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Le ministre de l’éducation, Vincent Peillon, a publié hier une circulaire sur la scolarisation des enfants de moins de 3 ans pour la rentrée 2013. Sur ce sujet largement débattu, aufeminin.com a sollicité l’expertise de Monique de Kermadec*, psychologue clinicienne et psychanalyste.
Aufeminin.com : Vincent Peillon souhaite scolariser davantage les moins de trois ans dans le but de lutter contre l’échec scolaire, et plus particulièrement dans les quartiers sensibles. Globalement, que pensez-vous de cette mesure ?
Monique de Kermadec : Je trouve que c’est une bonne chose, notamment lorsque les deux parents travaillent et que ces derniers ne peuvent pas accompagner leur enfant comme ils le souhaiteraient. Du point de vue du petit, cela l’enrichira sur un plan culturel et verbal. Aussi, certains parents préfèrent que leur enfant soit dans un contexte d’apprentissage plutôt qu’en garderie.
Je pense aussi que l’apprentissage précoce peut permettre de lutter contre l’échec scolaire, notamment dans les milieux défavorisés. Bien maîtriser le vocabulaire permet de mieux maîtriser sa relation à l’autre, et de développer son système de pensée. La scolarisation avant trois ans permettrait ainsi pour certains enfants issus de familles où les parents maîtrisent mal le français, de combler leur retard. Bien entendu, il ne faut pas que cette scolarisation précoce soit obligatoire.
Aufeminin.com : Quels sont selon vous les bénéfices d’une scolarisation précoce pour l’enfant ?
MDK : La scolarisation précoce permet de développer les trois types d’intelligence. Tout d’abord, l’intelligence cognitive, mais aussi l’intelligence sociale : en contact avec d’autres individus, l’enfant apprend à vivre avec les autres. L’intelligence sociale permet ensuite au petit de développer son intelligence émotionnelle. Cette dernière est essentielle pour qu’il soit heureux en groupe. Aussi, scolariser un enfant plus tôt (certaines crèches le font déjà également), permet d’alerter les parents sur un trouble psycho-affectif qui serait passé inaperçu autrement, et ainsi de proposer un accompagnement adéquat.
Aufeminin.com : Tous les enfants sont-ils prêts à être scolarisés plus tôt ?
MDK : Notons tout d’abord qu’on ne peut pas mobiliser un enfant avant deux ans et demi. Aussi, il est évident que certains sont plus mûrs que d’autres. Mais nous pouvons imaginer qu’un enfant en crèche serait d’une manière ou d’une autre prêt pour cette première expérience. Pour intégrer l’école, il faudra qu’il sache maîtriser son comportement, qu’il ait un temps d’attention suffisant, et qu’il sache respecter des consignes. En revanche, un point est essentiel pour la scolarisation précoce : que l’enfant soit propre. Normalement, la propreté diurne s’acquiert à deux ans et demi… bien entendu, les adultes devront parfois faire preuve d’une certaine tolérance.
Aufeminin.com : Quelles activités feront les enfants s’ils sont scolarisés avant trois ans ?
MDK : Essentiellement des activités d’éveil. On racontera des histoires, des comptines, dans le but d’enrichir le vocabulaire du petit. Ils feront également des activités motrices comme jouer avec des cubes empilés. Mais je veux insister sur un point : si l’on ouvre l’école à deux ans et demi, cela implique que l’on mène une véritable réflexion sur les programmes, il ne s’agit ni d’une garderie, ni d’une petite section. Il s’agira de trouver des supports pédagogiques ludiques et de suivre les enfants en petits groupes. Aujourd’hui, certains enfants scolarisés précocement sont forcés à redoubler en maternelle : c’est une aberration ! Ils s’ennuient et vont voir l’école comme quelque chose de peu passionnant. Il ne faut pas qu’ils refassent la même chose.
Aufeminin.com : Certains pédopsychiatres évoquent la possibilité d’un traumatisme psychologique pour le jeune enfant, qu’en pensez-vous ?
MDK : Il est évident que de façon idéale, la place du tout petit serait à la maison dans un contexte chaleureux et familial, où il serait suivi par une personne soucieuse de son accompagnement à un niveau individuel. Mais aujourd’hui, les deux parents travaillent bien souvent et les enfants sont plus heureux s’ils sont accueillis dans des structures avec des activités qui correspondent à leur âge. C’est un traumatisme s’il y a une injonction à apprendre. Il ne faut pas le forcer et simplement mettre à disposition du petit des supports d’apprentissage. Aborder l’école dans un esprit de compétition serait catastrophique.
Monique de Kermadec est psychologue clinicienne et psychanalyste. Elle est notamment spécialiste des enfants précoces, et auteure de "Pour que mon enfant réussisse" aux éditions Albin Michel.