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La réponse de Pierre-Yves Jardel, maire d’Orbais-l’Abbaye, dans la Marne
"Pour moi, c’est au moins 20 000 euros en plus." Pierre-Yves Jardel, président de la communauté de communes de La-Brie-des-Etangs (Marne) – 4 000 habitants répartis dans une vingtaine de petites communes -, a déjà fait le calcul de ce que pourrait lui coûter la réforme des rythmes scolaires en cours de négociations rue de Grenelle. "Notre budget annuel avoisine 750 000 euros, et l’éducation en représente déjà 35 %", précise-t-il. "Cela va encore augmenter… et pourtant, il faut arrêter de tergiverser. Faire preuve de courage et foncer, même si ça va nous coûter de l’argent !"
L’élu centriste, qui est aussi maire d’Orbais-l’Abbaye – presque 600 habitants -, compte parmi les défenseurs du retour à la semaine d’école de 4 jours et demi : il faut dire qu’il est plutôt au fait de la question, en tant que "référent éducation" de l’Association des maires de France (AMF). Il a participé, cet été, à plusieurs ateliers de la concertation pour la "refondation de l’école" qui a remis son rapport final le 9 octobre ; il s’est aussi assis à la table des négociations face au ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, lors de la journée consacrée aux collectivités, mercredi 17 octobre.
Calendrier serré
"Donner aux gamins moins d’école à ingurgiter chaque jour, ça ne peut que leur faire du bien, assure M. Jardel. En plus, chez moi, en milieu rural profond, beaucoup d’élèves doivent supporter des transports scolaires longs. Leurs journées sont aussi lourdes que les nôtres !" La communauté de communes dont il est le président accueille trois groupes scolaires – "mes belles écoles", dit-il – et quelque 400 enfants de la maternelle au CM2.
Pour que les écoliers n’aient plus, en France, les journées les plus denses d’Europe (6 heures de cours par jour, 144 jours par an, contre 180 en moyenne dans l’OCDE), le gouvernement travaille au retour à la semaine de "quatre jours" et demi ou de "neuf demi-journées" – les deux formulations sont de mise. Le principe fait consensus… quasiment. Sa traduction concrète sur le terrain, dont M. Peillon a discuté les 15 et 16 octobre avec les syndicats d’enseignants, le 17 avec les communes, les régions et les départements, est plus difficile. Et le calendrier est serré : la réforme des rythmes en primaire doit être mise en œuvre dès l’an prochain.
Pour alléger le quotidien des enfants, le scénario proposé par le gouvernement, encore négociable, est désormais connu : trois heures de cours le mercredi, cinq heures les lundi, mardi, jeudi et vendredi. La cloche de l’école pourrait retentir à 15 h 30, au lieu de 16 h 30 aujourd’hui. Pour occuper l’heure ainsi dégagée – soit quatre heures par semaine – le ministère de l’éducation a, selon les syndicats et les collectivités, proposé une répartition "à 50/50" : deux heures par semaine à la charge des enseignants – occupées à de l’aide aux devoirs – deux heures pour les mairies – consacrées à des activités culturelles et/ou sportives. Les premiers ne veulent pas être les perdants de la réforme. Les seconds, qui investissent déjà dans le périscolaire sont plutôt rassurés de ce scénario de partage des responsabilités. "Ce qui nous est demandé est finalement moins difficile, moins lourd que ce à quoi nous pouvions nous attendre", reconnaît M. Jardel. "On ne nous demande ‘que’ deux heures par semaine… alors que je m’attendais à une heure supplémentaire chaque jour." On semble aussi leur donner la possibilité de répartir, au niveau local, les deux heures à leur charge un peu à leur convenance, en fin de journée mais aussi, pourquoi, pas durant la pause méridienne. De la souplesse en somme.
Pourtant, l’inquiétude des collectivités reste importante. M. Jardel n’élude pas la situation des communes les plus pauvres, les plus isolées. "Aujourd’hui, il faut bien reconnaître que beaucoup d’entre elles courent après les financements. On leur demande de viser haut, d’avoir de l’ambition pour ces enfants, de réfléchir à des temps réellement pédagogiques, du culturel, du sportif, de l’artistique… Cela veut dire faire venir des personnels qualifiés, alors qu’on n’a que des ‘petits contrats’, des ‘petits temps’ dans l’école et des ‘petits salaires’ à leur proposer. Autant dire qu’il faudra former les jeunes de chez nous, et cette formation coûte, elle aussi…" Sans compter les tournées de bus scolaires supplémentaires le mercredi, éventuellement un "tour de cantine"…
Pierre-Yves Jardel y a déjà réfléchi. "Pour trouver les 20 000 euros dont j’ai besoin, pas question de faire appel à l’impôt, dit-il. Sacraliser le budget ‘éducation’, comme le fait d’ailleurs, à l’échelle nationale, le chef de l’Etat, implique de puiser dans d’autres budgets." L’élu a déjà "fléché" les secteurs dans lesquels sa commune devra, l’an prochain, se contenter "de moins" : l’assainissement et la voirie. "Le risque, c’est que cela se répercute sur les entreprises de travaux qui comptent beaucoup dans notre économie. Mais on n’arrivera pas à mettre en œuvre cette réforme sans consentir un minimum de sacrifices, des compromis, pour le bien de nos enfants."
Les communes comptent beaucoup sur la création d’un système de péréquation – un "fonds de compensation", rectifie-t-on dans l’entourage de Vincent Peillon. Ce fonds, dont les contours sont encore très flous, pourrait être abondé par plusieurs ministères, dont celui de l’éducation. Dans une ville comme Angers, en pointe dans sa réflexion sur les rythmes de l’enfant, c’est un demi million d’euros qu’il faudrait débourser pour financer, dans toutes les écoles de la ville, un accueil périscolaire "riche" chaque soir, expliquait au Monde Luc Belot, député du Maine-et-Loire (PS), interviewé au printemps. Le coût d’une prise en charge ne se limitant pas à de la garderie.