PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Regards sur le numérique :

Accéder au site source de notre article.


Suivre et apprendre un cours en ligne, une expérience que vous avez peut-être déjà tentée ? En l’espace de quelques années, Internet a multiplié les possibilités d’apprendre à distance. À l’heure où le gouvernement veut refonder l’école, l’enseignement en ligne s’impose comme un nouvel usage à prendre en considération. 
 
Souvent perçu comme un outil permettant un meilleur apprentissage, l’e-learning fait désormais partie de la palette pédagogique, mais certains craignent de voir les professeurs remplacés par des écrans. L’e-learning est-t-il donc l’avenir de l’éducation ?
 
Pour répondre à cette question, nous avons contacté quinze experts dont vous pouvez retrouver les contributions ici avant de découvrir notre synthèse ci-dessous.

> Les vertus de l’e-learning

Finis la classe, les cahiers et les tableaux, l’e-learning offre de nouvelles possibilités : outre le suivi personnalisé de l’enseignement et donc l’adaptation à chaque élève et à chaque situation, l’e-learning permettrait donc de développer de nouvelles méthodes interactives et ludiques, souvent plus attractives pour les plus jeunes. Il permet aussi de répéter une leçon autant de fois que nécessaire jusqu’à ce que celle-ci devienne un automatisme. Tout en travaillant éventuellement de manière collaborative. L’e-learning est donc potentiellement un facteur d’égalité comme l’explique Yves Rome, Sénateur et président du Conseil général de l’Oise :
« Comme ailleurs, l’informatique a fait sortir l’enseignement du taylorisme, a libéré les enseignants de la nécessité de répéter chaque année les mêmes choses et leur a permis d’accéder à des fonctions plus intéressantes. »
 Mais les changements concernent également le corps enseignant dont la fonction tend à se modifier. Si les connaissances sont déjà en ligne comme l’explique Gilles Dowek, chercheur à l’INRIA, le professeur peut désormais se libérer de tâches répétitives
« Déjà source d’information de tous les instants, l’outil numérique est riche de potentiels, notamment pédagogiques. Il est donc essentiel de permettre aux enseignants et à leurs élèves de se l’approprier pour bénéficier pleinement de tous ses atouts ».
Mais ce ne sont pas les outils de l’e-learning qui ont fait progresser l’apprentissage, comme le souligne Bernard Blandin. Ce sont les différents parcours qu’il permet :
« Si les technologies numériques ont parfois un effet positif sur les résultats d’apprentissage, il n’est pas dû aux technologies elles-mêmes, mais à l’enrichissement des modalités d’apprentissage, à l’individualisation des rythmes et des parcours, aux échanges entre pairs qu’elles permettent ».
L’e-learning permet également de créer des communautés d’intérêt essentielles à l’apprentissage de chacun :
« Elle verra croître l’importance de l’expertise distribuée autour de réseaux d’échange en peer to peer et de communautés de makers partageant leurs savoir-faire » explique Nils Aziosmanoff, président du Cube, centre de création numérique.

> L’e-learning, sujet de recherche

Et ce n’est pas tout, l’e-learning, comme l’explique Hubert Guillaud, rédacteur en chef d’InternetActu et journaliste, nous éclaire sur la manière dont on apprend :
« L’évaluation itérative mesure la manière dont le système permet à l’élève d’apprendre […]. La révolution technologique dans l’éducation n’est ni technologique ni éducative, elle est avant tout cognitive. Et c’est en cela qu’elle bouleverse l’éducation comme on l’a toujours conçue. »
Il est donc nécessaire de former une communauté de chercheurs dans le domaine afin d’analyser ces évolutions, un appel lancé par Bernard Stiegler, philosophe, directeur de l’Institut de recherche et d’innovation (IRI) au sein du centre Georges-Pompidou :
 
« Enfin, il n’est pas possible d’attendre les résultats de tels programmes pour intégrer dans le monde scolaire les pratiques sociales déjà très implantées. Mais il faut les accompagner de démarches scientifiques transdisciplinaires en mettant en œuvre des méthodes de recherche action actualisées dans le contexte numérique, ce qui devrait conduire à des programmes de recherche  que nous dirons contributifs. »

> E-learning & concurrence

Les experts ne s’arrêtent pas là. Dans un contexte de concurrence internationale, l’Europe et la France ne doivent pas se laisser distancer par des pays comme les Etats-Unis, dont les plus grandes universités mettent désormais leurs cours en ligne pour des sommes « abordables », voire même gratuitement à l’image d’edX né du partenariat entre l’université de Stanford et le Massachussetts Institute of Technology (MIT), ou encore Coursera regroupant Princeton, l’Université de Pennsylvanie et l’Université du Michigan :
« L’Amérique propose. L’Asie suit. L’Europe s’interroge. Le MOOC (Massive Open Online Course) est une opportunité à saisir » précise Sophie Touzé, ingénieure de Recherche e-learning dans l’Enseignement Supérieur, engagée aux côtés du MIT pour l’Open Education, et experte auprès des Ministères.
L’e-learning offre donc la possibilité à quiconque de se former où il veut. Une solution prisée des salariés qui peuvent ainsi adapter leurs besoins à leur agenda professionnel. Comme le rappelle Michel Diaz, Directeur associé de Féfaur , premier cabinet d’études et de conseil e-learning indépendant sur le marché français et l’un des leaders européens, l’e-learning permet aux salariés de développer leurs compétences via des formations mixtes et ainsi, de s’adapter aux impératifs économiques d’aujourd’hui, tout en restant compétitif. 
 
Pour autant, l’e-learning dans le cadre de formation professionnelle n’est pas adapté à tout le monde comme le souligne Jean Frayssinhes, docteur en Sciences de l’Education et chercheur à l’Université de Toulouse le Mirail :
« L’e-learning est un terme générique qui ne dit rien de la pédagogie, des contenus et des modalités d’apprentissage utilisées, ensuite, nous savons que les taux d’échec et d’abandons sont plus élevés en e-learning qu’en présentiel. »

> « Ne pas oublier l’humain »

Mais l’e-learning a également d’autres limites : il nécessite entre autres que l’ensemble du territoire soit connecté et bénéficie du haut débit. De plus, les méthodes d’enseignement en ligne ne sont pas adaptées à tous les élèves :
« L’e-learning valorise certaines formes sur d’autres, les élèves les plus autonomes, les enseignements dont les acquis peuvent être validés par des exercices simples et progressifs et ceux qu’on peut le plus facilement mesurer. Ce qui ne représente pas toute la palette éducative. »
Un avis que partage Jean-Michel Fourgous, ancien député des Yvelines, et auteur du rapport « Apprendre autrement à l’ère numérique : » 
« Le risque est d’accentuer les inégalités entre les étudiants et de favoriser ceux issus des milieux les plus favorisés qui possèdent ces « compétences de base. »
 
Autre limite majeure de l’’e-learning : il ne peut en aucun cas devenir une alternative au présentiel, notamment dans l’enseignement supérieur qui nécessite des professeurs de haut niveau et des compétences plus facilement transmissibles lors d’une relation professeur/élève dans une salle de classe :
« L’e-learning  est devenu un lieu commun qui fait oublier un élément essentiel : ce que c’est qu’apprendre, en particulier à l’université » explique Bruno Duvauchelle, formateur-chercheur au Centre d’études pédagogiques sur l’expérimentation et le conseil. 
Ce à quoi Serge Soudoplatoff, enseignant, chercheur, entrepreneur, responsable de la rubrique politique2.0 à Fondapol, ajoute :
« Rien ne remplace un bon enseignant. La formation de haut niveau nécessite des professeurs de grande qualité et des interactions proches. »
L’e-learning doit donc s’appréhender comme un outil dont il est impératif que les méthodes, adaptées à l’apprentissage à distance, se conjugue avec un enseignement en classe, et une relation humaine. Comme l’explique François-Afif Benthanane, fondateur de la Web@cadémie
« L’éducation reste avant tout une affaire d’échanges interpersonnels. La qualité des relations humaines entre les professeurs et les élèves reste le moteur central de l’apprentissage. »
Michel Dupuis, professeur des universités à l’Université de Lille Nord partage le même avis :
« Les outils numériques d’enseignement ont l’immense mérite d’abolir les distances physiques, mais ils ne doivent pas creuser un fossé relationnel entre les individus.  
L’e-learning est une chance et offre donc des opportunités considérables pour un meilleur apprentissage. Mais il faut agir vite :
« Le monde éducatif ne peut pas vivre en dehors de la société et subir éternellement la modernité. Des tas de trains sont passés à quai et on se gargarise de grands mots et de plans » raconte Alexis Mons, directeur général d’Emakina.fr.
Devant l’immense chantier qui attend l’éducation pour s’adapter au 21ème siècle, Dominique Sciamma, Directeur adjoint du Strate College Designers, en appelle même à dépasser le concept d’e-learning pour innover davantage :
« Il y a un danger réel à voir les anciennes pratiques se vêtir d’habits nouveaux pour survivre. La E-Labelisation est de ce point de vue un danger mortel qui voit des acteurs et des modèles dépassés se remettre en selle en se numérisant en façade, en se contentant de mettre un nouveau nom sur un vieil objet. E comme « Emplatre » sur une jambe de bois ? ».
L’e-learning ne sera donc l’avenir de l’éducation que s’il est conjugué avec une formation « présentielle » pour un apprentissage mixte, et adossé à de nombreuses autres innovations éducatives. Une sérieuse piste à suivre pour « refonder l’école de la République par le numérique ».

Pour aller plus loin

L’éducation en ligne doit devenir sociale

Print Friendly

Répondre