Intervenant le 22 janvier lors de la journée d’étude organisée par l’Observatoire nationale de l’enfance en danger (Oned) et par le GIP « Enfance en danger » (Giped) – qui gère notamment le 119 -, Laurence Rossignol n’a pas dissimulé l’intention de l’Etat de reprendre en main la gouvernance de l’enfance en danger. La ligne sans ambiguïté de son intervention est d’autant plus à souligner que cette prise de position – qui prolonge une orientation développée depuis plusieurs mois (voir notre article ci-contre du 18 mai 2015) – intervient à un moment clé.
Une question de gouvernance
D’une part, les relations entre l’Etat et les départements ne sont pas vraiment au beau fixe autour des politiques sociales, avec en particulier la question du financement du RSA. D’autre part, la proposition de loi relative à la protection de l’enfant – elle aussi « reprise en main » par le gouvernement – est en passe d’achever son parcours parlementaire (voir nos articles ci-contre).
Dès la première phrase de son intervention, la secrétaire d’Etat chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie ne le cache pas : « Lorsque j’ai amorcé le travail autour de la protection de l’enfance, il y a plus d’un an maintenant, les questions de gouvernance me sont vite apparues comme un levier majeur de réforme de cette politique publique. » Elle se dit en particulier « frappée par les inégalités territoriales, le besoin de cohérence et de repères des acteurs, ainsi que par les difficultés d’articulation des interventions liées aux différences des cultures et des approches professionnelles ». Et il faut attendre la sixième page de son discours pour que soient enfin cités les départements, en charge de la protection de l’enfance depuis 1983…
« L’Etat a un rôle… »
Certes, le but est alors d’expliquer qu' »il ne s’agit pas de dire que l’Etat vient entamer le champ de compétence des départements, chefs de file incontestables de cette politique ». En revanche, « il s’agit de dire qu’au sein de la protection de l’enfance, l’Etat a un rôle. Ce rôle c’est celui de donner du sens à la politique publique de la protection de l’enfance, de lui apporter le cadre nécessaire à l’épanouissement des initiatives et des singularités locales, tout en assurant à chaque enfant sur tout le territoire la même qualité de service public, la même attention portée aux difficultés qu’il rencontre ».
S’il était encore nécessaire d’être encore plus clair, la ministre précise que « tout l’enjeu est de trouver le juste point d’équilibre entre le pilotage départemental de cette politique décentralisée, et la mise en place d’un pilotage national, à la fois garant et facilitateur ».
La feuille de route 2015-2017 et la proposition de loi Enfance
En pratique, cette reprise en main s’appuie sur deux outils. Le premier est la « feuille de route 2015-2017 pour la protection de l’enfance » et les 101 pistes d’action qui la compose » (voir nos articles ci-contre des 4 et 23 juin 2015). Le second est la proposition de loi relative à la protection de l’enfant, dans laquelle le gouvernement a introduit ou fait introduire « certains ajustements du cadre juridique », mais aussi « une philosophie partagée de la protection de l’enfance ».
Les tensions autour de ce texte se sont cristallisées autour de la création d’une « instance nationale de pilotage » : le Conseil national de la protection de l’enfance » (CNPE), initiée par le gouvernement et soutenue par la majorité. A l’inverse, le Sénat s’y est fermement opposé, en supprimant par deux fois la disposition. Lors de la réunion de la commission mixte paritaire (CMP) chargée de trouver un accord entre les deux chambres, Alain Milon – sénateur (Les Républicains) du Vaucluse et vice-président de la CMP – avait ainsi rappelé que « la position du Sénat est que ce sont les départements qui sont en charge de cette politique publique et qu’il ne saurait y avoir au-dessus d’eux autre chose que la loi, et en particulier aucun conseil national qui viendrait leur imposer ses choix ».
Faute d’accord en CMP (voir notre article ci-contre du 18 janvier 2016), c’est finalement l’Assemblée qui imposera son texte, avec la création du CNPE. Mais le débat sur la « recentralisation » de la protection de l’enfance – s’il est plus discret que celui sur la recentralisation du RSA – est sans doute loin d’être achevé…
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