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L’organisation de l’espace de transmission des savoirs joue un rôle important dans la réussite éducative. Mais en dépit de quelques initiatives, les établissements et les salles de classe conservent en France un schéma « classique ». L’organisation idéale ? Témoignage de prof et conseils du pédagogue Philippe Meirieu.
Une école primaire avec des élèves mais sans salles de classe. La Suède a tenté l’expérience, à Stockholm, avec l’aide d’une agence d’architecture et de design danoise. Vu de France, le concept paraît saugrenu : une « montagne bleue » comme cour de récréation, une « grotte » pour réfléchir, un « village » pour travailler en petits groupes… Selon la directrice, cette école gratuite et numérique laisse libre cours à la créativité et à la curiosité des enfants.
En France, l’architecture scolaire repose essentiellement sur une conception héritée des années 1960. Beaucoup d’écoles ont été construites pour pallier l’explosion démographique, dans un contexte où la loi Berthoin (1959) a prolongé la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans. « Malgré des efforts depuis la décentralisation », note Philippe Meirieu, professeur en sciences de l’éducation à l’université Lumière-Lyon 2, « les architectes n’ont pas suffisamment travaillé avec les pédagogues. Le modèle de l’école communale et du collège Pailleron, en forme de parallélépipède rectangle, est devenu obsolète sans qu’il ne soit remis en cause. » En revanche, les écoles construites sous Jules Ferry reposaient sur une conception architecturale structurée : « les grands lycées parisiens sont une combinaison des monastères et des casernes, de plus il y avait un projet scolaire. »
Des espaces fourre-tout
Comme au cinéma ou au théâtre, « chaque lieu invite à une posture psychique », indique Philippe Meirieu, « et on ne peut pas dire qu’on ait construit les écoles avec la préoccupation qu’elles invitent au travail intellectuel. Ce sont souvent des espaces fourre-tout construits à la va-vite. » A deux exceptions près : les espaces sportifs et et les CIO.
L’organisation de la classe ne doit pas non plus être négligée. Les élèves ont besoin d’un « territoire collectif » avec un espace personnel. Et l’aspect de la classe influe sur la qualité du travail des élèves : « Si la classe est rangée, avec des consignes au tableau, les enfants auront un autre état d’esprit que s’ils voient un sol jonché de papiers », souligne Philippe Meirieu.
Mathilde(1), institutrice en banlieue parisienne, regrette toutefois une faible marge de manœuvre : « Ma classe étant nombreuse et remuante cette année, je suis restée dans une organisation frontale pour minimiser les interactions entre les élèves qui perturbent la classe. Je suis plus à l’aise avec mon bureau en face d’eux : je les vois, ils me voient. Et je circule pour voir où ils en sont. De temps en temps, lors de travaux de groupes, on peut bouger les tables. Mais avec mes 28 CE2, organiser un travail par groupes demande un tel déménagement, que je n’en ai quasiment pas fait. » Quant à l’organisation des tables en U, fréquente lors des formations adultes, Mathilde ne la juge pas adaptée : « ce n’est pas facile pour circuler entre les élèves et il faut une grande salle sinon, on doit faire plusieurs U les uns dans les autres."
Afficher 3 ou 4 plans de tables dans la classe
Pour Philippe Meirieu, il n’existe pas de « meilleure » organisation : « Tout dépend du type de travail. L’organisation en auditorium est utile pour se focaliser sur les consignes. Mais à d’autres moments, il sera plus pertinent de regrouper les tables en petits rectangles. L’organisation de la classe doit correspondre à la posture mentale que l’on veut susciter. Il peut y avoir de l’appréhension mais il faut toujours se demander si la disposition de la classe est la plus à même de faciliter le travail des élèves. »
Selon Mathilde, « ce qui bloque surtout le mouvement en classe, c’est le bruit engendré, la dissipation des élèves qui ont du mal à se reconcentrer après le déménagement et le temps perdu ! Il faudrait peut-être des tables sur roulettes… »
Si le mobilier n’est pas toujours adapté, « trop souvent les changements sont faits dans la précipitation », estime Philippe Meirieu. La solution ? « Demander aux élèves de se mettre contre le mur ou de sortir dans le couloir et en solliciter deux ou trois pour déplacer les tables. Je suggère de faire 3 ou 4 plans de tables en fonction du type d’exercice et de les afficher dans la classe. »
Et aux profs débutants, Philippe Meirieu conseille la minutie : « il faut être très précis et matérialiste. Les enseignants doivent être attentifs à ne plus laisser de vieilles affiches au mur et des paquets de cahiers mal rangés. Ce sont des signaux négatifs. » Ne dit-on pas que le diable est dans les détails ?
Charles Centofanti