Héloïse Durler, HEP Vaud (UER AGIRS) et Université de Lausanne (Labeduc) :
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EXTRAIT : Il est possible de dégager, derrière un certain nombre de dispositifs répandus à l’école primaire, une conception « idéale » de l’élève: l’élève autonome. L’hypothèse développée ici est que ces dispositifs visent l’engagement de l’élève dans le projet de l’institution scolaire. Cette entreprise d’engagement, du fait de ses caractéristiques et de ses implications, apparaît simultanément comme une entreprise de normalisation.
"Les dispositifs scolaires de l’autonomie visent à amener tous les élèves à adhérer aux enjeux de l’univers scolaire, tout en ignorant que cette « adhésion » repose sur des conditions sociales de possibilité. On assiste donc à ce que Gabriel Langouët appelle un « ethnocentrisme de classe »: lorsque celui-ci analyse les limites des actions pédagogiques de compensation qui marquent bon nombre de tentatives d’innovation, il mentionne que « le plus directement concerné n’est jamais pris en compte en fonction de ce qu’il est réellement, il est toujours considéré par rapport à un autre public servant de référence, celui qui réussit » (Langouët, 1985, p. 18). Ainsi, pousser tous les élèves à être « motivés » par l’école et vouloir qu’ils s’y comportent de manière « autonome » revient alors à faire comme si chacun pouvait agir comme s’il possédait les ressources sur lesquelles peuvent s’appuyer les élèves qui réussissent, alors même que ces ressource sont plus ou moins présentes selon les milieux sociaux.
En ignorant les conditions sociales qui rendent possible l’engagement de l’élève souhaité par les dispositifs scolaires de l’autonomie, le risque est de sous-estimer les contradictions résultant de l’appel à l’adhésion et aux motivations « personnelles » et d’aggraver les difficultés scolaires des élèves qui sont dans l’impossibilité de répondre à ces appels."