Introduction de Jean-Pierre Villain, Président de la Fédération Générale des PEP |
Selon Jean-Pierre Villain, on peut entendre trois choses par parentalité, ce qui ne veut pas dire que ces trois niveaux ne seraient pas compatibles ou cohérents entre eux :
– le statut juridique des parents définis par les textes de loi en vigueur,
– la fonction psycho-éducative, relationnelle et éducative, « être parents, c’est être responsables de l’éducation des parents, dans la variété des fonctions que ça représente : la protection, le soin, la transmission de valeurs, … »,
– un rôle social, la parentalité est une fonction sociale, « un rôle d’interface entre la cellule familiale et l’ensemble du champ social » (institutions, …) « et peut-être que beaucoup de problèmes de parentalité aujourd’hui se joue plus à ce niveau là qu’aux niveaux précédents. »
Il conclut en précisant qu’à défaut d’avoir une définition simple de la parentalité, nous pouvons néanmoins distinguer ces trois niveaux. « Ce n’est pas facile de transmettre des valeurs, mais si ces valeurs sont en contradiction avec celles du champ social alors on a des problèmes de deux ordres, celui de transmettre ses valeurs à ses enfants et le risque de télescopage avec les valeurs du champ social. »
Conférence introductive de Claude Martin, directeur de recherche au CNRS, Directeur du Centre de recherche sur l’action politique en Europe
« A part être parent », Claude Martin est sociologue de formation, il s’intéresse aux politiques sociales, en particulier en direction de l’enfant, de la famille, voire du grand âge. « Le lien entre ces différents chantiers est le lien familial puisque ce sont les derniers pourvoyeurs de soutien, d’aide, de soins (…) Ce qui m’intéresse c’est la contribution des pouvoirs publics à l’accompagnement de ces transformations auxquelles nous sommes confrontées, soumis, transformations démographiques mais aussi économiques et sociales.» Soulignant l’apport de son directeur de thèse, Robert Castel, il affirme que le fil rouge de ses travaux est « l’idée que pour regarder les transformations de la famille et des parents, il faut se retourner vers ce qui bouge autour d’eux. (…) Le plus étonnant aurait été que la famille ne bougea pas compte-tenu de tout ce qui a bougé autour d’elle. Il faut donc voir la famille aujourd’hui comme un résultat, beaucoup plus que comme un épicentre du changement. (…) et parmi les choses qui ont changé, il me semble que c’est du côté du travail et de l’emploi.(…) De temps en temps, il est important de le rappeler quand on croit que c’est à cause de ce qui se passe dans la famille qu’il y a des difficultés, des problèmes à réguler…»
Dans les années 90, le Haut Conseil à la famille demande à Claude Martin de faire un état des lieux sur la question de la parentalité. En 2012, le Centre d’analyse stratégique publie une comparaison internationale intitulée « Aider les parents à être parents » dans laquelle des chercheurs étrangers contribuent puisque « la plupart des pays « dits » développés ont aujourd’hui des politiques explicites, dites de parentalité », sous la forme de: « parenting program », l’action des parents ou de « parentage », ainsi désigné au Québec.
ETYMOLOGIE DU MOT PARENTALITE
Selon Claude Martin, « bien que la parentalité soit un néologisme, ce mot n’est pas dénué de racines. Nous les retrouvons dans différents champs scientifiques », dont les plus anciens sont l’anthropologie et la psychanalyse. Pour lui, la notion de « soutien à la parentalité » n’est pas nouvelle. Dans d’autres contextes, des parents ont fait état de certains problèmes et initié des réponses, à l’instar de la création de l’Ecole des parents dans les années 30. De plus, Claude Martin pose le second problème : où s’arrête la parentalité ? « Un problème de périmètre, incontestablement ! » Quelles frontières ? Délinquance, justice, actions sociales, quelles tranches d’âges, santé publique ?
Enfin, ce directeur de recherche interroge la « neutralité supposée du terme parentalité », neutralité quant à la question du genre qui pourrait se décliner de deux manières différentes :
– « nous avons intérêt à indifférencier ces deux rôles, à tendre vers la neutralité pour rompre avec la division sexuelle des tâches, des rôles… » c’est pourquoi nous parlons des parents et non pas des pères et des mères.
– en fait, Claude Martin pense que nous sommes plutôt « gender blind » (et non « gender neutral »), « nous sommes aveugles du point de vue du genre, nous évitons d’en parler. Nous faisons comme si nous n’avions pas besoin d’en parler alors qu’il y a besoin d’en parler ! (…) Nous ne disons rien du genre, nous avons une hésitation, on parle des parents pour ne plus avoir à parler des pères et des mères, nous avons volontairement cherché à l’euphémiser, à l’oublier, à le masquer, à éviter d’en parler trop. »
Concernant les racines scientifiques du terme, les psychanalystes et les psychologues ont été nombreux à affirmer que la parentalité, c’était devenir parent. « Pour eux, il est important de savoir quelle est la transformation psychique qui a lieu quand on devient parent », en particulier chez les mères.
Pour le courant psy, Claude Martin fait référence aux années 50 avec les travaux de Bénédek et d’Erickson sur les stades de développement à l’âge adulte. L’autre psychanalyste auquel Claude Martin fait référence est Bettelheim, en particulier son ouvrage, « Pour être des parents acceptables », dans lequel ce dernier regrette cette tendance qu’ont les professionnels ou les individus à donner des recettes, des conseils aux parents alors que ces derniers ne sont pas toujours en mesure de les recevoir ou de les exploiter … « il faut éviter de dire ce qu’il faut faire, il faut aider les parents à comprendre tout seuls ce qui se passe dans la tête de l’enfant » écrit le psychanalyste.
Quant à l’anthropologie, Claude Martin cite les travaux de Ruth Benedict, Margaret Mead ou Esther Goody , lesquelles ont défini les 5 fonctions principales de la parentalité, la « parenthood » au sens du rôle parental, d’être parents, non au sens de la paternité action, « parenting » : l’engendrement, le nourrissage, l’éducation, l’attribution d’identité, la détention de droits et de devoirs à l’égard de l’enfant.
« C’est une réflexion sur la manière dont chaque société formate la fonction parentale. La parentalité est une production sociétale. (cf Maurice Godelier : les métamorphoses de la parenté) »
La question du rôle et de la légitimité du parent est parfois entière alors que le géniteur est parfois écarté de la vie de l’enfant depuis sa naissance. « Aujourd’hui, on est dans le rôle de composition, voire d’improvisation. Quand on est beau-parent, il n’y a pas de cadre, il faut composer, le « beau-parent » bricole… » Même si les propos et comportements de certains enfants ne sont pas simples à gérer, « t’es pas mon père ! », Claude Martin soutient que le beau-parent est toutefois « en position générationnelle de donner des avis, d’émettre des conseils, fournir du soutien, éventuellement corriger la trajectoire, exercer un rôle paternel, pas un rôle de substitution ou de remplacement, non, un rôle de composition. (…) Aujourd’hui, 57% des enfants naissent en dehors du mariage, ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas de pères, (en l’occurrence, ils ont des pères non mariés) (…) et ces naissances sont légitimes, à bien des égards! (…) Le problème de certains enfants n’est pas que les parents soient séparés mais la manière dont ça s’est passé, comment les conflits ont été gérés … Combien d’enfants de couples mariés sont malheureux parce que c’est la guerre tous les jours ? Ceux-là, on les déglingue au quotidien ! A nous de choisir pour comprendre la nature des difficultés en classe et hors de la classe. Les risques du divorce peuvent peser aussi lourd que les risques du non divorce. (…) Ce n’est pas le fait qu’il y ait eu divorce qui pose problème, c’est la façon dont ça s’est passé, la façon dont ils ont négocié le divorce. »
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