PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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Suite du texte publié sur le site de Philippe Meirieu, « Réparer n’est pas refonder »
http://www.meirieu.com/FORUM/fracko_reparer.pdf

Moi aussi… je suis déçu, inquiet, pessimiste et très en colère.

Pour reprendre une expression de Philippe Meirieu dans le texte publié par le café pédagogique le 8 janvier, avec lequel je suis entièrement d’accord, la fenêtre de tir a été ratée.

En votant pour le texte proposé au CSE, la Ligue de l’Enseignement (dont je suis administrateur national) se place dans le camp des soutiens possibles considérant qu’elle sera en capacité de faire bouger les lignes et les choses plus facilement que dans une opposition frontale où l’on retrouve des motivations les plus contradictoires allant de l’opposition systématique aux corporatismes et aux conservatismes… ou à la fuite devant l’ampleur des problèmes.
Je suis plus pessimiste et, tout en comprenant les uns et les autres, je doute… comme tous les enseignants de base totalement démobilisés et désabusés :

1. le mot refondation n’a jamais été défini… Je l’ai dit à chacune des réunions auxquelles j’ai participé lors de la concertation. J’ai souvent agacé les animateurs des groupes. Surtout quand j’exprimais ma désapprobation quant aux prises de parole, abondantes, de porteurs de l’idéologie sarkoziste responsables de la destruction de l’école. Quand une SG de rectorat étalait l’efficacité des "concertations" conduites au cours des années précédentes, l’intérêt des contrats d’objectifs avec des établissements et des circonscriptions et le fameux pilotage par les résultats inspiré de l’ultra libéralisme débridé, quand une rectrice d’une académie « pilote », auto déclarée, affirmait que la refondation était en marche depuis 5 ans, quand le directeur de la DEEP démontrait longuement que les évaluations étaient le must du fonctionnement de notre système… on se rendait bien compte que le mot refondation n’avait pas été compris. Il m’est arrivé de chahuter alors qu’il aurait fallu claquer la porte.

2. la continuité a été imposée à la rentrée… et donc cautionnée… Les petits chefs ont été soulagés. Ils avaient tellement peur de devoir dire le contraire de ce qu’ils avaient imposé durant 5 ans avec zèle et autoritarisme… qu’une grande partie d’entre eux, ceux qui avaient contrôlé "à mort" et sanctionné les désobéisseurs et les opposants à la destruction de l’école, ont redoublé de zèle, tuant l’espérance.

3. les acteurs du terrain n’ont pas du tout été associés à la concertation. Les concertations académiques et départementales, organisées sur une demi-journée par les recteurs et les DASEN ont, partout, été un scandale. Bâclées, manipulées, ces réunions illustraient la volonté de ne pas contrarier la continuité en marche. On me rappelle que les enseignants étaient représentés par les syndicats… Je ne suis pas certain que les syndicats, empêtrés dans les problèmes de concurrence, étaient en mesure de porter à la fois le témoignage de la souffrance des enseignants et de la richesse de l’intelligence collective à mobiliser. Rien n’empêchait de suspendre des mesures, de donner du temps aux équipes pour penser et proposer. Rien n’empêchait de demander aux inspecteurs de cesser pour un temps d’inspecter et de contrôler pour accompagner les réflexions des équipes.

4. l’encadrement à tous les niveaux n’a pas été "invité" à porter les idées de la refondation. Les recteurs à qui l’on avait reproché de faire de la politique… n’en font plus. J’ai assisté à une cérémonie de départ d’un DASEN nommé au ministère, en présence d’un recteur et de DASEN nommés par la gauche, où non seulement le mot refondation n’a jamais été prononcé mais où l’essentiel des propos était consacré à la glorification du pilotage par les résultats et aux immenses compétences des DASEN en la matière. De plus, les hauts fonctionnaires de l’ancien régime sont toujours là et le petit jeu de chaises musicales entre les gens de la caste, immobilise le ministère.

5. le ministre lui-même, pourtant très compétent, se met à faire du Jack Lang, à porter des questions parcellaires à l’opinion publique, fragmentant les problèmes et évitant de tracer les fondements du grand dessein que l’on espérait.

Nous n’avons pas fini de devoir combattre si nous en avons encore la force après tant de désillusions.

Mais je crois que le combat pour corriger une phrase, pour compléter un paragraphe, pour tenter héroïquement de faire bouger une ligne, est vain quand les grands enjeux et l’exigence d’une refondation à la hauteur de ce qu’avait fait Jules Ferry, mais pour 2030 ou 2040, ne sont pas au coeur de la réflexion politique et présentés à tous les citoyens, tous concernés par l’avenir de l’éducation.

Pierre Frackowiak

NB…
J’ai appris il y a quelques jours que le ministère s’apprêtait à imposer le maintien des évaluations nationales… dont tous les pédagogues ont condamné la nullité… Certes en rappelant qu’il n’y aurait pas de remontée au ministère… ce qui ne change strictement rien. Avec une telle décision… on peut imaginer l’enthousiasme des enseignants… Il est vrai qu’une majorité d’inspecteurs formatés a déclaré en juin que si le ministère ne voulait pas des résultats, eux, désormais, ne pouvaient pas travailler sans… Il est vrai qu’il est plus facile de regarder les courbes et les camemberts que les élèves.

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