Quatrième volet de ma conférence prononcée à l’INETOP en septembre 2015. Il entame mon interrogation : comment les procédures d’orientation ont-elles évoluées, et comment les conseillers se sont organisés ?
Des aspects historiques ont déjà été abordés dans les documents suivants :
Sur ce blog : L’orientation dans le secondaire : effets des procédures
Un powerpoint de 2007 pour un atelier débat à l’ESEN : Les procédures d’orientation
Et un article, Bernard Desclaux : « La procédure d’orientation scolaire : une évidence bien française, » in TransFormations n° 3 mars 2010, pp. 77-96
La réforme Berthoin et sa procédure
Nos procédures d’orientation réglementent la manière dont les élèves circulent dans le système scolaire secondaire, et le rôle des différents acteurs qui y interviennent. D’une manière générale, on peut dire que l’on est passé d’une conception autoritaire à une conception plus ou moins négociée. Ce faisant, les enseignants ont ressenti cette évolution comme une perte de pouvoir. J’ai présenté ce point de vue dans Apprendre à s’orienter, d’hier à aujourd’hui (V), ou le déclin de l’organisation du pouvoir d’orienter et dans Apprendre à s’orienter, d’hier à aujourd’hui (XI), ou la contrariété des procédures.
Lors de la réforme de 1959 et de la première formulation des procédures d’orientation (avant on parlait de « passage en classe supérieur ») une ambiguïté fondamentale s’inscrit. D’un côté on demande aux conseils de classe de statuer sur la base de l’appréciation des aptitudes des élèves, mais en même temps, la circulaire du passage en classe supérieure, qui est rappelée régulièrement depuis 1880, fait reposer les décisions sur les moyennes obtenues lors des épreuves trimestrielles.
Difficile d’apprécier les « aptitudes » sans que soit défini comment on les apprécie, ni en quoi elles consistent. Et l’absence de « normes » est aussi inquiétante : rien n’est dit quant à la correspondance entre un « type d’aptitude » ou son niveau, et les types d’enseignement. C’est aux acteurs locaux de se débrouiller ! La régulation est de la responsabilité des acteurs locaux, et la seule qui existe est en fait l’offre de formation, la carte des formations, les places disponibles, connaissance des COSP. En 1959 l’affectation n’existe pas encore (il faut attendre les années 70). On « remet l’enfant à sa famille » qui doit se débrouiller pour lui trouver une place. Or les COSP ont accès au réseau des établissements techniques.
Dans ce contexte, les conseillers avec leurs tests (interprétés comme évaluant les capacités de l’élève), et leur connaissance du système scolaire (ils seront de plus en plus amenés à circuler eux-aussi dans l’ensemble du système) seront des aides précieux. De fait les rôles des conseillers d’orientation vont s’organiser après cette réforme de 1959 autour de deux grands rôles. Dans les conseils de classe, ils seront informateurs sur les aptitudes (le testing s’est généralisé dans les classes de sixième), mais ils y sont tout de même de grands spectateurs jusqu’à la réforme de 1973. Ils seront également des intermédiaires avec l’enseignement technique (rôle de placeurs). C’est à ce moment qu’ils vont développer une pratique organisée autour de la gestion-production de dossiers individuels.
Les nouvelles procédures d’orientation
En 1973, peu de temps avant l’instauration du collège unique (1976), de nouvelles procédures d’orientation (c’est d’ailleurs ainsi qu’on les appelle à l’époque) sont instaurées. En 1959, il y avait eu un premier coup de « boutoir » contre le pouvoir absolu avec le fait que les établissements, à la fin du troisième trimestre, et avant le conseil de classe devait demander aux parents ce qu’ils voulaient ? Heureusement, le seul appel était l’examen. Problème tout de même sur la « valeur de l’évaluation », Edgar Faure en 1969 avait fait supprimer les épreuves trimestrielles, et les enseignants se sont trouvés engagés de plus en plus personnellement dans l’évaluation des élèves, d’où dès lors l’explosion des devoirs et contrôles pour soutenir leur jugement en conseil de classe, ce qui se poursuit encore aujourd’hui.
Avec les nouvelles procédures on peut dire que la déconstruction du pouvoir absolu commence. L’orientation est un dialogue entre parents et enseignants. La commission d’appel apparait. C’est bien le « jugement » qui est remis en cause, ce n’est pas à l’élève de faire la preuve par la réussite à l’épreuve.
La réforme met également en place l’affectation comme pouvoir de l’inspection académique, et les « foires aux dossiers » disparaitront petit-à-petit (pas complètement néanmoins).
Elle met également en place un système fonctionnel (et ce n’est pas après la réforme de 1959 comme je l’ai indiqué dans mon prezi et lors de la conférence. Milles excuses.)
Une architecture fonctionnelle se met en place, un IGEN, et un bureau au ministère (est-ce bien à ce moment-là ?), dans chaque académie, un Chef du service académique d’orientation est nommé comme conseiller technique auprès du recteur. De même au niveau du département, ce sera un IEN-IO. Et un CIO sera implanté dans chaque district scolaire (un lycée et ses collèges qui l’alimentent).
L’arrivée de la gauche et depuis
Elle accentue le mouvement de déconstruction. Le droit au redoublement, la suppression de la décision « vie active » qui fleurissait encore sur les bulletins des lycéens, l’obligation de formuler une orientation scolaire et pour tous les élèves (donc pas l’apprentissage). L’orientation vers la « seconde générale et technologique » fait que le lycée devra se charger du tri scolaire. La suppression de l’examen d’appel. La décision d’orientation n’est pas seulement pédagogique, comme le croient les enseignants, elle est d’abord administrative. Elle doit donc être motivée sinon les recours possibles seront le tribunal administratif, puis le conseil d’état.
En 1992, on introduit la rencontre chef d’établissement-parents après le conseil de classe du troisième trimestre et avant la commission d’appel. Ainsi le chef d’établissement est en capacité de modifier hors du conseil ce qu’il a signé pendant le conseil en tant que proposition, et prendre cette fois-ci une décision, ce qui permet alors aux parents de formuler un appel. A remarquer qu’à ce jour il n’existe aucune statistique sur ce moment de la procédure !
Lors de la dernière réforme du lycée en 2009, un assouplissement des procédures est introduit qui renforce le pouvoir du proviseur et fait que le conseil de classe est de plus en plus dans un rôle de conseiller et de moins en moins dans celui de décideur. Voir deux articles : L’orientation au lycée, réforme nationale ou locale ? et Où en est l’orientation en lycée ? A ma connaissance aucune évaluation n’a été faite de cette réforme !
Enfin en 2014 le ministère lançait l’expérimentation de l’orientation à la main des parents. Vous trouverez une présentation et beaucoup de discussions dans les articles suivants :
L’orientation à la main des parents, une si bonne idée ?
L’orientation à la main des parents, débats
L’orientation entre projet affiché, projet caché, projet oublié
Et dans les Cahiers pédagogiques Orientation : circulez, y a rien à voir !