« Je n’aimais pas l’école. Je n’ai pas de mal à me mettre à le place des élèves en souffrance ». Présidente du Mouvement ATD Quart Monde , Marie-Aleth Grard pilote une mission de la mission éducation du Conseil économique, social et environnemental (le Cese) qui travaille sur la réussite de tous les élèves à l’école, c’est à dire sur l’accueil des enfants défavorisés. Elle remettra en mai un rapport qui devrait faire des préconisations concrètes. Au pays champion des inégalités sociales à l’école, son travail permettra-t-il d’annuler des années d’indifférence ?
« La section éducation, culture et communication du CESE a souhaité mettre en lumière les initiatives et les bonnes pratiques encore dispersées, mal connues, pas assez encouragées ou peu exploitées, qui font fonctionner une école de la République qui libère les potentiels de tous les enfants. Elle lance à travers cette plateforme un appel à témoignage afin de dégager les conditions qui favorisent la réussite de tous les enfants et d’analyser en quoi ces initiatives ou expériences rendent l’école de la République pleinement inclusive ». Près de 5 000 personnes se sont déjà rendues sur le site spécial ouvert par le Cese pour l’enquête en faveur de la réussite de tous lancée par MA Grard.
Une urgence pour l’école française
Parmi la trentaine de membres de la section éducation, MA Grard se distingue. Elle préside aux destinées d’ATD Quart Monde, une organisation non gouvernementale qui est réellement active sur le terrain éducatif. En 2012, déjà, ATD avait réuni une douzaine de mouvements (le Snuipp, le Sgen, le Snes, le Snpden, du coté des syndicats, la Fcpe, la Peep et l’Apel pour les parents et les principaux mouvements pédagogiques : Gfen, Icem, Association Montessori (AMF), Agsas) pour proposer une plate forme commune. Ses militants sont présents sur le terrain, qu’il s’agisse d’enseignants ou de parents solidaires.
Travailler à la réussite de tous est une urgence pour l’école française. On sait qu’environ 140 000 jeunes quittent chaque année l’école sans diplôme. Pisa nous a appris que la France est le pays de l’OCDE où les inégalités sociales sont les plus importantes dans le devenir scolaire. Le pays a développé une éducation prioritaire qui n’arrive pas à assurer le droit de tous à l’instruction. Enfin de plus en plus d’enfants ne sont pas scolarisés. Un nombre important d’enfants ont le sentiment d’être relégués dans des établissements ghettos. Certains se révoltent.
Comment construire davantage de mixité sociale ?
« Depuis la rentrée nous avons visité 8 académies et une quarantaine d’établissements », explique MA Grard. Et nous avons vu des réalisations remarquables ». Elle cite des écoles du Morbihan qui réussissent à redonner le goût des études avec des ateliers basés sur les intelligences multiples. « Les élèves travaillent en coopération. Leur implication est beaucoup plus grande » dans des ateliers qui travaillent les maths et le français. Dans des écoles de La Ciotat elle a vu comment les enseignants s’appuient sur les idées de Freinet. « Un élève m’a dit : « dans l’école « tradi » les professeurs pourraient parler aux murs. Ici ils ne peuvent aps : on pose trop de questions ».
L’objectif c’est aussi de réfléchir sur la mixité sociale à l’école. « On travaille avec les associations de parents pour qu’elles apprennent à leurs membres ce que sont les parents des familles pauvres. Sur ce terrain l’Apel est en avance. Elle propose déjà un guide. Il y a aussi les communes qui refusent de scolariser des enfants, Roms ou gens du voyage. Une situation inadmissible ».
« Il faut que les Français comprennent que la mixité sociale à l’école c’est leur intérêt », continue MA Grard. « Non seulement les enfants favorisés ne vont pas voir baisser leur niveau mais ils vont apprendre des choses utiles pour leur avenir ». Pour cela il faut un gros travail qui passe par la découverte des familles populaires. « Les parents ne les connaissent pas. Mais les enseignants non plus. Ils découvrent tardivement ces familles. Et ils font des erreurs. Pourtant, elles sont si attachées à l’Ecole et elles y mettent tellement d’espoir », dit MA Grard. « Elles veulent que leurs enfants réussissent à l’école. Or elles observent les progrès de la médicalisation dans les réponses de l’institution scolaire. On pousse vers le handicap les enfants à qui on ne sait pas enseigner ».
Des recommandations à la mi mai
La section éducation du CESE devrait publier son rapport vers la mi mai, au même moment que le rapport Delahaye sur la grande pauvreté. « On fera des préconisations », promet AM Grard. « On demandera une formation pour les enseignants à l’accueil des enfants des familles défavorisées. Il faudra aussi qu’ils apprennent comment dialoguer avec els familles du milieu populaire. Quand l’élève voit que le srelations sont bonnes entre l’école et la maison alors tout va bien. On demandera aussi un cadrage pédagogique. Toutes les pédagogies ne se valent pas », dit MA Grard. Les préconisations devraient aller dans le sens du référentiel de l’éducation prioritaire ». Elle verrait bien une formation des enseignants aux pratiques de l’école Montessori. « »Montessori apprend aux enseignants à se positionner devant les élèves », dit-elle. « Il va falloir aussi apprendre aux enseignants à faire de l’analyse de pratiques ». Toutes ces recommandations devraient être publiées avec le rapport que prépare JP Delahaye.
Soutenu par le Cese et le ministère, ATD arrivera-t-il à percer les murailles de l’indifférence ? La persistance de 150 000 sorties sans qualification chaque année, la masterisation qui éloigne les futurs enseignants des classes populaires, la ségrégation urbaine, tout cela donne à penser qu’il y faudra beaucoup de foi. Mais le mot ne fait pas peur à ATD quart Monde.
François Jarraud
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