La lutte contre le décrochage scolaire devient une priorité du gouvernement.
En France, 140 000 jeunes sont concernés chaque année. Décryptage avec l’Insee des « profils à risque » et des pistes préventives.
Diviser par deux le nombre de jeunes en décrochage scolaire d’ici la fin du quinquennat, c’est l’objectif affiché par François Hollande. Le gouvernement dit en faire sa priorité et le Premier ministre a détaillé fin novembre, un plan de 50 millions d’euros chaque année. Le projet prévoit des stages de découverte de l’entreprise pour les jeunes en échec scolaire, une formation complémentaire des enseignants pour mieux détecter les signes avant-coureurs et la mise en place d’un numéro vert pour conseiller les parents. Le redoublement deviendra lui exceptionnel.?
Mais au fait, qu’entend-on par «?décrocheur?»?? Selon le code de l’éducation, il s’agit d’un élève qui «?quitte un cursus de l’enseignement secondaire sans obtenir le diplôme finalisant cette formation?». 140?000 jeunes se retrouvent dans cette situation chaque année selon le gouvernement. Dans une grande enquête*, l’Insee a distingué trois grands «?profils à risque?». ?
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Trois profils à risque?
1 – Les élèves en difficulté en sixième?
Le premier groupe représente près de la moitié des décrocheurs. On y retrouve des élèves «?de faible niveau scolaire?» dès l’entrée au collège. Ainsi, en début de classe de sixième, 60?% étaient parmi les élèves les moins bons en lecture et un tiers d’entre eux avait déjà redoublé au primaire. Ils ont ensuite quasiment tous redoublé une classe. Ces jeunes sont aussi issus de milieux plus défavorisés. La moitié d’entre eux ont un père ouvrier et 60?% une mère sans diplôme. Plus déterminant encore peut-être, les parents ne voient pas leurs enfants faire de grandes études?: un tiers des familles seulement visent le bac comme priorité. Les élèves qui sont confrontés aux plus grandes lacunes en français et en mathématiques décrocheront dès le collège ou plus tard au cours d’une section professionnelle (BEP ou CAP). ?
?2 – Les parcours de vie perturbés?
Mais tout n’est pas joué d’avance. Les décrocheurs sont parfois de bons élèves qui vont quitter leur cursus scolaire suite à une situation familiale ou personnelle difficile. C’est le cas notamment du deuxième groupe distingué par l’Insee qui représente un tiers des décrocheurs. À l’entrée en sixième, beaucoup n’ont pas de difficultés scolaires notables et certains figurent même parmi les meilleurs élèves. Ils connaissent pour la plupart un parcours sans embûches jusqu’au lycée. Pourtant, la moitié des membres de ce groupe vont quitter l’école en classe de terminale. Parmi les décrocheurs, un quart a vu ses parents divorcer (contre 20?% pour les non-décrocheurs) et un autre quart voit également sa scolarité perturbée par un événement grave survenu à ses parents (décès, maladie ou accident). ?
?3 – Les jeunes des classes spécialisées?
Le troisième «?profil à risque?» étudié par l’Insee regroupe des élèves orientés dès le collège vers des classes spécialisées type segpa ou troisième d’insertion (ils représentent 21?% des décrocheurs). À l’entrée en sixième, ils ont déjà tous au moins un an de retard et nombre d’entre eux se situent parmi les moins bons élèves pour le français, la lecture ou les mathématiques. Dotés d’un très faible niveau scolaire, beaucoup de ces jeunes sont issus de familles nombreuses (44?% vivent dans une famille de quatre enfants ou plus). Ils ont aussi plus souvent un père de nationalité étrangère (24?%) et seulement un tiers sont des filles. Un quart arrêtera l’école dès le collège.?
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Des dispositifs de prévention ?
Passé le constat, comment enrayer le phénomène?? Le plan gouvernemental prévoit trois axes d’action?: mobiliser davantage les parents, améliorer la prévention, et donner une nouvelle chance aux élèves en échec scolaire. Des structures-pilotes dédiées aux jeunes «?raccrocheurs?» fournissent déjà des résultats encourageants. À Paris, le Pôle innovant lycéen propose à ces élèves un dispositif en alternance avec des associations humanitaires, ou la réalisation d’un projet de solidarité. Ces écoles s’inspirent souvent des travaux de Serge Boimare. Ce psychopédagogue, auteur notamment de L’Enfant et la peur d’apprendre (3e éd., Dunod, 2014), estime que pour progresser, plutôt que bachoter, les élèves doivent travailler sur des questions complexes et ambitieuses avec une place de choix pour la philosophie et les activités culturelles. D’autres expérimentations privilégient la détection des «?décrocheurs potentiels?» dès l’entrée au collège. Au Québec, par exemple, des chercheurs de l’université de Montréal ont mis au point une «?trousse d’évaluation?». En début de sixième, le test jauge le risque de décrochage des élèves d’après quatre profils-types (décrocheurs sous-performants, discrets, désengagés et inadaptés). Le dispositif a permis de réduire jusqu’à 90?% le taux de décrochage dans certains établissements québécois et depuis l’année dernière l’académie de Rouen a décidé de l’expérimenter en classe.
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