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Dans une école du 3ème type, le problème des rythmes de l’enfant n’est pas un problème !
Pour comprendre pourquoi le problème des rythmes biologiques de l’enfant n’est pas un problème dans l’école du 3ème type, il faut se rappeler ce que j’ai déjà évoqué précédemment. La source des activités est l’enfant. Il est autant la source de ses apprentissages qu’il en est l’auteur. L’école du 3ème type est donc fondée sur les projets des enfants qui s’y réalisent dans un espace et un environnement spécifiques favorables à l’utilisation de langages plus particuliers que dans la famille. Ces projets et les activités qu’ils induisent font, et la vie de l’enfant, et la vie de l’entité école.
C’est le temps de l’enfant qui n’est propre qu’à lui, qui va donc s’inscrire dans le temps scolaire, qui va moduler le temps scolaire. Je dirais même qu’une partie du temps de l’enfant va se poursuivre dans le temps scolaire parce qu’il est évident que ce n’est pas une seconde courbe qui va débuter dès le passage des grilles et le retentissement des sonneries. Biologiquement, affectivement et cognitivement, l’école ne peut être une rupture du temps de l’enfant.
Cette continuité, nous la retrouvons dans ce qui alimente le système vivant d’une école du 3ème type. La source des projets est dans la vie-même de l’enfant.
Reprenons l’anecdote de l’orage utilisée dans une chronique précédente et qui peut nous servir de fil conducteur. Dans cet exemple, la source du besoin, de l’envie, donc du projet s’il en résulte un projet, se situe bien hors de l’école, dans les événements de la vie de l’enfant et dans son affect.
Si cet orage provoque, à un moment ou à un autre, une activité dans le temps scolaire, celle-ci sera dans la continuité de la vie de l’enfant et s’inscrira naturellement dans son propre temps biologique, affectif et cognitif. Il choisira le temps du prolongement.
A l’inverse, si l’école réussit par exemple à enclencher le désir et le plaisir d’écrire, le temps de l’acte d’écrire peut se situer à n’importe quel moment de la vie de l’enfant que ce soit dans l’école ou hors de l’école. C’est en prenant un bain ou en faisant la sieste sous un pommier que les neurones d’un Archimède ou d’un Newton se sont mis en branle !
Lorsque l’on parle de rythmes de l’enfant, il faut bien les situer dans la continuité et l’unicité de sa vie.
Dans ma classe unique, le seul temps collectif institutionnalisé était celui de la réunion. Par tâtonnement nous l’avions placé aux alentours de 10H30. Comme par hasard, je me suis aperçu ensuite que c’était une des plages déterminées par Hubert MONTAGNER correspondant aux moments où un ensemble d’enfants peut être plus attentif et plus réceptif, plus à l’écoute des autres.
Si l’ouverture de l’école était officiellement à 9 heures, rien n’empêchait les enfants d’arriver avant ou après. Seul le temps de la sortie ne pouvait avoir lieu avant 16H30 sauf demande des parents. Mais les enfants pouvaient y rester autant qu’ils le voulaient, revenir le mercredi ou le samedi, y compris pendant les vacances. Il y avait toujours quelqu’un qui avait à y faire, seul ou avec d’autres. On n’arrivait plus tellement à savoir quand il y avait école, quand il n’y avait pas école !
Il faut bien comprendre que l’école était d’abord et avant tout un lieu de vie où l’on était chez soi, où l’on pouvait se sentir bien, y faire ce que l’on ne pouvait pas faire ailleurs. Que tout ce que les enfants pouvaient y faire débouche sur le développement de tous leurs langages, c’était mon affaire de professionnel. Le tout était qu’ils puissent y vivre et y faire. Que l’école fasse naturellement partie de leur vie.
En rentrant à l’école, les enfants y amenaient aussi le temps précédent de leur vie, s’installaient dans leur maison qu’ils avaient quittée la veille en y retrouvant ce qu’ils avaient entrepris ou en prolongeant ce qui était entrepris par ailleurs. Ils y poursuivaient leur vie dans la sinusoïde de leur temps.
Clément pendant longtemps n’arrivait à l’école que vers 9H30 ou 10 heures et il lui fallait une bonne demi-heure pour se mettre tranquillement en activité. Pour s’éveiller. Et puis vers huit ou neuf ans, je le trouvais régulièrement à l’école bien avant 9 heures. C’était le moment où il aimait s’installer, reprendre possession des lieux, faire quelque chose et peut-être profiter de ma plus grande disponibilité. Sébastien et Arnaud ne rentraient jamais sans être allés faire un tour dans le jardin. La bande des petits avait besoin de se retrouver tous les matins, serrés dans leur coin à discuter de tout ou de rien avant de faire quoi que ce soit. Pourquoi était-ce tous les matins vers 10 heures que je trouvais Dimitri réfugié dans le coin lecture, alors qu’il n’aimait pas trop la lecture ? Pourquoi était-ce en début d’après-midi que je retrouvais régulièrement Olivier plongé dans des travaux mathématiques ou dans des créations avec le logo de Seymour PAPERT ? Qu’est-ce qui faisait que les ateliers bricolages étaient très utilisés avant 10 heures et l’atelier marionnettes plus souvent occupé après la réunion ? Qu’Emilie avait toujours quelque chose à écrire vers 11 heures alors que Mathilde aimait rester après 16H30 pour peaufiner ses poèmes à l’ordinateur ? Pourquoi tel autre aimait peindre après la classe alors que tel autre préférait débuter sa journée par une peinture ?
La vie de chacun dans la classe était marquée par les rituels de son propre temps.
Tout cela n’avait aucune importance quant au déroulement des activités de chacun comme dans le déroulement de l’activité collective puisque c’étaient ces activités qui modulaient le temps scolaire et que ce n’était pas à l’inverse le découpage du temps scolaire qui modulait l’activité. Les rythmes biologiques sont aussi intimement mêlés à ce que l’on peut appeler les rythmes cognitifs. C’est ce que prend en compte tout système vivant et nous considérons que l’école doit être un système vivant… pour que les autres systèmes vivants que sont les enfants s’y développent.
Lorsque pour une raison qui échappe à la raison je sentais qu’il y avait de la tension dans l’espace, quelle que soit l’heure nous sortions. Et nous allions ou décharger l’énergie ou s’alimenter en énergie dans une partie de ballon prisonnier ou dans une ballade. Cette dernière que nous pratiquions souvent n’avait pas forcément un but pédagogique précis. C’était un moment à vivre ensemble différemment, à détendre ou à renouer des relations. Mais nous en revenions toujours avec de nouvelles envies, de nouveaux projets, de nouvelles forces. Le temps de chacun dépend aussi de l’espace où il se déroule.
Et justement, à propos d’espace, il est indispensable que celui mis à disposition des enfants puisse permettre les temps de repos, de délassement, d’isolement. Ces temps n’étant pas les mêmes pour tous. Comment pouvoir penser que ces moments faisant partie du rythme biologique des êtres vivants puissent se réaliser dans une promiscuité constante et prégnante ? Le jardin et sa mare faisaient partie de ces espaces qui doivent permettre aux différents rythmes de se réaliser. Il faudra que les écoles cessent d’être une stabulation et deviennent de vraies maisons.
Vous comprenez que le problème des rythmes, s’il veut être réglé un jour, dépend entièrement de la conception que l’on a de l’école et de ses finalités. Les chronobiologistes plus que les pédagogues seront peut-être ceux qui finiront par faire prendre conscience que notre école et notre société.
Posté par bernard_collot à 09:24 – Chroniques : les langages – Commentaires [5] – Permalien [#]
Tags : rythmes, réforme