L’auteur, universitaire belge, en s’appuyant sur des travaux de recherche, examine quarante ans de réformes des systèmes éducatifs à travers de nombreux pays et la manière dont chacun a essayé de conduire le changement pédagogique pour améliorer les performances des élèves. Autonomie des établissements, mise en concurrence des écoles, pilotage par les résultats, programmes tout prêts issus de la recherche et conçus par des experts, etc., les bilans mettent en avant les difficultés, de faibles résultats, voire l’échec. Sans doute fallait-il laisser à ces réformes le temps de produire les effets attendus ? Mais surtout, la qualité de la formation des élèves reste décevante au regard des moyens engagés, tant humains que financiers.
Un des principaux facteurs des échecs de ces réformes est que le système, pour progresser, « ?a besoin d’une évolution des pratiques éducatives des enseignants, mais la structure du système est telle que les autorités ont peu de prise sur ces pratiques? ».
Si les établissements scolaires sont des lieux bien souvent favorables aux innovations, les enseignants résistent aux réformes conçues et planifiées d’en haut. Incitations financières ou sanctions à leur égard ont même peu d’effet sur leur motivation.
Sans doute les enseignants perçoivent-ils dans les propositions de réforme un manque de confiance dans leurs compétences ou la mise en danger des valeurs auxquelles ils sont attachés. Ils ne peuvent surtout adhérer à des réformes trop éloignées des classes, qui conçoivent l’acte d’enseigner comme un exercice purement technique. Enfin, le manque de formation de haut niveau et d’accompagnement dans les établissements au moment où ils en ont besoin leur fait plus percevoir les risques que les avantages à s’engager dans une voie nouvelle.
La plupart du temps, dans les établissements, le travail collectif se limite à des échanges superficiels, sans confrontation sur les pratiques pédagogiques. L’objectif de la formation sera de développer une réflexion collective ancrée dans le travail quotidien de la classe, dans les gestes professionnels, dans les difficultés face aux élèves. Le développement professionnel s’attachera à faire de l’enseignant un praticien réflexif, capable d’analyser son activité, d’argumenter ses choix, de les communiquer, de trouver des réponses aux difficultés nouvelles soulevées par les élèves.
Les conditions de travail au quotidien doivent lui faciliter l’engagement dans le changement, voire lui en donner l’envie : inutile d’attendre du fonctionnement en équipe le développement de communautés d’apprentissage et de la formation par les pairs, si l’organisation du travail dans les établissements ne permet pas la visibilité des activités pédagogiques de chacun aux yeux de ses collègues et les interactions entre les professionnels.
Les enseignants sont des acteurs clés du système éducatif : leur accorder confiance et autonomie dans l’exercice de leur métier, investir dans leur développement professionnel, en fait leur donner du pouvoir sur leurs pratiques et sur leur environnement de travail est un enjeu important dans le pronostic de réussite ou d’échec des réformes éducatives.
Michèle Amiel
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