoiffés du célèbre pouvoir des petits chefs. Pour d’autres, enfin, les inspecteurs sont d’abord et avant tout des super conseillers pédagogiques dotés du pouvoir d’injonction hiérarchique. Chacun dispose d’une anecdote ou d’un exemple bien frappé qui illustre parfaitement son point de vue.
Dans la réalité, les fonctions des inspecteurs sont aussi diversifiées que les emplois auxquels ils sont nommés. Mais toutes ces fonctions ont pour fondement des missions générales définies par statut en 1990, et désormais intégrées dans la partie réglementaire du Code de l’éducation. On trouve des inspecteurs dans le premier degré, dans le second degré général comme dans le second degré technologique et professionnel et dans l’apprentissage, mais aussi dans l’information et l’orientation des élèves. Il y a des inspecteurs dans l’inspection générale de l’Éducation nationale, placés auprès du ministre et auprès des recteurs. Enfin, certains ont aussi des emplois fonctionnels d’encadrement supérieur, comme les directeurs académiques des services de l’éducation nationale ou les directeurs de centre régional de documentation pédagogique.
Les missions générales statutaires sont les suivantes : évaluation du travail individuel et en équipe des enseignants et des enseignements avec observation directe des actes pédagogiques ; inspection pour s’assurer du respect des objectifs et des programmes ; animation pédagogique dans toutes les formations initiales et continues des enseignants et dans les projets d’établissement ; participation au recrutement et à la formation des personnels et aux examens ; et enfin, expertise dans ces domaines et dans l’orientation des élèves, les examens, la gestion des personnels et les choix des équipements éducatifs. On le voit, l’inspecteur ne fait pas qu’inspecter, au sens de « contrôler ».
Dans toutes ces missions, la plus essentielle, parce qu’elle fonde la validité des autres, est sans aucun doute la mission d’expertise. L’inspecteur doit être un expert, non d’un savoir disciplinaire comme un universitaire de haut niveau l’est d’un savoir scientifique pointu et très circonscrit, mais de l’enseignement scolaire ainsi que du système scolaire, intégré dans le système éducatif national qui inclut aussi la formation professionnelle. Cette expertise se fonde sur l’observation directe et tangible, mais aussi sur un haut niveau de culture professionnelle qui doit se parfaire en permanence et intégrer tous les domaines de compétence relatifs au système.
Mais cette expertise ne peut être expertise que si elle implique la reconnaissance et l’acceptation de l’indépendance intellectuelle de l’expert par rapport à l’objet de l’expertise. Une expertise tenue en laisse et biaisée par des attendus contraints n’est plus une expertise. C’est au mieux un audit. Or, le système éducatif a besoin de bien plus qu’un audit pour fonctionner, même si cette dimension peut avoir son intérêt dans certaines configurations et ne doit pas être écartée.
Exprimé prosaïquement, cela signifie qu’un inspecteur a pour mission essentielle de comprendre et de faire comprendre, de haut en bas comme de bas en haut, dans un espace intermédiaire qui est le sien. Il n’est pas là pour flatter le roi ni pour soumettre des sujets. Il est là pour recueillir avec discernement l’information, la certifier le plus honnêtement et la faire connaître à ses partenaires en aval et en amont. Il doit le faire aussi professionnellement que possible, humainement et honnêtement. S’il faut dire au roi qu’il est nu, il doit le lui dire. S’il faut dire aux acteurs qu’ils se fourvoient, il doit avoir le courage de le leur dire en l’étayant sur des repères tangibles et identifiés. Sa parole ne doit pas être galvaudée, même si à tout moment, comme les savoirs scientifiques, elle est par définition réfutable et non pas infaillible. C’est en cela qu’un inspecteur de notre système scolaire ne peut se réduire à une posture de contremaître ou de VRP, ni même de prescripteur didactique autoritaire (à cet égard, n’oublions jamais qu’il n’existe pas de didactique d’État, univoque et intangible, mais des orientations toujours évolutives validées par les recherches universitaires).
Le second domaine important dans les missions générales des inspecteurs est sans conteste celui de l’évaluation. Celle-ci est toujours relative et reconnaît cette relativité comme consubstantielle à son objet, qui plus est quand celui-ci se rapporte à l’enseignement, à l’éducation et à la pédagogie. Elle a pour finalité de recueillir une information complexe et de la situer par rapport à des repères, ce qui permet de mettre en valeur l’objet qui est évalué : en l’occurrence le travail individuel ou collectif, ou bien l’efficacité des systèmes ou des dispositifs. Cette information doit être utile au fonctionnement du système, soit pour le conforter, soit pour l’infléchir, soit pour le remettre en question.
Enfin, le troisième domaine important dans les missions des inspecteurs pourrait se résumer à un mot souvent peu mobilisé par le ministère, mais dont l’importance est peut-être primordiale de nos jours, parce qu’il est trop souvent oublié ou négligé. Il s’agit de l’accompagnement. Un accompagnement humain et compréhensif (c’est-à-dire qui s’attache à comprendre). Un accompagnement qui se traduit dans les missions d’impulsion, d’animation et de formation, et même dans la mission d’encadrement intellectuel et administratif. Ce domaine suppose la fréquentation in situ et la proximité dans la durée. Il suppose l’empathie et l’humilité, sans renoncer à tenir son positionnement et la dignité qui lui est propre.
Reste à examiner ce que tout ce qui a été précédemment considéré entraîne sur la question de l’évaluation professionnelle des enseignants.
Trois questions doivent trouver réponse : pourquoi évaluer les enseignants ? Que faut-il évaluer ? comment peut-on évaluer ?
Pourquoi évaluer les enseignants ?
Poser cette question, c’est se demander ce qui peut légitimer le fait d’évaluer les enseignants. Le « pourquoi » se transforme en « pour quoi ». D’emblée, ici, on posera la réponse spontanée : pour contrôler. Oui, bien sûr, il y a du contrôle dans le processus d’évaluation. Mais ici, ce contrôle ne peut suffire à l’affaire. S’il est indispensable, afin de permettre à chacun de vivre l’enseignement de manière apaisée, il ne peut restreindre le processus d’évaluation à la simple vérification que ce qui est attendu est bien présent. Il y a donc une part de contrôle dans le processus d’évaluation des enseignants : pour vérifier et attester que l’enseignant n’est pas un fou qui fait n’importe quoi, seul dans sa classe avec des enfants ; pour vérifier aussi que les éléments fondamentaux de l’enseignement sont mobilisés dans la classe : les contenus, les formes de base, les obligations professionnelles propres aux enseignants… Et pour effectuer ce contrôle, dans un milieu social caractérisé par l’enfermement logistique dans une salle close, il est indispensable qu’une personne habilitée puisse entrer et voir sur place. On est dans la dimension étymologique de l’inspection.
Mais l’évaluation des enseignants doit aller au-delà de cette part de contrôle, qui doit avoir une vocation de contrôle émancipateur et non de contrôle suspicieux et déresponsabilisant. L’évaluation des enseignants, dans un système comme le nôtre, doit d’abord trouver sa légitimité dans la volonté de contribuer à l’amélioration des pratiques professionnelles enseignantes pour améliorer l’efficacité de l’enseignement. Il y a là un lien étroit avec le principe de l’éducabilité. Ce principe peut s’appliquer aux élèves, comme aux professionnels de l’enseignement. Car il est toujours possible d’aller plus loin dans la construction de son capital culturel et dans la maîtrise de sa mobilisation pour l’action. On évalue donc les enseignants pour que le fruit de cette évaluation nourrisse le progrès. C’est même l’essentiel de ce qui peut légitimer l’évaluation des enseignants après la phase initiale de contrôle émancipateur. De ce fait, l’évaluation prend une dimension formative, en ce sens qu’elle contribue à la formation professionnelle. À quoi peut bien servir d’assommer un enseignant sous un flot de reproches, si légitimés soient-ils, alors qu’après ce réquisitoire, l’enseignant se retrouvera devant les élèves dans un état psychologique et professionnel profondément dégradé ? L’inspecteur qui n’a pas ce discernement à l’esprit risque fortement de contribuer à la dégradation de l’enseignement délivré aux élèves. Or, cela ne peut en aucun cas être son but.
Est-ce pour cela qu’il ne faut rien dire des carences ou des insuffisances constatées ? Évidemment non. Mais il y faut de la mesure, du doigté et la volonté de vouloir faire progresser et non pas de stigmatiser pour écarter. Ce n’est jamais facile. C’est même très difficile. Dans cette situation, les mots sont porteurs d’une violence symbolique et psychologique qui peut être terrible et avoir des effets destructeurs, non seulement pour l’enseignant, mais aussi pour l’enseignement qu’il délivrera aux élèves après ce traumatisme professionnel toujours vécu avec une extrême sensibilité.
Rares sont les cas où l’on doit sortir immédiatement un enseignant de sa classe pour insuffisance massive ou pour mise en danger des élèves. Ces cas-là sont peut-être les plus simples à traiter.
Mais pour le commun, l’immense majorité des enseignants travaille consciencieusement. Cela n’a rien d’étonnant. Ils ont été sélectionnés sur la base d’un parcours scolaire et universitaire long, avec un concours de recrutement difficile et une période de stagiarisation qui s’est conclue par la non-titularisation des quelques lauréats insuffisants qui étaient passés entre les mailles du filet de ce système très sélectif. Les autres, c’est-à-dire la grande majorité des lauréats des concours, ont été reconnus compétents pour exercer. À partir de là, ils demeurent humains : ce ne sont pas des Dieux placés sur l’Olympe de leur légitimité académique pour l’éternité, c’est-à-dire jusqu’à l’âge de leur départ en retraite. Comme tous les humains, ils ont besoin de parfaire leurs vertus, leurs capacités. Ils ont aussi besoin de relancer leur enthousiasme initial que le temps et son usure, que la banalisation des années scolaires se succédant, peut émousser, voire anéantir. Mais ils ont aussi besoin d’un soutien moral régulier pour faire face aux inévitables déceptions, et surtout pour résister au poids des attaques dont ils sont victimes de plus en plus fréquemment dans une société qui n’a de cesse de valoriser tout ce qui est contraire à l’école : l’irrespect permanent, la défiance généralisée, le dénigrement de tout ce qui est institué, la violence physique comme juge immédiat des affaires humaines, l’amnésie permanente comme art de vivre, l’âpreté à l’argent comme seul moteur de la vie humaine, l’immédiateté frénétique comme tempo de la civilisation mercantile, et enfin le mépris de tout ce qui est intellectuel et culture, honnêteté, patience et abnégation.
Alors, dans cette optique l’inspection-évaluation doit servir d’abord et avant tout à identifier les failles qui se sont développées dans le métier de l’enseignant, sans perdre de vue ce contexte particulièrement complexe. Et elle doit viser à les colmater. Comme elle doit viser à renforcer les compétences professionnelles sur la base des progrès scientifiques et des évolutions culturelles majeures. Elle doit donc offrir des perspectives de formation continuée tout autant que proposer des conseils réalistes et donc immédiatement opérationnels.
Dans une récente tribune livrée à l’excellent site du Café pédagogique (25 avril 2013), Michel Devalay interrogeait cette inspection en prenant comme base que les inspecteurs ont pour fonction « de juger les dispositifs d’enseignement et d’apprentissage et de convenir de ce qui convient et de ce qui disconvient ». C’est bien là le paradigme traditionnel de l’inspection. Or, on sent bien sa vanité illusoire et sa pauvreté opérationnelle. On perçoit sa faible légitimité. Il y a pourtant des inspecteurs qui ne voient pas le problème posé par le principe de ce jugement académique apparemment simple. Forts de leur expérience personnelle et de leur habit institutionnel, ils viennent dans la classe dire ce qui est bien, et surtout ce qui est mal. Ils viennent voir — ce qu’ils ne voient que rarement – la leçon parfaite, la leçon modèle, celle qui correspond aux canons académiques dont ils sont les exégètes sourcilleux. Et au titre de cette épure, virtuelle tant elle est rare, ils délivrent leur sentence sur le malheureux enseignant, oubliant tout le contexte et l’essentiel de l’enjeu systémique de l’enseignement qu’ils réduisent à une étroite épure didactique. Ce schéma de fonctionnement hiérarchique est exactement le même que celui que mobilise le sergent militaire lorsqu’il fait une revue de détail dans une chambrée. Mais l’enjeu n’est pas le même. Et surtout les effets, tant pour l’enseignant en lui-même sur le plan psychologique, que pour la philosophie des rapports au savoir que cela entretient dans l’école. Le savoir devient alors un enjeu de pouvoir jaloux de sa supériorité dans un rapport de forces. La belle affaire pour notre système scolaire ! Est-ce bien ce qu’on attend de lui ? C’était peut-être le cas au XIXe siècle, voire dans la première moitié du XXe siècle… Mais aujourd’hui ?
Mais alors, que faudrait-il faire ? En premier lieu, il faudrait se débarrasser de l’illusion délétère d`être porteur d’un pouvoir de juger. Il y a des tribunaux pour cela, voire des commissions disciplinaires. Ici, il s’agit d’abord et avant tout d’évaluer pour identifier la valeur professionnelle de l’enseignant, et cela afin de contribuer à sa responsabilisation d’acteur éminent du système. Et pour cela, le premier impératif consiste à s’efforcer de comprendre l’action menée en se gardant des idées toutes faites. Il s’agit d’élucider la complexité en ne perdant jamais de vue que l’enseignement ne s’inscrit dans aucune grille intégralement standardisée, avec des normes absolues qui rendent compte de tout. Il n’y a pas de didactique officielle en France. Il y a des tendances, des dynamiques, validées plus ou moins par l’état des connaissances et par l’expérience, mais il n’y a pas de mode d’emploi officiel.
En second lieu, il n’y a aucune légitimité à évaluer la personne de l’enseignant. C’est son travail qui doit faire l’objet de l’évaluation, pas sa personnalité intime. Évidemment, le travail nourrit un lien particulier avec la personnalité. Mais il est impératif de distinguer l’un et l’autre, et se garder autant que faire se peut de cibler l’évaluation professionnelle sur la personnalité intime de l’enseignant, dans un sens comme dans l’autre. Si cela est concevable quand il s’agit du recrutement, pour écarter les personnalités en décalage manifeste avec l’enseignement, on ne peut plus s’en satisfaire par la suite dans le cadre d’une inspection ordinaire. Ou alors, on se situe dans le cadre d’une procédure exceptionnelle, consécutive à un accident de parcours manifeste, lié à un changement spectaculaire dans la personnalité d’un enseignant.
Évaluer le travail, donc, et non la personnalité, c’est d’abord vérifier sa conformité aux repères de base en tant que garants des valeurs de l’école et de la culture commune dont elle est le vecteur. Mais c’est ensuite et surtout l’engagement d’une analyse complexe des pratiques par rapport à leur finalité : les acquis des élèves, en prenant en considération le contexte local. Et aujourd’hui, l’enjeu s’oriente vers la valorisation d’un enseignement plus équitable pour une réussite plus égalitaire. Enfin, et ce n’est pas le moindre des paramètres à intégrer, il s’agit aussi d’appréhender l’action professionnelle individuelle dans sa dialectique avec l’action pédagogique collective au sein de l’école. On ne peut plus enseigner en autiste enfermé dans sa classe, tel un capitaine de navire solitaire. On enseigne dans une escadre plus ou moins nombreuse dont chaque élément partage le même cap et s’y tient en cohérence.
Et donc, pour pratiquer ce genre d’évaluation, l’inspecteur doit se contraindre à l’humilité et se garder des dérives naturelles de la toute-puissance de la parole et du statut privilégié d’observateur institutionnel. Il ne doit jamais perdre de vue qu’il n’y a pas de modélisation absolue de l’enseignement. Il est impératif d’accepter de reconnaître qu’il existe une pluralité de démarches tout aussi légitimes les unes que les autres. Deux critères doivent permettre de s’y retrouver : la réussite égalitaire des élèves dans les apprentissages en jeu, tout autant que l’ambition de ces apprentissages.
Cette évaluation ne peut s’effectuer sans une observation in situ, enrichie d’une prise en considération des informations pédagogiques tangibles et documentées disponibles dans la classe et dans l’établissement. Mais cela ne suffit pas. Il est indispensable que cette évaluation intègre un dialogue interactif et respectueux dans le cadre d’un entretien professionnel consistant. Cet entretien est tout aussi important que l’observation dans l’action. Il permet d’élucider des tensions et des dynamiques que l’observation ne peut pas ou n’a pas pu repérer ou comprendre. Il faut donc se donner le temps de ce dialogue.
Si l’on veut que cette évaluation soit aussi formative que possible, elle doit proposer des possibilités d’évolution des pratiques en termes de conseils concrets dans leur applicabilité. À cet égard, on doit se garder des conseils si généraux et virtuels qu’ils n’apportent rien sinon de l’angoisse ou de l’incompréhension à celui qui les reçoit.
Enfin, l’évaluation doit à chaque fois que cela est possible intégrer la classe dans le contexte de l’établissement scolaire et le travail de l’enseignant dans le cadre d’un travail en équipe pédagogique aussi élargie et réelle que possible. Ce qui devrait inclure l’inspecteur lui-même, en tant qu’acteur du système éducatif de proximité. Cela signifie que l’inspecteur devrait pouvoir venir souvent dans l’établissement pour contribuer à sa vie, en tant qu’accompagnateur éminent, représentant l’institution à l’échelon de l’académie, mais les pieds… sur terre. Pour cela, il faut que la gouvernance académique lui laisse le temps de cette dimension indispensable de son professionnalisme.
Pour un sens partagé de l’inspection pédagogique
Quoi qu’il en soit — et cela, j’en suis intimement persuadé —, il n’y aura pas de vraie refondation de l’inspection pédagogique sans un dialogue approfondi entre le ministère, les organisations syndicales concernées (inspecteurs, personnels de direction et enseignants) et les associations de parents d’élèves représentatives. Car il s’agit avant tout de redonner du sens à une institution qui n’en a plus pour la majorité de ses acteurs et de partager le plus largement possible la légitimité de ce sens. Or ce dialogue n’a encore jamais été organisé sur cette question pourtant essentielle.
On ne peut que le déplorer et appeler fortement à ce que ce dialogue civique, démocratique et républicain ait lieu. Sans cet effort — car c’en est un pour nos esprits traditionalistes —, toute idée de refondation du système risque de se perdre dans les brumes des bonnes intentions perdues. On peut éviter ce qui serait alors un vrai gâchis. Pourquoi ne pas l’essayer ?