A la demande de la région Rhône-Alpes, le centre Alain-Savary a conduit une démarche d’évaluation participative avec des équipes de professionnels ayant répondu à l’appel à projet expérimental du plan régional en faveur des jeunes pour le raccrochage en formation et pour l’emploi initié.
Contexte
Le plan régional en faveur des jeunes pour le raccrochage en formation et pour l’emploi mis en place par la région Rhône-Alpes depuis 2011, faisant suite au plan de lutte contre le décrochage et les sorties sans qualification (2008-2011), s’inscrit dans un contexte institutionnel où la question du décrochage est devenue une priorité à la fois européenne (« La lutte contre l’abandon scolaire : une contribution essentielle à la stratégie Europe 2020« ) et nationale des politiques publiques. Depuis 2009, une succession de rapports (rapport de la mission interministérielle permanente d’évaluation de la politique de prévention de la délinquance, 2011, rapport MEN-IGEN-IGAENR , 2013, rapport MEN-SGMAP , 2014), et de textes prescriptifs mettent en place ou réorganisent des dispositifs de travail internes à l’Education Nationale (mise en place des groupes de prévention du décrochage scolaire, GPDS , de la Mission de Lutte Contre le Décrochage Scolaire, MLDS , des réseaux “Formation Qualification Emploi”, FOQUALE) ou partenariaux (mise en place du système interministériel d’échanges d’informations, SIEI , des plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs, PSAD. Voir sur le site du ministère de l’Education nationale la page “la lutte contre le décrochage scolaire”), droit au retour en formation initiale pour les 16-25 ans, mais réattribuent aussi le pilotage de ces dispositifs aux conseils régionaux à travers le transfert de compétence aux régions de l’orientation tout au long de la vie avec la mise en place du Service Public Régional de l’Orientation, SPRO , ainsi que du raccrochage à travers la coordination des plateformes.
Cet enchaînement de rapports et de nouvelles prescriptions pose toutefois des questions majeures :
- De quelle manière les institutions et les professionnels ont-ils pu se les approprier ? Avec quels accompagnements ?
- Ont-ils réellement entraîné des changements dans la prise en compte et la prise en charge des jeunes “décrochés” du système éducatif voire même “décrochés” des structures censées leur proposer un accompagnement comme les missions locales, les CIO, la prévention spécialisée ou encore les PIJ ou BIJ ?
- Se sont-ils traduits par de nouvelles organisations du travail, de nouvelles manières de travailler, de nouveaux moyens, qui permettraient de repérer, d’aller chercher et accompagner ces jeunes ?
C’est donc dans ce contexte chargé que s’est déployée l’expérimentation en Rhône-Alpes à travers l’appel à projet du plan de raccrochage. L’intérêt de celui-ci est certainement d’avoir donné des moyens aux acteurs locaux volontaires de dépasser la seule logique du discours et de la prescription pour réellement aller “se frotter” aux jeunes “décrochés”, avec toutes les difficultés, remises en question, essais et erreurs, réajustements que cela implique.
En effet, si la question de ces jeunes, qui ont, parfois, rompu tout contact avec les institutions, est si difficile à prendre en compte, c’est bien parce que la normativité des institutions et des modalités de travail des professionnels auprès des enfants et des jeunes a provoqué à un moment leur retrait : normativité des résultats scolaires, normativité du travail attendu, normativité du comportement requis, normativité de la démarche volontariste attendue, normativité de l’orientation non choisie, etc…, qui souvent ont empêché la prise en compte humaine et adaptée, de difficultés durables (liées aux apprentissages) ou circonstancielles (liées à l’adolescence, aux ruptures et tensions dans la vie familiale) qui auraient pu maintenir ces jeunes dans un parcours de formation scolaire et/ou professionnel. On pense évidemment à l’institution scolaire, mais on peut aussi se poser la question concernant les organismes de formation, les Centres d’Information et d’Orientation, les Bureaux d’Information Jeunesse et jusqu’aux missions locales. C’est certes la mission de ces dernières d’accompagner les jeunes sortis du système scolaire vers la formation ou l’emploi, mais elles n’ont pas – ou plus – forcément les moyens d’aller chercher les jeunes qui ne font pas – ou pas encore – la démarche de pousser leur porte en se pliant aux contraintes de la prise de rendez-vous et des modalités d’accompagnement proposées par les conseillers emploi/formation.