Dans un référé adressé le 11 juillet 2012 au ministre de l’éducation nationale sur « l’égalité des chances et la répartition des moyens dans l’enseignement scolaire », la Cour relève que si une partie des inégalités constatées en matière scolaire trouve son origine dans des conditions externes au système éducatif, l’organisation et les procédures mises en œuvre par le ministère les corrigent mal, et peuvent même dans certains cas les renforcer. :
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L’organisation de l’Éducation nationale et ses procédures ne corrigent pas les inégalités constatées en matière scolaire
1) Le système scolaire français est inégalitaire en termes de résultats des élèves
Selon les enquêtes PISA de l’OCDE la France fait partie des pays où l’écart des résultats scolaires selon les statuts sociaux et les territoires est le plus marqué. L’enquête de la Cour a été menée auprès de l’administration centrale du ministère et dans quatre académies (Aix-Marseille, Créteil, Dijon et Rennes) regroupant près de 20 % des élèves du premier degré et du second degré.
Notre pays se caractérise non par l’ampleur des inégalités de départ dans la situation des élèves, mais par le constat que le système éducatif ne les corrige pas, et contribue même à les renforcer.
2) Les besoins des élèves sont très insuffisamment pris en compte dans l’attribution des moyens aux académies et aux établissements
La Cour observe une absence de corrélation entre les difficultés scolaires constatées sur le terrain et les moyens d’enseignement alloués par le ministère de l’éducation nationale, voire parfois des situations paradoxales, dans la mesure où des établissements confrontés à un échec scolaire important peuvent être moins bien dotés que des établissements qui ont des taux de réussite plus élevés.
De façon générale, la Cour observe que la dotation globale horaire par élève est davantage corrélée à la taille de l’établissement qu’aux difficultés scolaires des élèves.
Le ministère utilise en effet des modèles d’allocation, entre académies et entre établissements, qui reposent sur des critères désormais largement inadaptés aux objectifs du système éducatif – tels que l’appartenance à une zone rurale ou urbaine, la catégorie socioprofessionnelle moyenne des familles, la proportion de minima sociaux – mais non sur la prise en compte directe des difficultés scolaires. Ces modèles méconnaissent les écarts de résultats à l’intérieur des académies, qui peuvent être considérables. Ils aboutissent souvent à une forte inertie dans la répartition des moyens.
L’analyse de ces modèles fait aussi ressortir un manque de transparence, puisqu’il n’est pas possible de calculer à partir de critères explicites les dotations qui seront accordées aux académies.
3) Le mode d’allocation des moyens doit être utilisé davantage comme un outil de réduction des inégalités scolaires
Des méthodes différentes de répartition des moyens d’enseignement pourraient être mises en œuvre. La Cour recommande en conséquence de fonder l’allocation des moyens d’enseignement prioritairement sur un recensement précis des besoins des élèves et sur une répartition mieux ciblée, qui pourrait se faire au niveau des bassins de formation. Ce rééquilibrage devrait être complété par une redéfinition de la carte des formations permettant de mieux assurer l’égalité des chances, une sectorisation mieux orientée vers la mixité sociale et scolaire, et une politique d’éducation prioritaire plus concentrée sur les établissements à forte difficulté scolaire.
Un « référé » est une communication de la Cour par laquelle le Premier président fait connaître au Premier ministre et aux ministres les observations et recommandations formulées par la Cour sur la gestion des services de l’Etat et des autres organismes publics, y compris les institutions de sécurité sociale (article R. 135-1 du code des juridictions financières).
A l’issue du délai de deux mois dont disposent les destinataires pour y répondre, les référés, accompagnés des réponses qui leur sont apportées, sont transmis aux commissions des finances et, dans leur domaine de compétence, aux commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat (article L. 143-5).
Les référés sont désormais rendus publics, dans des conditions qui respectent le principe de contradiction qui s’impose aux travaux rendus publics par la Cour, conformément à la mission d’information des citoyens que l’article 47-2 de la Constitution assigne à la Cour des comptes et aux nouvelles dispositions de la loi du 13 décembre 2011 qui lui permettent, sans autre réserve que le respect des secrets protégés par la loi, de rendre publiques toutes ses observations et ses recommandations.
Référé complet en PJ