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Pour terminer mon intervention « Histoire et perspectives de l’orientation en France » dans l’atelier de l’ANDEV du 6 décembre 2012, quelques considérations et interrogations. Le premier post de cette série.
Et je souhaite à mes lecteurs une belle et heureuse année.
Les recommandations européennes
J’ai fait état de la recommandation concernant le développement de la démarche éducative concernant l’orientation au sein de l’enseignement initial dans la troisième partie, mais cette recommandation était plus vaste et impliquait la question de l’orientation toute la vie. La/les crises économiques et l’accélération des changements technologiques ont imposés l’idée que l’emploi et le métier ne pouvaient plus être conçus « pour la vie ». Chacun devrait à la fois changer d’emploi, mais aussi de métier. D’où le long life learning et le long life guidance : formation tout au long de la vie et orientation tout au long de la vie.
Dès 1994 une définition européenne de l’orientation était posée (Conférence PETRA, Rome, novembre 1994) :
L’orientation est « un processus continu d’appui aux personnes tout au long de leur vie pour qu’elles élaborent et mettent en œuvre leur projet personnel et professionnel en clarifiant leurs aspirations et leurs compétences par l’information et le conseil sur les réalités du travail, l’évolution des métiers et professions, du marché de l’emploi, des réalités économiques et de l’offre de formation »
C’est donc du côté de l’idée de « service aux personnes » que l’Europe concevait l’orientation, conception libérale critiquée très souvent. Car la plus part de nos organismes d’orientation mettent en œuvre ou son adossés à des politiques d’orientation des personnes et non pas d’aide aux personnes : le CIO et l’orientation scolaire, la Missions locale et les mesures d’accompagnement des jeunes déscolarisés et sans formation, le Pôle emploi et le traitement du chômage.
La réponse de la France par le SPO
Le CAS (Centre d’Analyses stratégiques) vient de publier une note (Le service public de l’orientation tout au long de la vie) qu’il ouvre ainsi :
« L’orientation relève de l’ensemble des activités qui visent à aider les individus, à tout moment de leur vie, à faire un choix d’éducation, de formation et de profession. Dans un contexte de mobilités professionnelles accrues et de chômage important, ces activités deviennent toujours plus cruciales. Saisissant la portée stratégique de l’orientation, la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie institue en France un service public de l’orientation (SPO).
Le SPO vise à garantir à tout individu, quel que soit son statut, l’accès à une information gratuite et objective sur les métiers et l’offre de formation, ainsi que l’accès à des services de conseil et d’accompagnement en orientation. »
Ce tableau (extrait de la note du CAS) montre bien la complexité du paysage de l’AIO en France, tant en terme de « rattachement » que de compétences ou de fonction, ce que de nombreux rapports avaient déjà signalé. Et notamment, il faut insister sur la distinction importante signalé par les trois cigles AIO, AE et AF. Le premier désigne des organismes de « services ». Les deux autres sont ce que j’appelle des « dispositifs », ils permettent et autorisent la transformation du statut de la personne, ce que le « service » ne permet pas. A propos de cette distinction voir Lignes d’évolution pour les CIO . Et à propos du SPOTLV, voir la série d’articles sur mon blog ouverte par celui-ci : Quelques réflexions à propos du service public d’orientation tout au long de la vie (I) , et le dernier en date : Le CAS et le Service public d’orientation tout au long de la vie .
Mais « ça » résiste de toutes parts. Les personnels des différents organismes sont inquiets non seulement pour des raisons de modification de leurs pratiques, mais aussi parce qu’ils craignent des fusions-disparitions. Les ministères, tuteurs de ces organismes et services craignent sans doute une perte de contrôle et ont donc tardé à donner des consignes claires aux différents responsables pour s’engager dans la labellisation. Enfin le processus de labellisation se fait sur la base d’un conflit état-région, arbitré normalement par le préfet.
Et pourtant ça avance !
Malgré toutes ces difficultés, le SPO avance. Et en particulier le service à distance, du moins dans son organisation (réponse téléphonique), car pour son usage, c’est autre chose. Aucune publicité réelle n’en a été faite encore… Ah oui, au fait je ne l’avais pas précisé, mais tout cela se fait à moyens constants comme on dit. Seul un petit budget pour le DIO et la mise en route de ce service à distance.
Sur le terrain, ça avance. En fait deux réseaux européens ont fait avancer les idées et les réalisations.
A la suite des résolutions “on Lifelong Guidance” (2004; 2008) un groupe de réflexion, The European Lifelong Guidance Policy Network (ELGPN) a été constitué par les 29 états membres (de l’Europe et quelques associés), afin d’aider, tant les états que l’Europe à concevoir une politique dans ce domaine. Pour la France, plusieurs ministères ainsi que le DIO y participent. Le séminaire de l’ELGPN des 26-27 novembre 2012 a constaté l’avancée des réalisations en France avec l’organisation du SPO. Mais lors de ce séminaire, des représentants d’une autre organisation « européenne », The European Association of Regional and Local Authorities for Lifelong Learning (EARLALL) , crée dès 2001 par diverses régions européennes, ont montré que l’avancé du SPO en France s’est fait avant tout dans les régions qui s’étaient impliquées de longue date dans cette réflexion.
Comme dirait Michel Foucault, la loi vient ici couvrir et légitimer ce qui se développe à la périphérie de l’état.
Mais restent quelques questions qui dérangent
Concernant l’orientation tout au long de la vie, quels seront les organismes qui vont réellement s’y impliquer, pour quel(s) service(s) à rendre ou à exercer ? Et question à nouveau ouverte par le président de l’ARF : qui sera le pilote du SPO ?
Mais les régions étant également responsable de la formation professionnelle (on attend d’autres développements dans la future loi d’orientation et de programmation), le problème de l’orientation et de l’affectation pour la partie des élèves qui iraient vers le professionnel, se posent.
Donc concernant l’orientation scolaire, qui va s’en occuper, l’éducation nationale ou les régions, à quel moment du processus et des procédures ? Et quant aux activités éducatives, au PDMF ou autre pratiques d’orientation éducative, se pose la question de l’implication réelle et organisée des enseignants.
Enfin pour les CIO, des interrogations se posent également, en particulier depuis les déclarations de Vincent Peillon (ministre de l’EN). Va-t-on vers une séparation entre les conseillers nommés en établissement et les directeurs invités à travailler pour la région. Si les régions seraient très intéressés par le pilotage des CIO, elles ne le sont en tout cas pas pour endosser le financement ni des structures, et ni des salaires.
L’organisation de l’orientation en France reste donc encore une affaire ouverte et attend un consensus.
Bernard Desclaux