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A l'Isoret (ici en juin), des ateliers gratuits, payés par la mairie, sont proposés aux élèves après 15 h 30.
A l’Isoret (ici en juin), des ateliers gratuits, payés par la mairie, sont proposés aux élèves après 15 h 30. | Capucine Granier-Deferre/ Newspicture pour "Le Monde"

La semaine de quatre jours et demi ? Les vingt-sept élèves de la classe de CM2 de Dominique Bruneau, à l’école Isoret d’Angers, sont "pour". Ils n’y voient même que des avantages, de ceux qu’on met en avant quand on a 10 ou 11 ans. "C’est super de terminer l’école plus tôt, explique Adonis, les copains des autres écoles sont jaloux de nous !" "On est moins fatigués, même si on travaille le mercredi, ajoute Clara, et on a le temps de faire plein d’activités l’après-midi." "Il paraît que ça nous habitue aux rythmes du collège", lâche E’Ouann.

"Rythme" : le mot est ici dans toutes les bouches, y compris dans celles des enfants – 250 élèves, de la maternelle au CM2. Science-fiction ? "Non, expérimentation", répond Dominique Bruneau, l’enseignant de CM2 qui est aussi le directeur de l’école élémentaire de ce groupe scolaire converti, avant l’heure, aux neuf demi-journées de classe par semaine. Un avant-goût de l’école Peillon.

"Notre organisation est sans doute encore perfectible, je ne sais pas si elle est extensible en d’autres lieux, à d’autres écoles, mais elle me semble déjà bénéfique à nos élèves", assure Dominique Bruneau, détaillant avec une pointe d’orgueil "son" emploi du temps : cours le matin cinq jours sur sept – "on privilégie l’enseignement des matières fondamentales tôt dans la matinée, comme le préconisent les études en chronobiologie" – ; pause méridienne raccourcie – "un quart d’heure en moins, compensé par l’installation d’un self" – ; et, clou de l’expérimentation, une sortie des classes à 15 h 30. La deuxième partie de l’après-midi fait la part belle aux activités périscolaires : une douzaine d’ateliers, financés par la mairie d’Angers, sont proposés aux enfants.

"Des ateliers facultatifs et gratuits, souligne Luc Belot, ex-adjoint au maire (PS) chargé de l’éducation, et nouveau député du Maine-et-Loire. Robotique, aquariophilie, loisirs créatifs, cirque ou cuisine : nous proposons ces activités en lien avec les associations, les centres de loisirs, les clubs sportifs, les maisons de quartier… Tous les acteurs de terrain ont accepté de jouer le jeu – même la paroisse locale, qui a décalé le catéchisme du mercredi matin au mardi…"

A 17 heures, si les ateliers ferment, l’école reste ouverte : une "étude" accueille les enfants jusqu’à 18 h 30. Mais la journée de classe ne compte, elle, que cinq heures – une heure de moins qu’ailleurs.

Coût du "réaménagement" : "90 000 euros", estime Luc Belot, mais "près d’un demi-million d’euros supplémentaires si l’on veut généraliser le dispositif à toutes les écoles de la ville, en prenant en compte les personnels, les transports, les locaux… C’est la garantie d’une prise en charge de qualité, qui ne se résume pas à de la garderie".

Est-ce généralisable ? L’élu s’en sort d’une pirouette : "Indispensable, répond-il, mais comme on n’a pas une telle somme à mettre sur la table, il faut penser en termes de redéploiement." Un mot à la mode.

Comment ce groupe scolaire a-t-il pu déroger à la règle ? En dépit des très nombreux rapports critiquant la semaine de quatre jours, l’ancien gouvernement a toujours refusé de revenir sur la réforme lancée en 2008 par Xavier Darcos, le premier des ministres de l’éducation nationale de Nicolas Sarkozy. Et ce même si, avec 144 jours de classe, la France a l’année scolaire la plus courte d’Europe – et par voie de conséquence la plus chargée aussi. Xavier Darcos a eu beau préciser qu’il était possible de reporter les cours du samedi au mercredi, peu de villes ont été tentées de faire marche arrière. En 2010, dans sa circulaire de rentrée, son successeur Luc Chatel a dévoilé sa préférence pour le mercredi matin travaillé. Le texte demandait aux autorités académiques que "l’organisation de la semaine en neuf demi-journées encouragée chaque fois qu’elle rencontre l’adhésion".

"LA PLUPART DES PARENTS ÉTAIENT PARTANTS"

Mais l’adhésion reste très difficile à trouver. "Des municipalités socialistes pour la plupart, Angers mais aussi Brest, Nevers, Lyon, Belfort, Lille, Grenoble ou Toulouse, ont ouvert le débat", rappelle Yves Fournel, président du Réseau français des villes éducatrices. Dans le cas d’Angers, la consultation a débuté en 2009 avec les parents d’élèves et les associations de quartiers. "On a organisé des petits déjeuners le samedi avec les familles, des récrés citoyennes avec les enfants", se souvient Luc Belot. D’avril à juin, ce sont les enseignants et les personnels de l’éducation qui ont été consultés. Au terme de cette phase, si 53 % des écoles ont dit regretter la suppression du samedi matin travaillé, seules 37 % se sont prononcées en faveur d’un redéploiement sur neuf demi-journées. "Respectant ce choix, la ville n’a pas souhaité généraliser l’école le mercredi, explique Luc Belot, mais accompagner, au cas par cas, les établissements favorables au changement."

Une seule école en l’occurrence : l’Isoret. Où le vote s’est joué, semble-t-il, à quelques voix près. "La plupart des parents étaient partants, dès lors qu’on leur a expliqué ce que leurs enfants gagneraient à avoir une journée allégée, une semaine moins hachée", soutient Céline Olhagaray, 32 ans, maman d’un élève de CM2, et représentante des parents au conseil d’école. "Quand le samedi a été supprimé, les parents, surtout ceux qui sont divorcés, étaient plutôt contents de récupérer leur week-end, ajoute Jasmine Maubussin, 36 ans, mère de deux élèves – en CP et CM1. Mais l’école le mercredi a été bien accueillie. Nos enfants sont moins fatigués, plus épanouis en soirée, presque contents de faire leurs devoirs !"

Du côté des enseignants, le sujet reste délicat à aborder. A l’école maternelle, qui jouxte l’école élémentaire, les bénéfices de l’expérimentation semblent moins évidents pour les enseignantes comme pour les jeunes enfants. "Il nous faut les réveiller plus tôt de la sieste, regrette Martine Botton, la directrice. Mes collègues ont le sentiment d’avoir perdu leur après-midi. D’être moins aidées qu’auparavant, car des Atsem s’occupent désormais à 15 h 30 de certains ateliers proposés par la municipalité. Sans compter l’absentéisme du mercredi…" Au conseil d’école, les quatre enseignantes de maternelle se seraient, dit-on, prononcées contre le retour aux quatre jours et demi.

"Il ne s’agit pas de dire que tout est parfait ou qu’on est un modèle, tempère Dominique Bruneau. Notre organisation est sans doute encore perfectible !" Une évaluation, conduite par la chronobiologiste Claire Lecomte, professeure en psychologie de l’enfant, et Christophe Boujon, maître de conférences en psychologie cognitive à l’université d’Artois (Nord-Pas-de-Calais), doit mesurer les incidences des nouveaux rythmes scolaires, et convaincre, espère M. Bruneau, les derniers réfractaires. Résultats attendus après l’été. "En attendant, conclut le directeur, on prépare une rentrée chargée, avec des effectifs d’élèves qui ne cessent de grimper." Une hausse qu’il aime voir comme un signe de succès.

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