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résumé
• L’expression école inclusive tend à remplacer le terme intégration pour désigner la scolarité des élèves à besoins particuliers dans les écoles ordinaires.
Nous proposons dans ce texte une analyse qui prendra appui sur l’évolution constatée aux États-Unis, pour mieux comprendre les raisons de l’émergence d’un nouveau terme et les avantages qu’il y aurait à l’adopter. Nous montrerons notamment l’intérêt de pouvoir nommer, sous le terme d’école inclusive, des pratiques qui permettent de scolariser différemment, dans une école pour tous, des enfants et adolescents, quels que soient leur handicap ou leurs difficultés, et de dépasser ainsi les limites de l’intégration.
• EHDAA, ségrégation, école inclusive, intégration scolaire, besoins éducatifs.
Introduction
Depuis maintenant plus de 30 ans, l’intégration scolaire est une réalité au Québec cependant, après un développement rapide de l’intégration dans les années 1970-1980, on assiste actuellement à une stagnation, et de nombreux enfants et adolescents sont encore exclus d’une scolarité ordinaire. S’ils ont pu franchir les portes des écoles, ils sont accueillis dans des classes spéciales, voire dans une école spéciale, au sein d’un établissement ordinaire. Le plus souvent, ces enfants exclus présentent de grandes difficultés d’apprentissage, un handicap mental ou des problèmes de comportement. Par ailleurs, la difficulté à intégrer semble proportionnelle à l’âge, puisque beaucoup d’enfants intégrés au primaire ne le sont plus au secondaire.
La plupart des pays occidentaux rencontrent des difficultés similaires (France, Angleterre, Espagne, États-Unis, etc.), ce qui peut conduire à penser que l’on a atteint les limites de l’intégration, celle-ci ne pouvant plus se mettre en place lorsque l’écart entre le niveau des classes et celui des enfants intégrés devient trop grand. Il serait alors possible d’en rester là, l’effort d’intégration ayant été fait là pour ceux pour qui il était pertinent de le faire. Pour les autres, une éducation spéciale répondrait au mieux à leurs besoins trop particuliers pour être pris en charge par l’école ordinaire. Le terrain oppose ainsi la preuve des faits à une politique qui appuie toujours le développement de l’intégration.
Pourtant, comme nous le verrons plus loin, un certain nombre de travaux de recherche défendent un point de vue contraire. Ils soutiennent que la plupart des enfants et adolescents, quels que soient leurs difficultés ou leur âge, trouvent avantage à être scolarisés en milieu ordinaire. Leur argumentation s’appuie avant tout sur des principes démocratiques et humanistes, qui ne permettent pas l’exclusion des enfants différents des lieux communs comme l’école, pour des raisons de handicap ou de difficulté.
C’est dans ce but que certains tentent de modifier l’école ordinaire pour la rendre inclusive ; autrement dit, pour qu’elle soit prête à répondre aux besoins de tous les élèves, sans pour cela imposer une organisation différente à ceux qui ont des besoins éducatifs particuliers. Nous appelons besoins éducatifs particuliers (special educational needs), les besoins d’élèves qui, lorsque les pratiques d’intégration scolaire ne sont pas mises en place, les conduisent vers des dispositifs ségrégatifs (Whitworth, 1999).
Ce terme rassemble donc les élèves ayant besoin d’une adaptation de l’enseignement, du fait d’une déficience (motrice, sensorielle), d’un trouble ou d’un retard mental mais aussi, plus généralement, tout élève qui, du fait de ses difficultés, peut se trouver exclu des parcours ordinaires de scolarisation.
Après avoir étudié les grandes périodes de la mise en place de l’intégration dans les écoles, nous tenterons de mieux comprendre les raisons des lenteurs et blocages actuels de l’intégration. L’examen des arguments des promoteurs de l’école inclusive nous amènera à constater que l’existence de ce type d’école ne constitue pas une évolution vers plus d’intégration, mais suppose un changement de point de vue permettant de répondre aux besoins éducatifs particuliers dans le fonctionnement ordinaire de l’établissement scolaire, et cela quels que soient la nature de ces besoins et le niveau académique des enfants concernés.
Enfin, dans la dernière partie de cet article, nous envisagerons, d’une manière plus prospective, la pertinence de la mise en œuvre de l’école inclusive dans le cadre des évolutions actuelles de l’école québécoise.