In Vous Nous Ils – L’e-mag de l’éducation – le 22 mars 2013 :
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Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France (AMF) et député-maire (UMP) de Lons-le-Saunier (Jura), estime que la majorité des villes ont besoin de plus de temps pour aménager les rythmes scolaires.
Ne trouvez-vous pas ambigu que des villes de gauche, comme Lille , Lyon, Strasbourg ou Montpellier, qui soutiennent la réforme des rythmes scolaires, décident de reporter son application à 2014 ?
Non, je pense vraiment que ce sujet dépasse les clivages politiques. Les maires regardent avant tout l’intérêt pour leurs écoles et la possibilité qui leur est donnée d’installer un service public de l’éducation de qualité dans de bonnes conditions. Or il y a une concertation à mener en profondeur avec les enseignants, les parents d’élèves, les ATSEM, les associations culturelles et sportives. Aussi bien sur le choix de l’école le mercredi ou le samedi matin, que sur le projet éducatif territorial, la durée de la pause méridienne… Cela prend du temps ! Je l’avais déjà dit à Xavier Darcos lorsqu’il a instauré la semaine de 4 jours et je l’ai redit à Vincent Peillon : la précipitation n’est pas la bienvenue.
Pourtant Paris, Grenoble ou Nantes ont annoncé qu’elles seront prêtes dès la rentrée prochaine… Comment est-ce possible quand la plupart des grandes villes assurent ne pas être en capacité de le faire ?
Je ne connais pas précisément l’organisation de l’école dans toutes ces villes mais sûrement y avait-il déjà des activités périscolaires. Quand les moyens existent et qu’il s’agit juste de les redéployer, c’est beaucoup plus simple. Mais je le redis, sans concertation, c’est mission impossible.
Pourquoi un tel attentisme des communes alors qu’un fonds de compensation est prévu ? A quelles difficultés les maires sont-ils confrontés ?
La première des difficultés est budgétaire. Le ministère de l’Education nationale nous annonce un fonds d’amorçage de 250 millions d’euros pour inciter les communes à se lancer dès la rentrée de septembre 2013. Cette enveloppe est dérisoire quand on sait que la mise en place de la réforme coûtera environ 600 millions d’euros pour la France entière. Dans les zones rurales, les élus me font part de leurs grands difficultés à recruter du personnel qualifié pour assurer le périscolaire sur des temps très partiels. Et puis ils sont confrontés au problème du manque de locaux et de matériel pour organiser ce périscolaire.
Les intérêts électoraux, avec les municipales en mars 2014, ne sont-ils pas en train de primer sur ceux des élèves ?
Je ne le crois pas, ce n’est pas une affaire de clivage politique. L’AMF est une association pluraliste : si la semaine de quatre jours et demi est bonne pour l’épanouissement des élèves et la pédagogie, alors nous y sommes favorables. D’ailleurs toute la concertation avant les municipales concerne moins le décret en lui-même que sa date d’application. Ce n’est donc pas un enjeu pour les municipales. Je connais d’ailleurs plusieurs villes de droite, comme Arras et Bourges, qui ont décidé d’appliquer la réforme dès 2013…
Pourquoi avez-vous opté pour le report dans votre ville ?
J’ai tenu à ce que cela fasse l’objet d’une délibération en conseil municipal. Le report a été voté à l’unanimité, moins une abstention. Preuve que le débat est « transcourant », l’opposition communiste de ma ville a voté favorablement, avec l’UMP, à l’application de la réforme en 2014. Tandis que la seule élue à s’être abstenue est socialiste.
Que s’est-il passé pour que la réforme devienne aussi polémique, alors que tout le monde, y compris les enseignants, semblait d’accord lors de la « grande concertation » pour alléger la journée d’école ?
Les maires et les enseignants attendaient une réforme globale. Au lieu de cela, Vincent Peillon a fait des annonces émiettées et traité le sujet de manière parcellaire, en évoquant d’abord l’organisation de la semaine d’école, puis de la journée et enfin dernièrement de l’année avec le raccourcissement des vacances d’été. Et puis, il ne faut pas le nier, il y a un peu de corporatisme de la part des enseignants. Je me souviens notamment avoir vu des banderoles « touche pas à mon mercredi » lors de la manifestation du 12 février à Paris. Ce qui doit nous guider c’est l’intérêt des enfants. S’il est bénéfique de repasser à 4,5 jours, alors faisons-le… en 2014 !
Charles Centofanti