L’école primaire est une compétence de base de la commune. On parle d’ailleurs de l’école communale et cette dernière reste au cœur de la vie municipale.
Depuis le 19éme siècle et la loi Guizot de juin 1833 les communes ont la charge des écoles primaires qu’elles ont l’obligation de créer et d’entretenir. C’était à l’époque une obligation « matérielle »alors que l’enseignement relevait de l’état.
Cette répartition des compétences reste encore aujourd’hui largement d’actualité, rappelé dans le code de l’éducation « la commune a en charge les écoles publiques. Elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, les réparations, l’équipement et le fonctionnement. »
Ce premier périmètre peut être complété par l’autorisation accordée aux communes à « organiser des activités éducatives culturelles et sportives facultatives et complémentaires au service public obligatoire ».
C’est dans ce cadre que de nombreuses évolutions ont permis aux communes d’investir dans leurs écoles , débordant du cadre strict fixé par la loi ou le code de l’éducation accentuant d’ailleurs le sentiment des inégalités éducatives territoriales. Les organisations de parents d’élèves relèvent très souvent, dans les débats publics, la montée de ces inégalités.
La création des politiques éducatives locales à travers le développement des CEL (1998) et des PEG comme à Lille en 2005 a participé largement à ce mouvement alors que de nombreux services complémentaires, demandés par les parents, s’organisaient : restauration scolaire, transports, études dirigés, garderie, accompagnement à la scolarité ou même activités de loisirs…
C’est dire si globalement le poids des communes dans la dépense intérieure d’éducation du primaire(environ 16 milliards sur 40milliards) a eu tendance ces dernières années à se développer, certes de manière différente, dans les 48000 écoles publiques du pays.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Là où les régions en nombre limité gèrent les lycées, là où les départements ont la compétence collège, plus de 25000 communes ou regroupement de communes s’occupent au quotidien de plus de 6 ,7 millions d’élèves. C’est dire si l’émiettement des politiques éducatives locales est naturellement de mise, accentué par les disparités géographiques, démographiques, financières et disons- le politiques.
Les inégalités scolaires sont souvent mesurées dans un rapport de 1 à 10 , entre une commune désireuse ou pouvant investir durablement dans les écoles de son ressort et celle qui fera, par volonté ou par manque de moyens le minimum vital, quitte à souhaiter la fermeture de l’école au titre d’un regroupement intercommunal à la mode…
Si l’école publique reste gratuite, principe constitutionnel oblige, l’engagement communal, très variable, lié aux dépenses obligatoires (entretien..) et facultatives (projet éducatif..) génère donc inévitablement des iniquités redoutables.
C’est dans ce contexte que la loi sur la refondation de l’école a un rôle majeur à jouer.
Tout le débat autour de la réforme des rythmes a ainsi mis en évidence la question majeure du financement, en fonctionnement et en investissement, des collectivités pour les écoles.
Au titre des obligations fixées par la loi, les communes financent déjà les personnels ATSEM dans les écoles maternelles, les fournitures scolaires (le budget peut varier du simple au double en fonction des communes) et l’équipement informatique dans des proportions extrêmement variables notamment sur les TIC. Il suffit de se rendre dans les écoles pour constater d’une ville à une autre, d’une commune à une autre, les disparités sur ce point précis.
Le volet de la loi sur le numérique à l’école, qui est passé un peu inaperçu, ambitionne de mobiliser de nombreuses ressources pour équiper les écoles et créer des contenus et des usages dignes du 21éme siècle. Il devra évidemment être à la hauteur des ambitions affichées notamment sur le soutien aux collectivités pour financer les équipements attendus par les enseignants, les élèves et leurs parents.
Pourtant le parc informatique et la question de sa maintenance restent deux sujets sensibles alors que les programmes scolaires visent au développement des TIC via le B2i par exemple ou des nouvelles méthodes d’apprentissages avec les tableaux blancs interactifs.
Le dernier grand plan d’investissement (une quinzaine depuis les années 70) date de plus de 15 ans, les salles informatiques ont vieilli, les ordinateurs n’ont pas été, faute d’argent, renouvelé et les emplois jeunes sont partis avec l’extinction des contrats. Il était temps d’agir pour éviter que la fracture numérique ne s’amplifie.
Cet exemple parmi d’autres illustre le retard d’investissement pris pour les écoles quand les régions et les départements investissaient massivement dans les locaux, les équipements informatiques et initient pour quelques-uns d’entre eux des programmes éducatifs départementaux comme dans le département du Nord.
Il illustre aussi l’extraordinaire difficulté de la mobilisation des communes pour accompagner la réforme des rythmes puisque la grande majorité d’entre elles ont souhaité prendre le temps et repousser son application en septembre 2014.
Le décret qui fixe une nouvelle obligation aux communes, offrir un service périscolaire jusqu’ à 16h30 journée scolaire raccourcie oblige, bouleverse le cadre établi et impose aux collectivités au minimum de revoir leur offre périscolaire et péri éducative.
C’est aussi et surtout la chance de créer demain de nouvelles conditions de vie et d’apprentissages dans toutes les écoles au bénéfice des élèves et des enfants, sur tous les temps de la journée.
Il a mis sur le devant de la scène le poids nouveau des communes qui souhaitent intervenir non pas simplement sur le temps mais aussi et surtout sur les contenus permettant de considérer toute la semaine et toutes les journées passées à l’école.
Cet objectif qualitatif ne pourra être décliné que dans la mise en œuvre, pour l’instant de manière non obligatoire, des projets éducatifs de territoire qui donneront le cap des politiques éducatives communales.
Il supposera là encore la mobilisation de moyens importants des collectivités, l’aide de l’état (pour l’instant à hauteur de 250 millions d’euros), de la CNAF, tout en souhaitant que les familles ne soient pas mises à contribution.
C’est dire si le paysage éducatif local est en passe de changer durablement.
La réforme des rythmes en cours, qui va demander du temps, de l’intelligence collective et du courage politique, éclaire d’un jour nouveau le rôle majeur des collectivités dans le lien historique qu’elles ont avec l’école communale.
Une nouvelle page est en train de s’écrire. Elle devrait permettre aussi de réduire les inégalités éducatives territoriales.