PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Souvent, quand on est responsable politique, petit ou grand, et que l’on veut ou que l’on prétend changer le domaine éducatif, on se demande quelles sont les valeurs qui peuvent ou qui doivent présider aux principes de cette intervention, sachant que l’on est peu ou prou en charge du bien commun. On cherche alors à s’appuyer sur un ensemble de valeurs ou à se justifier par elles.
Pour notre part, nous pensons que l’éthique de l’éducation doit se référer aux quatre principes suivants :

  1. Arrêter de favoriser ceux qui ont plus.
  2. Faire en sorte que ceux qui ont plus aient moins.
  3. Faire en sorte que ceux qui ont moins aient plus.
  4. Arrêter de défavoriser ceux qui ont moins.

Autrement dit toute réforme ou tout investissement en matière d’éducation doivent se poser ces questions pour être considérés comme "justes", du point de vue de l’intérêt collectif dont le politique est la garant : ces principes sont-ils respectés, favorisés ou, au contraire, sont-ils contrariés, voire bafoués ? Il est clair que notre positionnement s’inscrit dans l’équité et non dans l’égalité, fût-elle républicaine. Sachant que l’égalité s’est avérée souvent contraire à l’équité. Il ne s’agit pas, en effet, que tout le monde ait les mêmes droits, mais que tout le monde aient les mêmes possibilités en intégrant les inégalités de fait. Déclinons ces principes en nous appuyant sur quelques exemples.

Quand la Cour des Comptes montre que les établissements parisiens disposent de moyens délivrés par l’État beaucoup plus considérables que ceux de la banlieue, il n’est pas besoin d’être grand clerc pour parler d’injustice. Quand les résultats des admis aux grandes écoles privées ou publiques, fleurons de l’institution scolaire française, notamment par l’intermédiaire des classes préparatoires, continuent à entériner la reproduction, il n’y a pas à s’interroger sur le fait que l’argent de l’État va d’abord aux plus favorisés en matière d’éducation.

  • Faire en sorte que ceux qui ont plus aient moins.

Ici, il faut bien le dire, nous manquons d’exemples… Précisément parce que le fonctionnement actuel va plutôt dans le sens du principe précédent. Ainsi, des politiques comme celles de la demi-part d’impôts pour les étudiants, quels que soient les revenus, ou de la diminution d’impôts suite aux cours particuliers par le moyen du Chèque Emploi Service Universel, ne font qu’aller à l’encontre de ce principe, même sous un affichage de générosité.

  • Faire en sorte que ceux qui aient moins aient plus.

Les politiques dites de compensation s’inscrivent souvent dans cette logique. Qu’il s’agisse des RASED, des ZEP, des internats d’excellence, des heures de soutien ou de dispositifs de ce type, on voit bien que l’optique est la même : compenser, au moins pour certains, la discrimination négative dont ils sont victimes. Faire un peu plus pour qu’ils aient un peu moins de moins. Chacun sait que les moyens et les résultats de ces dispositifs sont sujets à réussite et à discussions.

  • Arrêter de défavoriser ceux qui ont moins.

Évidemment il est délicat d’afficher vouloir favoriser un tel principe… Il n’empêche. Tout ce qui ôte des moyens, même compensatoires, aux zones défavorisées par exemple, ne peut que contrecarrer ce principe. Créer des filières nouvelles, dévalorisées institutionnellement, sert de poudre aux yeux pour contrebalancer les inégalités de fait. Envoyer systématiquement les personnels les plus jeunes encadrer ces enfants et ces jeunes ne fait que renforcer le mécanisme de dévalorisation.

Seulement, nous dira-t-on, quatre principes, n’est-ce pas trop ou, tout au moins, vont-ils tous dans le même sens ? Dès lors que les principes sont pluriels, quelle hiérarchie faut-il respecter ? Nous aurions tendance à dire que tout dépend de la société dans laquelle nous vivons. Plus la société est de fait inégalitaire (même sous des proclamations inverses) et plus la hiérarchie des principes se doit d’aller du premier au dernier.

L’enjeu actuel est bien de confronter toute réforme ou tout investissement éducatifs à l’aune du premier principe. Il s’agit bien, en tout premier lieu, d’arrêter de donner plus à ceux qui ont plus. Puis de donner moins à ceux qui ont plus. C’est là que se dégagent les instruments et les moyens d’action. Ce n’est pas d’abord de vouloir "sauver" ceux qui ont moins. On ne trouvera les marges de man?uvre qu’en inversant la logique en place qui est de favoriser, sous couvert d’égalité, ceux qui ont plus et de faire "un petit quelque chose" médiatiquement favorisé pour ceux qui ont moins, ou plutôt pour une petite frange de ceux qui ont moins.

En second lieu, il s’agit aussi de ne pas oublier que toute mesure s’inscrit dans un fonctionnement systémique. Et que ce mécanisme devient pervers quand, au nom d’un principe supérieur, on en vient à accentuer la négativité d’un principe inférieur. Ce qui signifie que tout changement doit être jugé en tout premier lieu au regard de ce qu’il produit sur les principes inférieurs. Prenons quelques exemples fort actuels : l’assouplissement de la carte scolaire, les internats d’excellence et les réseaux qui lient les lycées de zones défavorisées aux établissements d’élite répondent bien au troisième principe (donner plus à ceux qui ont moins), mais ils ne font qu’accentuer les dommages du quatrième principe (arrêter de donner moins à ceux qui ont moins), puisque, pour " sauver " les meilleurs élèves des zones défavorisées, ils laissent la majeure partie des jeunes de ces zones encore plus démunis.

Une éthique du changement en éducation et quatre principes à respecter. Et un principe des principes : ne juger de l’opportunité morale d’une réforme ou d’un investissement que s’il permet, en tout premier lieu, d’arrêter de défavoriser ceux qui ont moins. Ce qui requiert beaucoup de courage… Les politiques n’en auraient-ils pas ?

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