PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Demande des habitants, histoire des territoires

A partir de deux interventions psychosociologiques…

La façon dont s’organisent les relations, les appartenances et les rapports de pouvoir dans des quartiers  a été l’objet d’un certain nombre d’interventions de notre part.  cet article,: nous voudrions  comparer analyses résultant de deux interventions dont le déroulement et les enjeux se révélèrent tout à fait originaux, bien que des caractères communs paraissaient les réunir. l’origine, un  même objet sur les deux territoires : «  les jeunes  des Grandes Barres « et «  les jeunes  du Parc », gérés par deux municipalités de même couleur politique de la Région Ile de France. Dans ces deux communes, certains élus, aidés d’un petit nombre d’habitants du quartier regroupés en associations voulaient  résoudre la problématique posée par la jeunesse . Dans la cité des Grandes Barres, il était prévu de construire un centre socioculturel pour améliorer les relations intergénérationnelles et dans la cité du parc  le groupe d’habitants pensait à un centre social. Disons tout de suite qu’après notre intervention, le centre socioculturel ne fut pas construit dans le quartier des grandes barres comme solution aux divers problèmes. Dans le quartier du Parc, un agent de développement fut embauché pour mettre en place des projets .

Reprise par nous, la demande initiale fut transformée et remaniée en une demande : «  de mieux vivre ensemble », en reconnaissant laltérité des divers groupes dappartenances.

La dynamique de lémergence dune « parole neuve » fit apparaître dans litinéraire suivi sur chaque territoire un  aspect du réel particulier : lhistoire du peuplement de ces territoires, à travers la mémoire des différents groupes dhabitants.

Ce nest que dans la tension et dans la durée que ces deux aspects, pour nous fondamentaux, purent être abordés et recevoir quelques éléments de réponses.

Le symptôme « jeunes » fut en effet présent dans la parole dite par nos interlocuteurs. Et à la question posée par les habitants :« Et les jeunes, avez-vous rencontré les jeunes ? ». Il se trouve, que la rencontre de certains jeunes fut plus facile de façon paradoxale dans le quartier des Grandes Barres que dans celui du Parc, apparemment plus serein, et où les jeunes faisaient lobjet de lattention bienveillante de nombreux adultes.

Pour nous, il était important de faire le détour par la vie quotidienne des habitants dans les deux quartiers avec ses représentations multiples et opposées des autres groupes, des acteurs institutionnels, des pouvoirs publics, des enfants et adolescents du quartier et des autres quartiers, avant de nous saisir de la question posée pourtant parfois de façon explicite : « que faire de ces « jeunes » là, qui nous empêchent de vivre tranquillement avec nos enfants ». Lélaboration de la demande et sa transformation en une question plus large ne fut pas acquis demblée, ni dans un quartier ni dans lautre.

De la même façon, il apparaît bien vite que « lhistoire sainte des origines » des deux quartiers était à la fois un mythe didentification culturelle de certains habitants et lexpression nostalgique dun passé imaginaire : En ce temps là, il existait un village heureux, celui des Grandes Barres, où chacun connaissait chacun, où chacun appartenait de façon consciente  à la classe ouvrière quelle que soit sa culture et son rang dans la hiérarchie des entreprises ou bien  autrefois ,le quartier du Parc était un lieu de mixité sociale, un espace où lon pouvait voir concrètement quil était possible de vivre en harmonie les uns avec les autres, que lon soit locataire ou propriétaire de son logement, quelle que soit la culture dorigine, en respectant les principes de la légalité républicaine. Il était possible de prouver aussi que la mixité sociale était non seulement possible, mais vécue dans certaines communes .

Lémergence dune parole neuve fait apparaître que la référence à ces  temps passés est entendue par les nouveaux arrivants comme une manière de regretter leur arrivée par les autres . Lidée fort répandue que les nouveaux ne savaient pas élever leurs enfants ne pouvait pas simplement entraîner de réponses en termes daides éducatives, mais aussi en terme de construction de relation sociale dans le quartier.

Limportance des mémoires des groupes particuliers concernant laccueil dans le quartier, le sens que prenait leur façon dhabiter et de vivre ensemble pour certains groupes dhabitants savéra déterminant pendant toute la durée de nos interventions et même au-delà

Nous reviendrons sur ce point après avoir évoqué ces deux interventions.

Description des deux interventions.

De nombreuses études ont eu récemment comme objet les quartiers difficiles de la Région Parisienne. Mais le plus souvent, ces études qui sappuient sur des instruments fiables, sont réduites à lénoncé dun nombre commun de généralités, qui proviennent de laccumulation de faits, sans y introduire la notion de territoire. Celle-ci est cependant nécessaire pour comprendre la dynamique interne du lieu dans sa spécificité historique et culturelle.

Notre équipe de consultants a pu intervenir dans le cadre de lInstitut National de la Jeunesse et de lEducation Populaire sur les deux territoires (en 2000 et en 2004). Nous les avons appelés Quartier des Grandes Barres et Quartier du Parc.

La commande finale est sensiblement la même : Renforcer le lien social et permettre à des projets innovants de se réaliser, avec un accent particulier sur le Quartier dit du Parc sur la nature de la présence éducative.

Dans les deux cas,  les jeunes  sont une préoccupation transversale, à la fois réelle et imaginaire des populations et ce phénomène polarise le sentiment dinsécurité du collectif des habitants.

La mission, que nous définissons, répond aux objectifs  suivants :

Proposer un diagnostic sur le vécu des habitants , intervenants institutionnels et associatifs.

Accompagner les différents groupes dintérêts (habitants, associations, représentants des institutions)en  aidant à lélaboration de ce qui doit permettre de renforcer les liens sociaux et la présence éducative sur le quartier.

 Aider à lidentification de projets, de compétences ou dorganisations  nécessaires pour cela.

Transmettre au commanditaire le résultat des différentes phases de travaux dans un rapport écrit.

Un groupe de pilotage est constitué délus et dhabitants, de responsables des services de la mairie, du conseil général et de la CAF. Nous leur présentons nos principes méthodologiques Notre dispositif sappuie sur une démarche participative de consultation de tous les acteurs.

Dans un premier temps, nous dressons une représentation aussi fidèle que possible de la réalité vécue par la population, à laide dune série dentretiens individuels que nous menons (nous sommes quatre intervenants) pour connaître les réseaux en présence, les groupes dappartenance référés institutionnellement ou non, leur façon de cohabiter et dexprimer les problèmes de leur vécu.

Pendant le déroulement ,le groupe des intervenants se réunit pour élaborer ce quil en est de sa propre interprétation et construire une analyse commune.

Avec les habitants, on interroge dabord des personnes-ressources porteuses dinformations sur le quartier puis, de proche en proche, dautres, des habitants qui ne fréquentent pas les réunions de quartier. Le cercle des interlocuteurs habituels de la mairie est progressivement élargit pour recueillir des discours dans leur diversité.  Les associations nous aident à nous repérer dans les réseaux de sociabilité répertorié. Des groupes de jeunes sont également questionnés, le plus souvent avec laide des associations.

Les entretiens individuels portent également sur limage du quartier vue par les responsables ou animateurs des associations ainsi que par les institutionnels (collège, PJJ, Police, bailleurs).

Nous nous présentons comme faisant partie dune équipe de consultants dun établissement public ,sollicitée par la municipalité pour aider à trouver les moyens daméliorer la vie collective.

Une deuxième partie de la démarche seffectue au sein des groupes  dacteurs distincts selon leur rôle :(associatifs, habitants, institutionnels) et/ou de groupes différenciés par thèmes à partir de problèmes fondamentaux  repérés dans la première partie.

Nous animons les séances dans lobjectif de faciliter les expressions, les différences, les implicites et permettre une élaboration dans le groupe.

Ce dispositif a pour sens de permettre un partage des représentations sur la vie dans le quartier afin de donner des perspectives de projet souhaitées par les municipalités.

Lensemble des préconisations élaboré dans ces groupes distincts est discuté dans chacun des groupes (échanges de compte-rendu dun groupe à lautre pour mettre en commun les débats et les propositions), puis en assemblée générale où sont questionnés les rapports écrits.

Configuration du lieu et origine de la demande d’intervention dans le quartier des grandes Barres

Une ville en région parisienne (une municipalité PC depuis de nombreuses années). Un quartier construit dans les années 1960 « les Grandes Barres » et de petits ensembles, le tout fréquenté au départ par une population de classe moyenne, des militants ; Dans les débuts de la construction on parle dun certain bien être, un village où tout le monde se connaît. Puis avec les facilités daccession à la propriété privée dans les années 70, les premiers habitants sont remplacés peu à peu par une population économiquement plus fragile, qui relève de prestations sociales avec des aides au logement. Ces familles viennent surtout de létranger. On y compte 22% de chômeurs et 26% dallocataires du RMI de la ville. Familles monoparentales et familles nombreuses sont bien représentées.

Le centre commercial, pompeusement nommé ainsi, (car il ne reste plus que quelques commerces dans un site dégradé) est le seul lieu danimation visible et de croisement des habitants. Quelques jeunes  « y tiennent les murs « et observent les nouveaux venus ou les intervenants du quartier. Juste à côté, sur la place, un parking, où le soir viennent les acheteurs et les revendeurs de drogues : « les voitures tournent comme pour un rodéo » dit un de nos interlocuteurs.

Le quartier nest pas vide de présence institutionnelle ou associative : on y trouve de nombreuses associations en pied dimmeuble pour les enfants ou des associations de femmes mises en place par les habitants, avec laide de la Municipalité. De plus une maison de quartier, soutenue par léquipe Municipale, a pour but, de stimuler les initiatives des Habitants et de coordonner les actions. Elle édite un journal dinformation sur les activités du quartier. Un chargé de mission anime cette structure. Cette maison de quartier est notre interlocuteur et facilite nos rencontres avec les institutionnels (police, éducation, santé), les autres associations et certains habitants.

Une association culturelle offre des spectacles de Théâtre et de musique. Le Directeur évoque la difficulté de recevoir dans ce lieu, certains jeunes du quartier qui ne supportent aucune règle de discipline. La fréquentation de cet établissement provient surtout des habitants des autres quartiers.

Le club de prévention a déménagé par suite dune agression physique à lencontre de la Directrice. Il existe aussi une association danimation pour les jeunes.

Donc un quartier bien fourni en lieux danimations qui coexistent avec les réseaux de trafics de drogue ou de recel.

Ces réseaux fonctionnent discrètement mais utilisent quelques démonstrations de force dintimidation.

Analyse  du contenu des entretiens

La plupart des représentants des institutions nhabitent pas le quartier (en particulier les fonctionnaires de la PJJ et de la Police). Ils dramatisent les incidents, car la délinquance juvénile est leur objet de travail et le centre de leur préoccupation. Ils vivent comme un échec personnel laugmentation de la délinquance juvénile et manifestent ce malaise par du pessimisme , leur implication restant forte. Ils parlent de ghetto dans ce quartier et dun lieu qui édicte sa propre loi, hors des lois de République.

Le fantasme dinsécurité est très prégnant même si lon souligne quil y a peu de violence grave : « Les voitures ne brûlent pas plus quailleurs … ». La violence existe aussi  à lintérieur des groupes de jeunes. Il sagit de guerres de territoire de groupes rivaux.

On souligne aussi que lidentité des jeunes, ce qui les rassemble, cest le quartier. On défend le quartier, comme un lieu dancrage symbolique, quand les institutions ont perdu cette fonction.

Le manque dautorité des parents est mis en avant ainsi que leurs difficultés économiques et sociales. Pour eux, cest le manque dintégration des familles, le manque de référence à une loi commune ainsi que laffaiblissement de la mixité sociale (depuis le départ de ce lieu des classes moyennes), qui a contribué à laggravation des facteurs criminogènes.

Léchec scolaire augmente dannées en années. Cependant, la Direction du collège a réussi à diminuer les incidents violents et les incivilités  à lintérieur par un travail en commun avec tout le personnel. Mais, dès que la Directrice sort du collège, elle fait lobjet dinsultes.

Hors de lécole, la direction est en but à la loi des jeunes, qui rejettent cette Institution en bloc et son inefficacité à permettre légalité quelle proclame par ailleurs. A lintérieur pourtant la responsabilité et le respect de la loi est de mise. Mais en dehors de ce lieu préservé, le territoire appartient aux jeunes. Lespace est devenu leur terrain de jeu.

La municipalité sest appuyée un temps sur les grands frères, puis a ensuite abandonné cette politique qui na pas permis les résultats escomptés.

Le service de psychiatrie, lui, déplore la tendance à psychiatriser la conduite des jeunes au lieu de prendre en compte les phénomènes sociaux, responsables de la délinquance.

Le défaut de transmission qui va de pair avec le discrédit de la fonction denseignant et la dévalorisation des représentants des politiques pèsent lourd dans ce quartier disent les représentants des institutions .

 Les fonctionnaires dénoncent  la loi du silence qui domine chez les habitants. On ne porte pas plainte disent-ils de peur des représailles. Cependant, la prise de conscience sur la nécessité dun changement dattitude, qui favorise la diminution des actes, se manifeste lors des réunions.

Ses entretiens posent les questions suivantes : Sur quel socle sappuyer pour faire Tiers ?. Qui a une  place dexception, dautorité si non les représentants de léconomie informelle  quand les représentants de lEtat ou la loi ne tiennent plus cette place dans les représentations ?

Le discours des  représentants des associations hésitent entre compassion et sévérité.

Les jeunes qui fréquentent les associations sont une minorité et des tensions existent entre les différents groupes ethniques. Certains parents surprotègent leurs enfants et ne les envoient pas dans les activités proposées du quartier ni dans les écoles.

On a peur den dire trop dans les permanences des travailleurs sociaux : « je ne tiens pas à avoir dennui » , nous est fréquemment rapporté .

On donne des exemples  sur les problèmes qui peuvent survenir si on rapporte des faits : une jeune fille a été «  accidentée » alors quelle a porté plainte contre son ami, membre du réseau, pour des violences subit  .

Le « réseau » a ses  propres œuvres sociales, pratique lentraide, a son service dordre  Le « réseau » est discret, quand on ne le dérange pas. Il fonctionne comme une grande entreprise qui génère de la richesse. Doù la difficulté pour amener les jeunes à sintéresser au marché du travail ou à suivre des stages proposés par la Mission Locale. On déplore labsence demploi ou de commerces de proximité dans le quartier.

Le discours des habitants, nous surprend,  par la tendance quils ont à banaliser les actes de délinquance ou à sen accommoder. Les militants associatifs ou syndicaux qui vivent encore dans les Grandes Barres ont une vision nostalgique de ce quartier, où ils espèrent retrouver la convivialité dautrefois . Alors que limage de ce «  village des origines » reste mythique, maintenant, «  cest Berlin avant la chute du mur avec 2 tronçons qui signorent ».

Certains disent que la ville est responsable de labsence du travail dintégration. La Mairie et lEtat, cest le mauvais objet. « Ici, il y a trop dimmigrés, on nous pousse à être raciste ».

Le sentiment dinsécurité est très diversement vécu par les habitants : « Ce sont les combines qui créent les ennuis, sinon, on ne risque pas de se faire agresser. Pas de vol à larrachée !». Quartier tranquille, donc !

Certains habitants rejettent la responsabilité de toutes les nuisances sur les jeunes : Ils ont cassé des boîtes aux lettres,  détruit des ascenseurs,  pour se venger des adultes.

En fait, ce sont les rassemblements de jeunes qui font peur (cage descalier, ascenseur, bruit, etc. ) plus que la drogue ou le négoce.

On entend des discours très différents   sur léducation des enfants .Une maman africaine dira : « Léducation française est trop laxiste, on laisse faire les enfants, même si mon enfant traîne au pied de limmeuble, il y aura toujours quelquun de la famille qui passe et qui sen occupe ». La plupart dentre eux cherche un équilibre entre la culture communautaire et la loi républicaine.

Pour dautres  parents : « Hors de lécole, les enfants sont dans la jungle ».

Les jeunes filles nosent pas sortir dans la rue, elles se font insulter pour les uns, ou, sont dans la loi des grands frères pour dautres. Celles que nous pouvons rencontrer, nous disent  vouloir faire des études pour quitter le quartier et sinscrire à luniversité. Elles racontent leur  souffrance dêtre stigmatisées et se plaignent du manque de soutien des adultes à leur égard.

Configuration spatiale et origine de la commande dans le quartier du Parc

Nous avons lagréable surprise de pénétrer dans un espace tranquille, bordé darbres, occupé par un petit lot dimmeubles, construit en 1993, dont les habitants sont soit propriétaires, soit locataires. Lobjectif de la municipalité a été den faire un lieu où peuvent se côtoyer des populations de nature culturelle et sociale différentes .Des salles, en bas de limmeuble, attendent de recevoir des activités associatives. Cependant, un seul local qui devait être utilisé par une association de jeunes a été incendié, le matériel volé.

Ce lieu est entouré dun grand parc ainsi quun stade, gérés par le conseil général. Celui ci vient de poser des clôtures, à lentrée, pour fermer ces lieux, la nuit, ce qui contraste avec laspect esthétique de lespace des immeubles et souligne aussi les divergences de politique avec la municipalité. Un interlocuteur va définir ce lieu comme un monde clos, coupé du reste du quartier et de ses commerces, à seulement 400 mètres, environ du centre ville.

La construction de ce quartier a été voulu comme une innovation sur le plan architecturale et un lieu dexpérimentation sur le plan de la mixité sociale.

Depuis 4 ou 5 ans, on observe un turnover des locataires et une dégradation des immeubles.

La mixité de classe sociale semble faire place progressivement à une juxtaposition de groupe culturel et ethnique différente. Nous constatons lors de nos réunions que les petits enfants traînent dans la rue le soir. Les plus grands se réunissent autour de la boulangerie (le seul commerce) ou sur une place.

Un collectif dhabitants est à lorigine de la demande dune intervention. Un groupe de pilotage se constitue comprenant outre les membres habituels déjà cités, quelques habitants très mobilisés.Mais à la différence de lintervention précédente, nous mettrons laccent principalement sur les habitants car cest le collectif qui a pris linitiative. Les représentants des institutions ou les associations seront interrogés dans la mesure où nous élargissons notre recherche à lensemble des préoccupations du quartier .Nous avons constitué des réunions par thèmes, après le rendu des premiers entretiens.

 La population du Parc comprend 3 groupes nettement distincts en termes sociaux et économiques. Une minorité constitue un premier groupe, issu de la classe moyenne. Elle inclut des jeunes ménages propriétaires de leur logement, qui sont sympathisants  ou conseillers de la mairie, souvent dans le social et léducatif ainsi que des petits commerçants et des retraités.

Une autre partie de la population de classe moyenne occupe des emplois de salariés ou demployés dans des administrations plus ou moins proches et constitue le deuxième groupe .

La partie la plus importante , le troisième groupe est issue de limmigration maghrébine et surtout africaine.

Le groupe qui a appuyé la demande  fait partie des personnes citées en premier et  quelques unes du second. Nous lavons qualifié daltruiste parce que ces personnes ont toujours  affirmé une volonté daider les personnes citées du troisième groupe.

Cette population altruiste, souhaite développer une sociabilité commune, sous la forme dassociation ou dactivités  bénévoles pour les jeunes :

« Il faut positiver les jeunes, cesser de la stigmatiser »

Le deuxième groupe de population,  plus individualiste est cependant, majoritaire dans ce lieu (quelques propriétaires) Ils participeront peu aux réunions de groupe par indifférence , hormis  quelques personnes. Dans les entretiens, ils ont manifesté le souhait de vivre en paix, sans bris de vitres, sans trop de bruit et  préserver leurs enfants du racket. Ils disent : On devrait responsabiliser davantage les parents qui doivent surveiller les enfants, la nuit ; Il faut renforcer la sécurité des lieux. Ils ne souhaitent pas simpliquer dans le changement. Certains évoquent la recherche dun autre logement , ailleurs .

Le troisième groupe de population interrogée est constitué dhabitants précarisés et déstabilisés. Nous avons beaucoup de difficultés à entrer en contact avec eux .Ils sont parlés par les autres au moment des groupes à thèmes. Ils ne viennent pas aux réunions. Leurs enfants traînent, la nuit, en bas des immeubles.

Analyse des  discours sur «  les jeunes » du Parc

La quasi unanimité de nos interlocuteurs met laccent sur les jeunes. Pour les altruistes, il sagit de restaurer leur image et de les impliquer dans la vie du quartier, leur permettre des projets qui correspondent aux désirs actuels des jeunes : des Murs de tags,  faire de la musique rap, etc. Ces projets, selon l’âge des jeunes, pourraient être encadrés par des animateurs  pour la tranche d’âge 6-13, animateurs  soucieux  dintroduire des règles précises pour aider à la structuration de ces groupes de jeunes . On propose aussi de faire venir des  témoins, des jeunes qui ont réussi, malgré des conditions  sociales défavorables pour les stimuler .On souhaite plus dinformations sur les métiers (voir avec la Mission Locale) et créer davantage de relations inter générationnelles.

Certains de nos interlocuteurs pensent quil suffit dun jeune pour pourrir tout un quartier et quil sera nécessaire dêtre plus énergique avec une petite minorité qui dégrade la vie. Dautres évoquent des actions daide éducative en direction des parents.

Les questions portant sur « le vivre ensemble » suscitent dautres réponses  relatives aux comportement et à la perception des adultes : Un sentiment disolement, alors que le centre ville est tout proche ,de la méfiance, voire des sentiments discriminatoires exprimés de façon confidentielle ou bien le désir de quitter le quartier. On évoque aussi le fait que les responsables ne prennent pas leurs responsabilités. Ces derniers éléments sont très fortement mis en avant lors de la réunion générale par lopposition municipale.

Analyse et comparaison des deux territoires

Examinons les points convergents et divergents des discours portés dans ces deux territoires, par les acteurs :

Chacun de ces lieux présentent des caractéristiques analogues au regard des critères sociaux habituellement pris en considération lors des diagnostics sociologiques. En particulier, les faits inquiétant légitimement la population sont semblables bien que la réalité des faits violents ou hors la loi soit plus forte dans le quartier des Grandes Barres que dans celui du Parc : Ici,  comme là, les jeunes porteurs de désordre sont connus et lon pourrait les nommer. Ici comme là,  les personnes interrogées  dans les entretiens individuels se répartissent entre les solutions simples de type « Karcher » et les solutions plus  éducatives  qui partent de lhypothèse que la délinquance juvénile est  lexpression dune souffrance  ou témoigne de lerrance morale imputable au « manque de repères » et à la diminution de la dimension de la métaphore paternelle.

Pourtant, nous pouvons mesurer, en écoutant les entretiens principalement des groupes, deux différences notables :

Une différence dabord historique, dans les années  1960 , date de la construction du quartier des Grandes Barres,le militantisme porté par les habitants était davantage tourné vers lintérêt du collectif en terme de changement et daccompagnement des difficultés de la population ; Dans nos réunions, les habitants ont pu discuter, parfois âprement, des problèmes posés par les jeunes et des réponses a priori opposées voire conflictuelles se sont confrontées, certaines éducatives, dautres plus contraignantes.

Dans le quartier du Parc, au contraire, les groupes dhabitants réunis  se sont exprimés en privilégiant  la version  éducative  sur les réponses à construire,  les méthodes plus énergiques ne dépassant pas le cadre confidentiel de lentretien individuel, sans doute par conformité ambiante. De plus, le peu de présence des 2ème  et 3ème catégories de population accentuent ces résultats.

Cette différence, dans la façon de se situer (ou de sabsenter) dans les réunions de groupe, des adultes habitant le quartier du Parc, trouve  sa genèse dans lhistoire de ce quartier. Construit plus tardivement, il  témoigne de la mise en œuvre dun discours, dune utopie portée par certains politiques des années 80,  celle de la mixité sociale. Des couches relativement favorisées des classes moyennes furent volontairement mises en résidence à proximité de couches voulues au départ comme plus ouvrières, et auxquelles très rapidement viennent sajuster des groupes socialement très défavorisés : familles en difficulté de logement, exilées, souvent non francophones (Bien que la moyenne des revenus soit étonnamment plus élevée dans le quartier du Parc que dans les autres quartiers de la Ville, cest aussi dans ce quartier que lon trouve le plus dimpayés de loyers) .

Cette volonté de mixité sociale, fortement revendiquée dans les discours politiques, devenue un mot valise en 90, sest répercutée dès la construction du quartier du Parc chez les habitants les plus favorisés culturellement qui sont plutôt militants associatifs que politiques : Certains se sentaient en quelque sorte investis dune mission éducative vis à vis des habitants les moins favorisés.

En le sachant ou sans le savoir, ils se plaçaient ainsi dans cette structuration sociale et se faisaient les porte-parole dun rendez-vous manqué jusqualors par les politiques: celui du désir « éducatif ».

La non participation de certains groupes de jeunes, pas assez impliqués dans une parole autonome dans les groupes et dans le langage (Ceux, qui posent problème) est, bien entendu, lun des éléments de ces diagnostics sur les territoires .Nous avons peu obtenu dentretiens de leur part dans les deux exemples donnés. Cette absence a des significations très proches dautres actes symboliques comme ceux qui consistent à signer, à marquer leur espace collectif et à en interdire laccès à des jeunes dautres quartiers. Ces conduites ont un sens quil nest pas impossible de déchiffrer : le refus du mode de vie commun de la société adulte  et de ses règles comme la différence des places  généalogiques et institutionnelles. Lidentité se déplaçant sur le lieux « je suis du lieu de… ».

Dans le quartier des Grandes Barres comme dans celui du Parc, force est de constater que certains groupes de jeunes  refusent la main tendue et linvitation courtoise à « parler de ce qui ne va pas ».  Parfois, les pulsions philanthropiques sont  repoussées avec plus de dédain que les brutalités des partisans du « Karcher». Larrivée des CRS, dans le quartier des Grandes Barres, a  laissé des souvenirs inoubliables à certains de leurs protagonistes « jeunes » qui, devenus adultes, évoquent encore les  jeux  avec la police où le danger « nétait pas pour de rire ». Faut-il en conclure quil ny a rien à faire, puisque quoi quon fasse,  la bonne volonté rejoint la mauvaise ? Les situations évoquées ici sont inquiétantes, même si elles le sont moins que les informations récentes sur dautres quartiers difficiles.

En tant que professionnels, ce qui nous inquiète aussi, cest de constater que beaucoup détudes, de redéfinitions de projets, de diagnostics de quartier naboutissent parfois quà refaire avec dautres mots ce qui a été fait préalablement pour  ne rien changer de la vie réelle de ces quartiers : les résultats semblent des invocations à la citoyenneté, au convivial, à la bonne humeur généralisée. Les faits qui posent question sont euphémisés, les propos qui fâchent sont exclus.

Conclusions

Sans vouloir décrire ces interventions jusqu’à leur terme et notamment les changements sur les relations entre les acteurs et entre les habitants et les jeunes , il nous semble important de souligner deux aspects. Le premier consiste à faire travailler la demande telle qu’elle est exprimée au départ avec tous les implicites. C’est un « ancien » résidant dans le quartier depuis sa construction, qui nous donne l’une des clefs du quartier du Parc « La Mairie, nous dit-il, voulait conserver les ouvriers et répondre aux besoins des couches supérieures : alors que le quartier devenait cité, une malheureuse cité comme les autres, un petit groupe d’intellectuels introduisaient des activités de style théâtre pour la partie de la population prolétaire du quartier , mais  les enfants des cadres ne voulaient pas avoir de copains sur ce quartier, et leurs parents n’avaient pas de relation avec les habitants ordinaires… ».

Le « groupe de pilotage » mettra longtemps à digérer lintroduction de cette constatation dans le diagnostic, mais on ne pourra plus à partir de là se contenter de chercher des activités éducatives pour les adolescentsou pour leurs parents sans tenir compte de la ségrégation coutumière.

Le deuxième aspect est précisément celui de lhistoire qui, nous venons de le voir, permet de comprendre des paroles qui risquent autrement dêtre considérées comme marginales ou trop en dehors du consensus admis. Les histoires de ces deux territoires : histoire du peuplement, mais aussi histoire des représentations et histoire des règles symboliques concernant les relations et les communications entre les habitants et les groupes dhabitants, sont singulières et à lorigine dattentes et dimaginaires différents. Le diagnostic dans un premier temps, puis les travaux de groupes lors de la recherche de solutions collectives ont à les travailler, cest-à-dire à les déconstruire en partie.

Ce travail délaboration collective dont la dimension formatrice est vite perçue par ses participants est bien évidemment dune autre nature que ces procédés composites auxquels nous ont habitués  certains cabinets de communications, où quelques personnes ressources  sont invitées à défendre et échanger des points de vue et des positions institutionnelles par rapport aux résultats de sondages dopinion ou au moulinage de données statistiques judicieusement choisies par des experts qui se présentent comme tels.

Il nexiste pas de solution simple, linvitation au dialogue avec les jeunes est insuffisante et  nous avons à inventer avec eux un autre mode de relations. Cela passe aussi par un mode , moins discriminatoire et moins violent sur le marché du logement et du travail, plus orienté vers des valeurs de fraternité. Ce dernier concept soubliant volontiers au profit de celui de compassion.

Si nous souhaitons que ces groupes dadolescents ne dérivent pas vers des formes sociales régressives, parfois proches du pire de ce que nous avons pu rencontrer du temps de notre propre histoire, il faut augmenter la possibilité den débattre  avec tous les intervenants et mettre en place des projets globaux et systémiques de longue durée avec la participation de tous les adultes professionnels ou non et des parents dans leurs diversités culturelles.

La durée fait partie des conditions liminaires pour construire quelque chose qui parte de la réalité, sans la dénier, et cest dans la durée que pourront voir se décliner des actions modifiant, de façon significative, léquilibre social et relationnel en place sur les territoires.

Danièle Weiss , psychosociologue, membre du Cirfip

Patrice Lorrot, Psychologue clinicien, Directeur d’Ariane ; e-mail : Ariane21@wanadoo.fr


Bibliographie :

ENRIQUEZ,E « Positions de la Psychosociologie »,Revue internationale de Psychosociologie n°1 p. 5-15

LEVY,A «  Positions de la Psychosociologie », Revue Internationale de Psychosociologie n°1,p.17-26

HALTER ,JP ; LORROT ,P ; WEISS D « Pratiques psychosociologiques et Politique » ,Revue Internationale de Psychosociologie n°22,p.122-132

Résumé :

Cet article a pour objet de mettre en rapport les demandes qui émanent des habitants  et des acteurs sociaux, le moment de cette demande, et l’histoire des quartiers, pour améliorer la vie ensemble et les relations  avec les jeunes. L’analyse se fait à partir de deux interventions psychosociologiques sur des quartiers construits dans des périodes avec une distance d’une trentaine d’années .

Mots Clés

Territoire – Histoire- Demande- Mixité sociale et intergénérationnelle.

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Categories: Ecoles - Familles

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