L’ASSOCIATION CERISE
(Centre d’Echanges, de Recherches et d’Initiatives Sociales et Educatives)
à Nanterre dans « Mille et un territoires se mobilisent avec les parents pour la réussite de tous les enfants »
Le contexte local
Le quartier du chemin de l’Ile, où est située l’association, est composé de 70% de logements sociaux, d’un tissu pavillonnaire dégradé et de zones industrielles en activité (8000 emplois). Il est enclavé entre la Seine, l’Autoroute 86 et le Réseau Express Régional. Il bénéficie de nombreux espaces verts et aires de jeux.
La population est étrangère pour 16%, avec de nombreuses familles primo – arrivantes, mais aussi des familles issues de l’immigration installées depuis plusieurs générations. Les habitants ont, pour 70%, un niveau d’études inférieur au bac tandis que 27,7% des jeunes sont chômeurs. La part importante de familles mono – parentales accentue la précarité économique. Enfants et migrants y expriment subir trois fois plus de discriminations que dans le reste de la ville. Un seul gros équipement du quartier (maison du chemin de l’Ile) accueille le centre de loisirs, le dispositif « après l’école » et la vie associative festive. Les habitants fréquentent peu les activités culturelles ou de loisirs de la ville et la vie associative du quartier est peu coordonnée.
Les familles des enfants accueillis à CERISE ayant des difficultés socio- économiques, elles ont du mal à anticiper l’avenir (inscriptions aux centres de loisirs et dispositif « après l’école ») et à en payer leur coût. Notre présence dans deux locaux du quartier, en proximité directe du quotidien, renforce la confiance des parents.
Le rôle de CERISE : historique, fonction, programme d’action
CERISE, créé en 1991 à partir de la volonté d’habitants et d’élus face à la forte délinquance locale, était, jusqu’en 2008, rattaché à un club de prévention. Une partie des habitants, issus des anciens bidonvilles ou cités de transit, l’ont fréquenté et en ont une image positive.
La réorganisation depuis 2009 a modifié les statuts, élargi les missions et le Conseil d’Administration pour l’ouvrir à la participation des parents et des jeunes du quartier qui en représentent les 2/3 aujourd’hui.
Notre fonction principale est l’accompagnement à la scolarité dans ses principales dimensions : soutien à la scolarité et à la parentalité, ouverture citoyenne et culturelle, traduit par un programme d’actions :
- aide aux devoirs du Cours Préparatoire à l’entrée en Brevet de Technicien Supérieur (BTS) ou à l’Université, 6 jours par semaine, la moitié des vacances scolaires (130 à 150 enfants et jeunes) ;
- ateliers thématiques réguliers ou occasionnels: sciences, musique, danse, sports, travaux manuels, jardin, cuisine, informatique… et toutes opportunités de compétences;
- accueil et suivi des exclus du collège et études dirigées dans le collège;
- suivi des élèves fragiles en 6ème (Programme de Réussite Educative – passeport 6éme) et tutorats individuels par bénévoles et salariés ; suivis d’enfants en situation de handicap, primo arrivants et leur famille, dans leurs démarches administratives ;
- appui aux démarches d’orientation (scolaire, médicale…) en luttant contre les orientations non choisies vers le secteur professionnel;
- projets théâtre (thèmes violence, discriminations) et cinéma/cirque avec des étudiants de grandes écoles aboutissant à des productions ;
- projets santé (conduites à risques, cuisine…);
- 100 sorties ou actions locales annuelles : participation à 9 fêtes locales, 15 cafés philos lycéens ou collégiens, émissions de radios, musées, spectacles locaux ou parisiens, en moyenne 3 par semaine.
Zeyd, Ayoub, Chayma, Nour, Azzedine, Adam, Bachir nous ont dit : «ici, on peut travailler, jouer, faire des exercices, regarder l’ordinateur pour s’aider, lire des livres. Faire des sorties ou jouer dehors aux jeux de ballon et au foot, jouer avec des amis au mikado géant ».
Un nouvel outil: le jardin partagé : depuis un an, nous «exploitons» un espace proche du local au milieu de tours, lieu de passage des habitants : enfants et adultes plantent, arrosent, goûtent ensemble ; les anciens donnent des conseils, les petits découvrent et bricolent des aménagements avec les bénévoles. Ce projet a été présenté aux rencontres de l’Institut Renaudot en novembre 2016 à Amiens
Le groupe de parents
Depuis plusieurs années, un groupe de mères (et de grands-mères) à géométrie variable (entre 3 et 10) se réunit un matin tous les 15 jours autour d’un café,Depuis 3 ans, un groupe de mères à géométrie variable (entre 3 et 10) se réunit toutes les 3 semaux ou parisioartier est peu str échangent sur leur vie quotidienne, leurs difficultés éducatives et font des propositions.
Si aucun père ne participe à ce groupe, plusieurs sont présents au quotidien (venant chercher les enfants), encadrent des sorties, voire aident au bricolage. Certains ont des problèmes de santé lourds mais assurent largement leur fonction paternelle.
Les parents expriment leurs problèmes face aux difficultés scolaires de leurs enfants, ont le sentiment de ne pas savoir comment les aider dans leurs devoirs, d’être «convoqués» pour des problèmes de comportement ; par contre, une partie des mères, adhérentes à la FCPE (Fédération des Conseils de parents d’élèves), agissent en soutien à notre action «accueil des exclus du collège » pour contacter les parents concernés. Venant vers l’association, ceux-ci discutent de tous problèmes éducatifs : mauvais carnet, orientation scolaire ou médicale, vécu de conflit discriminatoire. Nous accompagnons leurs réflexions et démarches, construisant de la bienveillance partagée dans le groupe pour suivre les parcours éducatifs à long terme de leurs enfants. Ainsi le père de S (porté sur « l’emprunt de mobylettes ») nous dit : «ici j’ai confiance, je sais que vous nous aidez à ce qu’ils évitent les bêtises, à s’intéresser à d’autres choses, se sentir responsables ».
Régulièrement, lors de nos contacts avec les équipes éducatives dans le cadre du Programme de Réussite Educative, on nous demande de créer des liens avec les parents des enfants concernés.
Mais le groupe de parents s’investit aussi dans des propositions d’activités de loisirs culturels : sorties aux musées (Institut du Monde Arabe, musée archéologique de Saint Germain en Laye, qu’ils répètent avec leur famille plus tard), au théâtre (Biyouna, actrice algérienne), au cinéma.
Des temps conviviaux sont partagés : ainsi, en octobre, des parents souhaitaient fêter l’Aïd Al Kabîr et nous avons proposé un échange culturel avec des familles tibétaines entre les religions musulmanes et bouddhistes (avec échanges de thé et gâteaux).
Les temps festifs nombreux, souvent à la demande des parents, pour se retrouver autour de plats préparés en commun favorisent l’interconnaissance entre les différentes populations du quartier et la naissance de solidarités interculturelles
Depuis plusieurs années, les familles organisent une brocante de quartier et nous participons au «printemps de l’Egalité » en mars, avec des projections-débats de films. Un moment clé y est le célèbre « brunch de garçons pour les femmes » le dimanche matin, qui a des effets sur la participation des jeunes garçons aux tâches culinaires dans leur famille. Ainsi, à partir d’un moment de fête pour une minorité ethnique, peut-on éduquer dans le plaisir, sans mépris pour la culture d’une communauté particulière, aux mœurs que des citoyens soucieux des droits de tous et de toutes essaient de propager, y compris dans la majorité qui, si l’on en juge par de récentes mises en accusation d’élus en France, comporte autant de « machos » qu’ailleurs.
Nous avons aussi une démarche intergénérationnelle avec un foyer de résidents étrangers dans un autre quartier de la ville avec des temps communs (sorties, repas, films). Mouloud, président des résidents du foyer, explique aux enfants ses conditions de vie d’enfant au Maroc, l’eau au puits, le tissage du linge par sa mère.
Durant l’année 2015, un groupe de mères constitué dans CERISE, puis en association « Regard des parents », visait à offrir aux familles des vacances ; ce groupe, malgré des soutiens municipaux, n’a pas réussi à se maintenir au-delà d’un séjour de vacances mais démontre les besoins d’accès aux loisirs des familles du quartier
Les jeunes
Depuis plusieurs années, CERISE recrute des «services civiques» pour une année scolaire, dont un jeune lycéen pour garder le contact avec cette classe d’âge. Dans leurs fonctions, au-delà de l’aide aux devoirs, ils sont individuellement responsables de projets en fonction de leur appétence et capacités ; ainsi l’an dernier, une lycéenne a monté un projet «femmes élues» avec une subvention et l’a présenté à la radio locale.
Ugo témoigne : «j’ai rejoint l’association par le biais d’amis et je ne l’ai plus quittée, en participant à de nombreux projets qui m’ont fait goûter à la vie associative. Cerise m’aide dans mon parcours scolaire chaotique ce qui m’a donné l’envie de poursuivre des études post bac. L’association nous pousse à ouvrir notre esprit critique notamment les cafés philos organisés mensuellement ».
Deux fois par an, l’association organise avec et par les jeunes, dans des villes européennes, des séjours européens de 5 jours. Ils préparent tout le voyage (réservations, visites, budgets) à Londres Berlin, Bruxelles, Bilbao, Milan, Barcelone, Lisbonne, Prague… Ces temps de vie collective structurent les groupes et nous y acceptons des jeunes «fragiles », parfois exclus scolaires avec des situations familiales complexes – placement, suivi ASE (Aide sociale à l’enfance) ; pour la moitié, les familles refusaient tout départ collectif scolaire ou de loisirs auparavant.
Les jeunes portent aussi les actions citoyennes sur le quartier : cafés philos lycéens et collégiens, choisis, préparés et débattus par eux permettent d’acquérir des capacités d’expression, d’ouverture d’esprit qui nous étonnent souvent
Les tee shirts débats : sur un thème commun, une question inscrite sur son tee shirt est posée aux habitants de la ville avec un partage des réponses et un questionnement commun
C’est pourquoi nous avons souhaitons les intégrer dans la démarche « 1001 territoires », car méconnaître la fonction des fratries et des jeunes pairs dans la question éducative nous semble une erreur fondamentale.
CERISE et la campagne nationale Mille et un territoires se mobilisent avec les parents pour la réussite de tous les enfants
Un groupe de mères venu au bilan «En associant les parents » à Saint Denis en avril 2015 a rencontré les parents des villes engagées dans le projet ; elles y ont retrouvé les mêmes difficultés avec l’école, l’orientation scolaire, l’exclusion vers les structures spécialisées décrites par ces parents, souvent, comme elles, issues des diversités. Plusieurs des parents engagés à la FCPE sont délégués dans leurs établissements scolaires, parfois depuis plusieurs années (Miloud au lycée) et nous allons nous rapprocher institutionnellement de cette association
Notre relation avec le collège est quotidienne, mais l’équipe souvent renouvelée ne veut pas s’engager dans une démarche extérieure. Nous avons un lien régulier avec les deux écoles élémentaires et le Centre Social et nous visons à les formaliser dans « 1001 territoires » durant l’année 2016 – 2017
Nous avons organisé en août 2016 un séjour à Poitiers, rencontré les collègues du centre social la Gibaudière et visité le Futuroscope
25 bénévoles participent à la vie associative de façon régulière selon leur disponibilité et leurs envies. CERISE, dans le cadre de l’association PRISME (Promotion des initiatives sociales en milieux éducatifs), participe aux universités d’été, à des colloques sur l’éducation, à des recherches pour le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) qui, au-delà de co – financements, permettent à chacun d’élargir son champ de compétences.
Martine Fourier
Fondatrice de CERISE